1. Introduction
Un communiqué de presse émanant du Conseil de l’Union Européenne daté du 30 Mai 2017 fait état d’un accord entre le Conseil de l’UE, le Parlement Européen et la Commission Européenne portant sur la titrisation. Ce communiqué souligne en particulier que « Un cadre en matière de titrisation constitue l’un des principaux éléments du plan d’action de l’UE de 2015 visant à mettre en place une union des marchés des capitaux pleinement opérationnelle d’ici la fin de 2019. Le développement d’un marché de la titrisation contribuera à créer de nouvelles possibilités d’investissement et fournira une source supplémentaire de financement, en particulier pour les PME et les jeunes entreprises ».
Cet accord fait suite à de nombreux travaux, consultations et négociations afin de mettre en place des textes clairs et homogènes pour l’ensemble des membres de l’UE afin de relancer la titrisation (voir ci-dessous).
Une synthèse des nombreux travaux avait été faite lors d’un séminaire sur la titrisation à l’initiative de l’EIFR (1) (15 décembre 2015). Il avait été spécifié quels devaient être les objectifs des modifications à apporter à la législation européenne concernant la titrisation.
Ces objectifs devraient être les suivants conformément au document de la proposition de règlement du parlement européen (2) :
– Développer la titrisation simple, transparente et standardisée comme canal de financement additionnel de l’économie ;
– Permettre un transfert efficace des risques vers un large éventail d’investisseurs institutionnels ;
– Faire le lien entre les banques et les marchés de capitaux / investisseurs de plus long terme ;
– Protéger les investisseurs et gérer le risque systémique.
2. Historique et progression
Le Comité de Bâle avec le IOSCO (International Organization of Securities Commissions) avaient émis des recommandations (juillet 2015) concernant les critères pour identifier les titrisations STC (Simple, Transparent, Comparable) ou en Français les titrisations STS (Simple, Transparente, Standardisée) (3). Ces titrisations subiraient alors un traitement simplifié visant à réduire leur coût et l’ensemble de la procédure. Les critères STC vont alors être incorporés au document de 2014 « Dispositif réglementaire concernant la titrisation » en juillet 2016 (4). L’EBA (European Banking Association) avait fait ses propositions à la Commission Européenne sur les titrisations de qualité. Un « trilogue » s’engagea alors entre la Commission Européenne, le Conseil et le Parlement Européen, ce dernier souhaitant des mesures draconiennes concernant la titrisation.
Cependant, les choses allèrent moins vite que prévu et c’est seulement le 30 Mai 2017 qu’un accord est intervenu. Le communiqué de presse fait état de deux projets de règlement : l’un fixant des règles en matière de titrisation et confirmant les critères qui définissent la titrisation STS et l’autre modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences de fonds propres applicables aux banques. Lors de cet accord, trois points ont été résolus :
– L’exigence de rétention du risque par le cédant au minimum de 5% du montant des émissions d’obligations émises par l’organisme de titrisation (cette mesure est d’ailleurs déjà suivie à la demande des organismes de notation) alors que le Parlement demandait 10% ;
– La création d’un système de référentiel de données pour les opérations de titrisation, ce qui accroîtra la transparence du marché ;
– La mise en place d’une procédure d’autorisation simplifiée pour les tiers qui contribuent à vérifier le respect des exigences relatives aux titrisations simples, transparentes et standardisées (STS). L’objectif est d’éviter les conflits d’intérêts.
Le texte indique clairement que, même lorsqu’un tiers intervient dans le processus de certification STS, la responsabilité du respect des règles incombe toujours entièrement aux initiateurs, aux sponsors, aux prêteurs initiaux et aux structures de titrisation ad hoc.
Cet article se propose d’exposer ce qu’est une titrisation STC (ou STS).
3. Qu’est-ce qu’une titrisation STC (ou STS) ?
3.1. Définition d’une titrisation STC/STS
Une titrisation STC/STS est une titrisation qui doit répondre à trois caractéristiques (5) :
– La simplicité : la simplicité se réfère à l’homogénéité des actifs sous-jacents avec des caractéristiques simples, et une structure de transaction qui n’est pas trop complexe.
– La transparence : les critères de transparence fournissent aux investisseurs des informations suffisantes sur les actifs sous-jacents, la structure de la transaction et les parties impliquées dans la transaction, ce qui favorise une compréhension complète des risques encourus. La manière dont l’information est disponible ne doit pas entraver la transparence mais plutôt soutenir les investisseurs dans leur évaluation.
– La comparabilité (Standardisation): les critères favorisant la comparabilité pourraient aider les investisseurs à comprendre leurs investissements et permettre une comparaison plus simple entre les produits de titrisation au sein d’une classe d’actifs. Fait important : ils devraient tenir compte des différences entre les juridictions.
La notion de « titrisations simples, transparentes et standardisées (STS) » renvoie au processus de structuration de la titrisation et non à la qualité de crédit sous-jacente des actifs concernés.
Pour atteindre ces caractéristiques, une titrisation STC doit répondre à 14 critères dont le détail est donné dans les trois tableaux ci-dessous.
Ces 14 critères STC qui, si satisfaits, indiqueraient qu’une titrisation possède un niveau de simplicité, de transparence et de comparabilité qui pourrait aider les acteurs du marché à évaluer les risques d’une opération de titrisation.
Les critères sont mis en correspondance avec les principaux types de risques dans le processus de titrisation :
– (A) Critères génériques relatifs au pool d’actifs sous-jacents (risque d’actif).
– (B) Transparence autour de la structure de titrisation (risque structurel).
– (C) Gouvernance des parties clés au processus de titrisation (risque fiduciaire et prestataire)
La catégorie “risque d’actif” comprend des critères génériques par rapport au pool d’actifs sous-jacents, mais ne répond pas au risque de crédit final des pools de titrisation sous-jacents.
Critères concernant la Catégorie risques d’actifs
Catégorie | Critères | Objectifs |
A. Risques d’actif | 1. Nature des biens 2. Historique des performances de l’actif 3. Statut de paiement 4. Cohérence de la Souscription 5. Sélection et transfert d’actifs 6. Données initiales et en cours |
S, T, C T, C S, T, C S, C S, T, C S, T, C |
Critères concernant la catégorie risques structurels
Catégories | Critères | Objectifs |
B. Risques structurels | 7. Flux de trésorerie de rachat 8. Variations des taux de change et des taux d’intérêt et inadéquations 9. Priorités de paiement et observabilité 10. Droits de vote et d’exécution 11. Documentation et révisions juridiques 12. Alignement des intérêts (Réduction du spread) |
S
S,C |
Critères concernant les risques de fiducie et de prestataires
Catégories | Critères | Objectifs |
C. Risques des fiduciaires et du gestionnaire de créances | 13. Responsabilités fiduciaires et contractuelles 14. Transparence envers les investisseurs |
T, C T, C |
3.2. Qui devra appliquer les critères ?
La proposition de directive explique que (6) :
« Les options retenues sont l’instauration de critères applicables aux titrisations STS à long terme et aux titrisations à court terme (dont les «ABCP»). La responsabilité du contrôle du respect de ces critères incombe en premier lieu aux initiateurs et aux sponsors, qui doivent s’assurer qu’une titrisation STS répond aux critères STS notifiés à l’AEMF . Les investisseurs devraient exercer la diligence requise avant d’investir dans des titrisations STS et de se fier à la déclaration STS et aux informations publiées par l’initiateur, le sponsor et l’entité de titrisation. Cette approche est renforcée par une surveillance prudentielle, une coordination transfrontière de la surveillance et un mécanisme de sanctions. Le cadre de l’UE fournira des règles en matière de transparence, de diligence et de rétention du risque ». Les déclarations seront publiées sur le site AEMF (7) ».
Pourquoi cette mesure ? Afin que la responsabilité en incombe à l’initiateur, l’organisme de titrisation et les investisseurs afin qu’ils ne se reposent pas sur un organisme de notation (comme lors de la crise des subprimes) ou sur les organes de contrôle dans le but d’éviter l’aléa moral.
Les critères STS devraient être uniformes pour l’ensemble de l’UE.
Mais d’autres critères sous-jacents doivent être retenus pour qu’une titrisation soit de type STS et en particulier :
– « Seules les titrisations avec cession parfaite (8) peuvent devenir des titrisations STS. Dans une titrisation avec cession parfaite, la propriété des expositions sous-jacentes est transférée ou effectivement attribuée à une entité de titrisation. »
– « Lorsqu’une autorité compétente a lieu de considérer que des initiateurs, sponsors et entités de titrisation ont procédé à une déclaration STS nettement inexacte ou trompeuse, elle doit en informer immédiatement l’AEMF, l’ABE (9) ou l’AEAPP (10) et les autorités compétentes des États membres concernés pour leur soumettre ses constatations. »
4. Conclusions
La question que l’on peut légitimement se poser est la suivante : pourquoi créer une catégorie titrisation STS ?
L’intérêt principal réside dans le fait, qu’en matière prudentielle, les titrisations STS bénéficieraient d’un traitement privilégié non seulement en matière de poids dans le capital économique mais aussi dans les coefficients de liquidité. De ce fait elles seraient moins gourmandes en capitaux propres tant pour les banques (modification de la CRR) que pour les assureurs (modification de Solvency 2 en particulier sur les titrisations des infrastructures). Ainsi, dans le cadre de la création de l’UMC (11), la normalisation des opérations de titrisations s’impose pour faciliter le financement et la liquidité du crédit.
(1) European Institute of Financial Regulation
(2) Proposition su RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL établissant des règles communes en matière de titrisation ainsi qu’un cadre européen pour les opérations de titrisation simples, transparentes et standardisées, et modifiant les directives 2009/65/CE, 2009/138/CE et 2011/61/UE et les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 648/2012
(3) Document D332 du comité de Bâle et IOSCO
(4) Document D374 du comité de Bâle
(5) Attention traduction non officielle, effectuée par l’auteur en ce qui concerne ces trois paragraphes et les tableaux.
(6) Proposition de Règlement du Parlement Européen
(7) Autorité Européenne des Marchés Financiers
(8) Par opposition aux titrisations synthétiques (note de l’auteur)
(9) Autorité bancaire européenne, EBA en anglais
(10) Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles
(11) Marché Unique des capitaux