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IFRS 16 : Nouveautés de 2020/2021, quels impacts ?

La norme IFRS 16 sur les contrats de location, applicable depuis le 1er janvier 2019, a connu plusieurs actualités au cours de ces 30 derniers mois :

  • Un avis rendu par le comité d’interprétation IFRS, en novembre 2019, sur les durées de location à retenir pour les tacites reconductions ;
  • Un relevé de conclusions, émis par l’ANC le 8 juillet 2020, sur les baux commerciaux, qui annule et remplace la position émise précédemment en février 2018 ;
  • Des orientations des pouvoirs publics sur l’évaluation des loyers dans le contexte Covid-19 ;
  • Un amendement à IFRS 16 publié par l’IASB le 28 mai 2020 sur les allègements des loyers, suivi d’un second amendement, en cours d’homologation, pour prolonger les mesures de simplification jusqu’au 30/06/2022 ;
  • Enfin, différents amendements aux normes IFRS publiés le 27 août 2020 dans le cadre de la réforme des taux d’intérêt de référence.

Afin de situer la problématique sur les deux premiers points, reprenons quelques principes posés par la norme, qui identifie trois notions de durée :

  • La durée de vie économique : « période pendant laquelle un actif est susceptible d’être économiquement utilisable par un ou plusieurs utilisateurs, ou bien nombre d’unités de production ou d’unités similaires attendues » ;
  • La durée d’utilisation : « période totale pendant laquelle un actif est utilisé au titre de l’exécution d’un contrat conclu avec un client » ;
  • Enfin, la durée du contrat de location, qui n’est pas celle initialement convenue ente le bailleur et le preneur, mais : « la période non résiliable pendant laquelle le preneur a le droit d’utiliser l’actif sous-jacent, à laquelle s’ajoutent les périodes suivantes :
    • Toute option de renouvellement du contrat de location que le preneur a la certitude raisonnable d’exercer ;
    • Toute option de résiliation du contrat de location que le preneur a la certitude raisonnable de ne pas exercer. »

La période non résiliable se termine lorsque le contrat de location n’est plus exécutoire, c’est-à-dire à la date où chaque partie a le droit de résilier unilatéralement, « en ne s’exposant tout au plus qu’à une pénalité négligeable ».

Ainsi, nous observons que contrairement à l’ancienne norme IAS 17, il n’y a plus de symétrie économique entre la valeur d’actif – évolutive – chez le preneur, par rapport à celle contractuellement arrêtée chez le bailleur – sous réserve d’avenants futurs.

En effet, le droit d’utilisation à calculer par le preneur dépend de ce paramètre-clé de la durée, car il s’applique à la valeur actualisée des loyers futurs.

En outre, le paragraphe 26 de la norme précise que le preneur doit réviser ultérieurement la durée du contrat de location, s’il modifie son intention d’exercer ou de ne pas exercer une option, ou bien si un événement l’y oblige.

Qu’apportent les avis de l’IFRS IC et de l’ANC ?

Ils visent spécifiquement les contrats de location renouvelables tacitement, qui comportent une période initiale, puis se prolongent indéfiniment, sauf résiliation par l’une des parties.

Le preneur doit, dans ce cas, intégrer les avantages économiques attendus sur la durée d’utilité du bien, en tenant compte des améliorations ou des agencements apportés à l’actif sous-jacent. Le comité renvoie aux paragraphes 56/57 de la norme IAS 16 sur les immobilisations corporelles.

Le preneur doit également tenir compte du coût de l’abandon ou du démantèlement des améliorations locatives.

Dans cette approche, le management est fortement sollicité pour s’engager sur ce paramètre de durée, qui servira ensuite aux calculs financiers.

La nouvelle position de l’ANC de juillet 2020 intègre les précisions ci-dessus au bail commercial 3/6/9 :

la durée du bail de neuf ans peut être réduite aux périodes non-résiliables de trois ou six ans, selon les décisions du preneur.

L’option de tacite reconduction au-delà de 9 ans peut être intégrée dès l’origine en prolongement du bail initial, si le preneur est raisonnablement certain de l’exercer et que le bailleur ne pourra alors donner congé sans des pénalités significatives.

De même, la tacite prolongation non anticipée donne lieu, lorsqu’elle devient raisonnablement certaine en raison d’un événement ou d’un changement de circonstance, à une réestimation de la durée du bail, conduisant à une modification de l’évaluation initiale des actifs et passifs de location.

Enfin comptablement, il convient d’effectuer la mise en cohérence des durées d’amortissement, dont celle des agencements, avec les ajustements de valeurs.

Ces précisions sur le réaménagement des durées s’avèrent parfaitement d’actualité avec la pandémie Covid-19 ; restructuration d’activité, généralisation du télé-travail, résiliations contraintes… vont entrainer chez les preneurs un réexamen de leur portefeuille de contrats de location. Les ajustements comptables porteront sur les dettes locatives (modification de durée, rehaussement des taux d’actualisation, intégration des rééchelonnements ou des réductions de loyer éventuels) et symétriquement sur les droits d’utilisation et leur plan d’amortissement.

Ajoutons le traitement dérogatoire des allègements de loyer (abandons, réductions, différés) qui a été décrit par les amendements 2020/2021 à IFRS 16 : le preneur peut, par simplification :

  • Ne pas les considérer comme des modifications de contrats, ce qui se traduirait par un étalement en résultat de l’avantage sur la durée du contrat ;
  • Comptabiliser ces allégements comme des loyers variables négatifs, générant un gain immédiat en résultat.

À noter, l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 proroge les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire : comptablement, cela se traduit pour les preneurs par l’annulation des sanctions contractuelles liés aux retards de paiement, mais l’exigibilité des loyers reste en charges.

Les impacts chez le bailleur sont à étudier selon deux approches :

  • Soit les concessions sur les loyers sont imposées par les pouvoirs publics ou bien prévues dès l’origine dans les contrats (clause d’indexation sur le chiffre d’affaires semestriel par exemple) :
    • Comptabilisation d’une charge identifiée pour les locations-financement ;
    • Enregistrement d’un « loyer négatif » pour les locations simples.
  • Soit il s’agit de renégociations contractuelles :
    • Pour les locations-financement : application d’IFRS 9 avec imputation en charge l’écart entre le montant d’origine actualisé au TIE et la valeur actuelle recalculée ;
    • Pour les locations simples : comptabilisation du nouveau loyer minoré.

En ce qui concerne la réforme sur les taux de référence, l’amendement publié en août 2020 par l’IASB  indique que les instruments financiers, dont les contrats de location, n’auront pas à être dé-comptabilisés puis ajustés à leur nouvelle valeur, à cause du changement dans l’indice de référence. Les entités auront simplement pour obligation d’ajuster le taux d’intérêt effectif, afin de  refléter les changements de valeur des flux de trésorerie futurs attendus.

En conclusion, à l’image de l’économie en général, de nombreux ajustements sont attendus sur les relations bailleurs/preneurs et la physionomie de leurs publications financières IFRS à venir. Les outils de mesure des droits d’utilisation et des dettes de loyers permettront ces aménagements, à condition que les décisions opérationnelles aient pu être validées à temps. Nous resterons en veille pour les prochaines instructions des autorités de supervision.

Nous recommandons également de suivre en continu les publications ANC sur les traitements comptables préconisés : Reco_Obs_Covid_080121publication.pdf (anc.gouv.fr)

Ainsi, la réponse J5 du dernier document apporte les précisions suivantes coté preneur :

  • Lorsque l’aménagement ne résulte pas d’une modification de contrat :
    • Si le contrat de location est un contrat de location simple, les effets des aménagements consentis sont comptabilisés en tant que loyer variable négatif, en général immédiatement en résultat ;
    • Si le contrat de location est un contrat de location-financement, cette situation conduit à la comptabilisation d’une charge immédiate correspondant aux aménagements consentis.

Lorsque l’aménagement résulte d’une modification du contrat :

  • Si le contrat est un contrat de location simple, le bailleur comptabilise les effets de la modification contractuelle comme donnant naissance à un nouveau contrat de location en application d’IFRS 16.87 ;
  • S’il est conclu que ce contrat reste un contrat de location simple, il en résulte un étalement de la charge correspondant aux aménagements consentis sous la forme d’une réduction du montant total des produits locatifs comptabilisés linéairement sur la durée résiduelle du contrat de location modifié ;
  • Si le contrat est un contrat de location-financement et si la classification en tant que location-financement n’est pas remise en cause par la modification contractuelle, les principes d’IFRS 9 s’appliquent et devraient généralement conduire à comptabiliser une charge immédiate correspondant à des paiements éventuels effectués par le bailleur ou à l’écart entre le montant de la créance de location précédemment comptabilisée et son montant réévalué à la date de l’accord sur les aménagements (actualisation des flux révisés au taux d’intérêt effectif d’origine). »

Principales références

IFRS 16 – contrats de location, JOUE, 9 novembre 2017.

IASB, 1er Amendement IFRS 16 – concessions de loyers, 28 mai 2020 (JOEU 12 oct.2020).

IASB, Amendement IFRS – taux de référence, 27 août 2020.

IASB, Projet 2e Amendement IFRS 16 – Prolongation des mesures COVID juin 2022.

ANC, Relevé de conclusions IFRS 16, 3 juillet 2020.

IAS 16, immobilisations corporelles, 29 novembre 2008.

Mise en œuvre d’IFRS 16,  P. Martinet, Revue banque n°838, décembre 2019.

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