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LE TLAC (TOTAL LOSS ABSORBING CAPACITY), EN BREF…

1. Introduction

Le Conseil de Stabilité Financière (FSB) du G20 a l’intention d’imposer de nouveaux « coussins » de sécurité aux banques systémiques européennes baptisées G-SIB1 (dénommées précédemment SIFIs). Les banques américaines auront leur propre critère. L’objectif est d’éviter l’aléa moral du « too big to fail » et ainsi de ne pas pénaliser les contribuables en cas de défaillance de l’une de ces banques systémiques. Pour cela, le FSB a émis une consultation qui s’est terminée le 2 février 2015. Ce coussin se dénomme le TLAC (TOTAL LOSS ABSORBING CAPACITY).

 

2. Qui est concerné ?

Les 10 grandes banques européennes (sur les 30 plus grandes banques mondiales) dont 4 françaises : BNP, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE. Pour le comité de Bâle, chaque banque systémique est classée dans l’une des 5 catégories qui sont définies par le pourcentage de capitaux propres qu’il faut ajouter au coussin contra cyclique de 2,5 % des RWA (voir paragraphe suivant et annexe 3). Ce classement est réexaminé une fois par an.

 

3. Le principe

Constituer un coussin de fonds propres et autres instruments supplémentaires, compris entre 16 et 20% des actifs pondérés en fonction du risque (RWA) ; et représentant au minimum deux fois le ratio de levier (3% du rapport Tier1/ actifs de la banque) défini par Bâle 3. Cependant, dans certain cas et en fonction de la taille de la banque, on pourrait finalement atteindre un maximum de 25 %. Il faut noter que les exigences minimales de Bâle III sont de 10,5 % des RWA pour les banques non systémiques et de 11, 5 % des RWA pour les banques systémiques en dehors des ajustements pouvant être fait par les régulateurs locaux.
Dans le tableau ci-dessous nous rappelons les principaux ratios concernant les exigences minimales de capitaux propres de Bâle 3, retranscrits dans la CRDIV :
Le calendrier de mise en œuvre est donné à l’annexe 1.

Tableau 1 : Exigences minimales de capitaux propres (Bâle III) :

Ratio minimal Capitaux propres(2)/risques pondérés 8% des RWA
Volet de conservation des fonds propres (coussin de protection) Sur capitaux propres2(common equity) 2,5% des RWA
Total minimum 10,5% des RWA
Coussin contre-cyclique Sur capitaux propres Entre 0 et 2,5% des RWA décidé par l’organisme prudentiel du pays en fonction de l’exposition géographique du portefeuille de la banque.
Coussin pour les G-SIB (banques systémiques) Sur les capitaux propres Coussin contre-cyclique + % correspondant à la catégorie déterminée par le comité de Bâle. Entre 1% et 2,5% des RWA

 

4. Dans quel délai ?

La règle s’applique à partir de partir de janvier 2019 pour les banques incluses dans le G-SIB. Le tableau de mise en œuvre est donné à l’annexe 4. Par la suite une banque serait obligée de s’y conformer entre 12 à 36 mois une fois le statut de G-SIBS reconnu. Les banquiers demandent d’ores et déjà un délai de 5 ans.

 

5. De quoi serait constitué le coussin ?

Des éléments constitutifs du Tier1 (Common equity et éléments complémentaires) et Tier2 (donc d’emprunts subordonnés).
Les CoCos (Contingent Convertible bonds)3  étant admis en tant que AT1 (c’est-à-dire Tier1 complémentaire ) au sens de la CRDIV, devraient faire partie du coussin TLAC . En l’occurrence selon la CRDIV dès que le ratio de fonds propres tombe au dessous de 5,125% du RWA. L’objectif général est de faire remplacer la dette hybride traditionnelle des banques par les CoCos. Dans cette perspective et compte tenu du TLAC, le marché à venir des CoCos est évalué de 300 à 400 Milliards d’euros dans les années à venir.

La dette senior non sécurisée devrait être comprise dans le ratio, à condition qu’elle ait une maturité de plus d’un an. De facto l’ensemble des produits dérivés seraient exclus du ratio.
En ce qui concerne la dette senior non sécurisée, les banques seront obligées de restructurer leurs dettes en utilisant, comme le font déjà les banques américaines, une holding de tête qui émettrait des titres dont les détenteurs passeraient après les créanciers des filiales opérationnelles. Ainsi, en cas de problèmes, ces titres pourront être convertis en actions ou la dette purement effacée. Cette structure de « bail-in » (caution) permettrait d’admettre la dette senior dans le ratio.

 

6. Le TLAC viendrait-il en complément du BRRD ?

Oui. La directive sur le Redressement et la Résolution des Défaillances Bancaires (BRRD) s’applique aux membres de l’UE depuis le premier janvier 2015. Elle permet en particulier de faire payer en premier les créanciers « senior » et les actionnaires4.

 

7. La question du TLAC : une possible réponse qui amène des questions

Selon les évaluations Standard & Poor’s la mise en place du TLAC entraînerait une demande de capitaux sur le marché de l’ordre de 500 milliards de dollars ; Chiffre qui est à rapprocher du marché potentiel des CoCos vu ci-dessus. Le coût de la collecte de ces capitaux pourrait s’avérer important, compte tenu du fait du risque pour les créanciers seniors. De plus, les banques se posent le problème de collecter des fonds dont elles n’auraient pas forcement l’emploi.
Une deuxième interrogation concerne le fait que les organismes bancaires craignent que la masse de crédit disponible soit considérablement réduite, du fait d’une immobilisation supplémentaire du capital économique de la banque (Tier1 et Tier1 complémentaire)
La question de la répartition du TLAC à travers les différentes entités d’un groupe pose aussi un problème. Cette répartition se fera t’elle en fonction de la taille, du risque ou d’autres considérations ?
Le TLAC doit-il inclure les planchers minimaux de Bâle 3 ou s’ajouter à ceux-ci ? Dans le cas où ils ne seraient pas compris, les pourcentages indiqués devraient être fortement minorés.
Les banques préféreraient que les règles de calcul TLAC relèvent du pilier 1 des règles de Bâle, de façon à disposer d’éléments précis de calcul, plutôt que du pilier 2 qui relèverait des autorités prudentielles d’un pays, celles-ci pouvant alors choisir les éléments venant au numérateur du ratio. Cela pourrait entraîner des distorsions de concurrence.

 

8. Conclusion

On peut se demander si l’objectif caché des régulateurs n’est pas de faire en sorte de séparer les différentes activités d’un groupe bancaire comme il en avait été question après la crise. En effet, la création d’une holding de tête (structure de bail-in) regroupant l’ensemble des filiales opérationnelles (que l’on dénomme holdco) aurait comme intérêt de permettre en cas de problème d’isoler l’entité malade (qui ne contaminerait pas ainsi le reste du groupe). Cela entrainerait aussi le fait qu’il faudrait moins de capitaux pour sauver une unité opérationnelle que pour sauver l’ensemble d’un groupe et d’autre part permettrait de céder éventuellement l’entité malade. Finalement, le fait d’avoir une structure de cautionnement peut permettre une solution rapide en cas de problème, évitant ainsi une perte de confiance dans une entité donnée.
Une autre solution consisterait pour les banques systémiques à sortir de la classification des banques systémiques en cédant des actifs, autrement dit en procédant à une réduction des bilans.
Ce qui nous amène à conclure qu’un autre problème pourrait apparaître, celui de la notation future des banques systémiques : comment évoluera-t-elle selon les choix qui seront faits ? Cette question sera d’importance pour savoir à quels taux se fera le refinancement à partir des CoCos par exemple.

 

ANNEXE 1 : Calendrier de mise en œuvre de Bâle III

ANNEXE 2 : Petit Glossaire

 

  • CoCos : (Contingent Convertible bonds). Titre de dette subordonnée pouvant être transformé en action à partir d’un fait déclencheur.
  • CRDIV : Capital Requirement Directive sur la base de la transposition des principes de Bâle3.
  • Holdco : Holding company ou encore Holding corporates .Holding de tête regroupant des unités opérationnelles
  • RWA : Risk Weighed Assets Actifs pondérés par les risques

ANNEXE 3 : Classificationdes banques G-SIB

La classification des banques se fait selon une notation dont le détail de calcul est donné par le document http://www.bis.org/bcbs/publ/d296.pdf

ANNEXE 4 : Délais de mise en œuvre du TLAC

1 La liste en est établie par le FSB en utilisant la méthodologie définie par le document « The G-SIB assessment methodology –score calculation » du Comité de Bâle : http://www.bis.org/bcbs/publ/d296.pdf et https://www.bis.org/bcbs/gsib/instr_end14_gsib.pdf

2 Les capitaux à retenir ont été modifiés par Bâle3 on en trouvera le descriptif dans la note bcbs189_fr_bâle3.pdf
Accessible par https://www.bis.org/publ/bcbs189_fr.pdf

3 Les CoCos sont des titres de dettes subordonnées ayant vocation à absorber les pertes des banques émettrices dés qu’un indicateur est franchi.

4 BRDD http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32014L0059

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