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Titrisation : le financement du commerce international

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LES NOUVELLES VOIES DE LA TITRISATION : LE FINANCEMENT DU COMMERCE INTERNATIONAL

1. Introduction

La crise financière de 2008 a jeté l’opprobre sur les opérations de titrisation : les subprime étaient issus des opérations de titrisation. Mais ce n’était pas le mécanisme qui était à l’origine de la crise, mais l’abus qui en a été fait et dont le premier responsable en est le gouvernement américain qui avait pensé par ce moyen résoudre le problème de la stagnation du pouvoir d’achat aux États unis, en permettant la diffusion et surtout la mobilisation par les rehausseurs de crédit de titres risqués car basés sur des recettes non seulement incertaines mais aléatoires. Avec le comportement scabreux de certaines banques américaines, la bulle ne demandait qu’à être crevée. Ajoutons à cela l’affaire Enron (titrisation basée sur de fausses recettes), le rôle de certains cabinets de consultants et la légèreté des agences de notation et l’on comprendra que la titrisation ait pu sembler un instrument infernal. Mais dans l’ensemble, ces opérations douteuses ont été essentiellement l’apanage des États Unis. Dans le reste du monde, la titrisation a suivi son rôle de financement et d’investissement tout particulièrement dans le domaine du crédit aux particuliers et du crédit hypothécaire.

En effet la titrisation se révèle dans le monde moderne un outil indispensable de financement chaque fois que des flux de recettes sont étalés dans le temps et qu’il s’agit de mobiliser ces flux de recettes à un moment donné. Il en est ainsi des organismes de crédit, qui peuvent mobiliser les remboursements des débiteurs étalés dans le temps ou du financement de projets dont les dépenses sont immédiates et les flux de recettes plus lointains.

D’autre part les règles prudentielles de Bâle poussent les banques à réduire au maximum leurs engagements afin d’économiser au maximum leurs capitaux propres.

La possibilité de faire apparaitre les opérations en hors bilan est aussi une motivation importante.
La titrisation reprend lentement sa place en 2014 : émission de RMBS en 2014 par le Crédit Foncier, émission d’ABS pour titriser les créances sur les PME et titrisation de nouvelles créances comme nous le verrons dans cet article. D’autre part l’acceptation de certaines obligations issues de la titrisation par la BCE par Eurosystem permettant le refinancement de la titrisation n’est pas pour rien dans ce renouveau.

Il ne s’agit pas ici d’examiner l’ensemble des processus de titrisation mais uniquement de souligner le rôle de plus en plus important que prend celle-ci dans le financement du commerce international et d’en examiner les mécanismes.

 

2. Titrisation et commerce international

2.1. Le cadre de Travail

Les flux générés par les opérations de commerce international sont généralement à court terme (entre un mois et un mois et demi). Les banques ont donc la possibilité de financer leurs opérations de crédit à l’export et à l’import (trade finance) en émettant des ABCP (Assets Backed Commercial Papers), obligations adossées à des créances commerciales. Le placement de ces ABCP auprès d’investisseurs se fait le plus souvent à travers des plateformes dénommées « plateformes 144/A ».

Le nom de 144 A vient du Securities Act (Loi qui a crée la Securities and Exchange Commission en 1933) modifiée en 1993 et en 2012, qui établit une sphère de sécurité (safe harbor) pour une vente ou une revente d’un minimum de 500 000 titres à des investisseurs qualifiés (ce sont généralement des investisseurs institutionnels dont le portefeuille d’investissement est au minimum de 100 millions de dollars). Ces investisseurs répondent au sigle QIB (Qualified Institutionnal Buyer). Cependant, par un amendement de 2012, les brokers-dealers peuvent être qualifiés de QIB s’ils détiennent ou investissent au moins 10 millions de dollars et ainsi que toute personne qui pense raisonnablement pouvoir obtenir la qualification QIB (1).

Autrement dit, il est possible de proposer les ABCP en dehors des procédures des offres publiques ce qui permet en particulier la vente de ces titres sur le marché gré à gré et donc sur les plateformes. Cela permet de toucher des investisseurs institutionnels qui cherchent une diversification ou une rentabilité meilleure que celle des emprunts d’État ou d’autres obligations.

La société Trafigura spécialisée dans le courtage et le trading de matières premières lança une première plateforme en 2004 et une plateforme 144A en 2012. En octobre 2014, elle plaça une émission d’ABCP de 300 millions de dollars, destinée à financer le commerce de matières premières à travers RBS et la Société Générale (2).

2.2. L’expérience BNPPARIBAS

D’autres initiatives suivirent et l’une des plus intéressante est celle de BNP PARIBAS dénommée Lighthouse Trade Finance. L’analyse du « prospectus » donne le montage ci après.

L’émetteur (une SPC (Special Purpose Company) dénommé Light house Trade Finance Issuer 1 Ltd) a procédé à une émission obligataire de 131,6 millions d’USD qui a été « originée » et gérée par BNP PARIBAS. Cette émission est destinée à financer des opérations de trading dans le domaine de l’énergie essentiellement mais aussi dans le trading de métaux. Le « tranching »en a été effectué de la façon suivante (3) :

QUEL EST L’INTÉRÊT DE CE MONTAGE ?

Pour BNPPARIBAS, il s’agit de montrer comment ce type d’actifs peut être revendu sous forme d’obligations sous la forme de cession parfaite (true sale) par opposition à une titrisation synthétique où l’on ne céderait que le risque.

D’autre part cela allège les montants de fonds propres demandés par les régulateurs pour Bâle 3, ainsi que les ratios de liquidité et les limites d’endettement. En effet ce type de financement était traditionnellement conservé par les banques à l’actif de leurs bilans. Comme dans toute opération de titrisation, il pourra être désormais paraître au hors bilan. En effet, le risque est désormais transféré pour sa plus grande partie (sauf les 6,6 millions d’USD) aux porteurs d’obligations et en particulier aux porteurs d’obligations non notées et aux porteurs de la dette subordonnée.

Cette première opération permet de tester le marché à partir de la plateforme Light House trade Finance Master ltd destinée à distribuer des actifs pour les financements d’opérations sur matières premières.

Pour les investisseurs, l’achat des obligations résultant de la titrisation permet d’améliorer la rentabilité des placements. Par exemple une obligation d’État français à 3 ans donne une rentabilité de -0,023 % alors qu’une obligation senior issue de cette titrisation notée AAA va donner un retour sur investissement de 0,86 %(5 février 2015). L’investissement dans des obligations issues de la titrisation permet d’autre part une diversification du portefeuille.

3. Conclusions

Il est probable que dans les années qui viendront la titrisation se révélera un outil de plus en plus prisé à la fois des investisseurs et des banques dans la mesure où elle permettra :

  • L’allégement des conditions prudentielles des banques.
  • La possibilité pour ces mêmes banques de trouver une source de trésorerie sans avoir à diluer leur capital.
  • La possibilité de trouver une source de revenus complémentaires par l’origination obligataire.
  • Pour l’investisseur, une rentabilité et une diversification améliorée ainsi que la possibilité pour ceux qui ont accès aux guichets de la BCE, de pouvoir mobiliser les actifs issus de la titrisation.

4. Petit Vocabulaire

  • Origination : processus consistant à analyser, définir et placer une émission obligataire.
  • Prospectus : document obligatoire que doit rédiger chaque émetteur selon la directive européenne « PROSPECTUS » de 2004(4)  et modifiée ultérieurement, mise en œuvre depuis le 1er juillet 2005.
  • Tranching ou tranchage: Découpage d’une émission obligataire en différentes tranches (Senior, Junior, subordonnée, equity , etc.) en fonction du risque et donc de la notation et de ses exigences. Les tranches les plus exposées sont celles qui ont une rentabilité la plus élevée.

[1] Autres renseignements : lien 1lien 2, lien 3
[2] Euromoney Janvier 2015
[3] Lien
[4] Voir document s CE IP/03/1018 et IP/04/563 et ultérieurs 

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