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Décryptage des nouvelles recommandations de l’agence française anticorruption (AFA)

L’AFGES vous propose un décryptage des recommandations de l’Agence Française Anticorruption (AFA) publiées le 12 janvier 2021 qui viennent annuler et remplacer celles datant du 22 décembre 2017.

Ces nouvelles recommandations sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication, soit le 13 janvier 2021. Cependant, l’AFA laisse aux entreprises 6 mois pour adapter leur dispositif anticorruption en place aux nouvelles dispositions. Au 1er juillet 2021, l’AFA pourra donc se prévaloir de ces recommandations en cas de contrôle.

1.   Pourquoi l’AFA met-elle à jour ses recommandations ?

L’AFA a la volonté d’être au plus près des acteurs en adoptant une démarche pragmatique. Ces nouvelles recommandations ont vocation à enrichir celles émises en 2017 en tirant les enseignements de 3 années de conseil et de contrôle de l’AFA. Elles tiennent également compte des deux décisions rendues par la Commission des sanctions de l’AFA en 2019 et 2020.

Ces nouvelles recommandations ont pour objectif d’être à la fois un instrument de conseil et de fournir une grille d’analyse dans l’hypothèse d’un contrôle. Charles Duchaine, Directeur de l’AFA, a indiqué qu’il fallait les considérer comme « un mode d’emploi de la loi ».

2.   Quelle est leur portée juridique ?

Les recommandations de l’AFA constituent une des briques de l’arsenal français de lutte contre la corruption. Elles ne créent pas d’obligations juridiques et ne revêtent aucun caractère obligatoire, les entreprises étant libres de les adopter. Les organisations qui feront le choix de s’y conformer bénéficieront d’une présomption simple de conformité, à charge pour l’AFA de démontrer, en cas de contrôle, que ces recommandations n’ont pas été appliquées de manière effective, correcte et/ou complète.

Cela signifie a contrario que les organisations ayant choisi d’appliquer d’autres méthodes que celles préconisés par l’AFA devront pouvoir démontrer qu’elles répondent aux exigences de la loi Sapin 2.

Cette prise de position de l’AFA constitue un véritable progrès puisque la valeur juridique des recommandations avait été longuement débattue lors de leur publication.

3.   Comment sont structurées ces  nouvelles recommandations ?

L’AFA a complétement repensé la structure de ses recommandations initiales. Les recommandations font désormais l’objet d’un découpage en 3 parties :

  • Des dispositions générales applicables à toutes les organisations assujetties à la loi Sapin 2 ;
  • Une première déclinaison pour les acteurs économiques assujettis à l’article 17 de la loi Sapin 2 ;
  • Puis enfin, une seconde déclinaison pour les acteurs publics soumis à l’article 3, 3° de la loi Sapin 2.

Les recommandations créent un référentiel commun dont les dispositions sont applicables à tous les acteurs privés ou publics.

Elles ne revêtent plus la forme de préconisations mais s’articulent dorénavant autour de « 3 piliers indissociables » que sont les :

  • Pilier 1 : l’engagement de l’instance dirigeante ;
  • Pilier 2 : la cartographie des risques ;
  • Pilier 3 : la gestion des risques.

Cette nouvelle architecture des recommandations de l’AFA est un changement important par rapport aux précédentes recommandations de 2017. En effet, leur structure n’est pas ordonnée à l’identique des 8 mesures de la loi Sapin 2.

  • 8 mesures et procédures de l’article 17 de la loi Sapin 2 versus 3 piliers des nouvelles recommandations de l’AFA

En bref, quelles sont les principales nouveautÉs ?

  • Le rôle toujours plus important de l’instance dirigeante

L’engagement de l’instance dirigeante ne fait pas partie des 8 mesures prévues par la loi Sapin 2. L’AFA a ainsi voulu mettre l’accent sur le rôle prépondérant de l’instance dirigeante et notamment sur son articulation avec celui du responsable de la conformité. L’AFA considère l’engagement de l’instance dirigeante comme l’ « élément fondateur de tout dispositif anticorruption ». La mise en place et le pilotage du dispositif anticorruption incombe à l’instance dirigeante, même si sa mise en œuvre opérationnelle peut être déléguée au responsable de la conformité.

Les recommandations mentionnent à de nombreuses reprises que l’implication des dirigeants doit être « personnelle » afin que cette implication permette de véhiculer une culture de conformité au sein de l’entreprise.

Il est notamment attendu de l’instance dirigeante qu’elle :

  • Porte la responsabilité de la conception, du déploiement, de la mise en œuvre opérationnelle et du contrôle du dispositif ;
  • Adopte une posture « tolérance zéro » à l’égard de tout fait de corruption et communique en ce sens en interne et en externe ;
  • Définisse la stratégie de gestion des risques et s’assure de sa mise en œuvre;
  • Valide la cartographie des risques de corruption ;
  • S’assure qu’un régime disciplinaire est mis en place et que des sanctions adéquates soient prises en cas de faits de corruption.
  • La cartographie des risques de corruption, élément fondamental du dispositif anticorruption.

L’AFA considère la cartographie des risques comme un élément fondamental et central du dispositif anticorruption et la qualifie de « pierre angulaire » de ce dispositif. Les nouvelles recommandations sont plus explicites et  détaillées sur les modalités de construction de la cartographie.

L’AFA propose qu’elle soit élaborée à partir des processus de l’entreprise, même si d’autres sources peuvent être retenues. L’AFA insiste sur le fait que la cartographie des risques doit être systémique et qu’elle doit être élaborée sur mesure par et pour chaque entreprise ; la standardisation doit être évitée.

Par  « systémique », l’AFA insiste sur le fait que la cartographie des risques doit être enrichie des interactions au quotidien et doit être évolutive, en se basant sur le concept de l’amélioration continue. Ainsi par exemple, les enseignements tirés des plans de remédiation sont de nature, le cas échéant, à enrichir la cartographie des risques.

Elle doit être formalisée et régulièrement actualisée. L’AFA considère à cet égard qu’une mise à jour annuelle de la cartographie des risques n’est pas toujours nécessaire, mais qu’il convient de se poser annuellement la question de savoir si elle doit faire l’objet d’une actualisation.

  • Une approche pragmatique et des clarifications apportées sur le dispositif d’alerte interne, l’évaluation des tiers et le code de conduite

Dans une approche plus souple, l’AFA précise les modalités de mise en œuvre du dispositif d’alerte interne qui avaient suscité en son temps des difficultés d’interprétation. Elle mentionne ainsi que le dispositif d’alerte peut prévoir un ou plusieurs canaux de signalement « allant de la simple adresse électronique dédiée, au logiciel de gestion voire, pour certaines organisations, à une plateforme éthique spécifique ».

L’AFA clarifie également les articulations entre le code de conduite et d’autres dispositifs éthiques au périmètre plus large que la stricte lutte anticorruption, en indiquant que l’essentiel est que la partie dédiée à la corruption soit parfaitement lisible. Elle indique que le code de conduite peut faire référence à des fiches opérationnelles, sous réserve bien entendu que tous les documents constituent « un ensemble cohérent et clairement articulé ».

Dans le même esprit, l’AFA précise ses attendus en matière d’évaluation des tiers en proposant une méthodologie et clarifie les liens avec d’autres dispositifs existants, LCB-FT par exemple.

En conclusion :

Ces nouvelles recommandations ne devraient pas nécessiter des adaptations importantes pour les entreprises qui avaient déjà basé leur dispositif anticorruption sur les anciennes recommandations de 2017. Ces recommandations, si elles sont plus précises et détaillées, ne remettent pas en cause les principes posés précédemment.

Elles sont surtout l’occasion de rappeler les enjeux d’approche par les risques, de responsabilité et de traçabilité.

Pour aller plus loin, les sources citées sont les suivantes :

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