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Open finance : une révolution silencieuse au coeur de la banque et de l’assurance

L’Open Finance représente une nouvelle dimension pour le secteur financier. Héritière directe de l’Open Banking, elle permet aux clients de partager « en toute sécurité » leurs données financières avec des tiers afin de bénéficier de services personnalisés et interconnectés. Cette tendance s’inscrit dans une volonté plus large d’ouvrir l’écosystème bancaire et assurantiel à l’innovation et à la concurrence.

L’évolution règlementaire autour des services de paiement contribue à la transformation profonde des services financiers. Les directives et règlements successifs — la DSP2, la DSP3 et le PSR — ont posé les bases, puis accéléré le développement de l’open banking et, plus largement, de l’open finance. Chacun de ces textes apporte des innovations majeures et des améliorations pour les acteurs du marché, les consommateurs et l’écosystème financier.

L’utilisation des données améliore déjà l’expérience utilisateur dans de nombreux domaines : pourquoi pas en finance ?

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1.   Définition et objectifs de l’Open Finance

L’Open Finance va au-delà de la simple banque : elle englobe les services liés à l’épargne, aux investissements, aux assurances et aux retraites. Elle repose sur trois principes clés :

  • Partage sécurisé des données via des API, sous le contrôle explicite du client.
  • Interopérabilité entre différents services financiers sur une même interface.
  • Maîtrise du client, qui décide à qui et pour combien de temps ses données sont accessibles.

Ses objectifs sont ambitieux : renforcer la personnalisation des services, améliorer la transparence, réduire les frictions administratives, et encourager l’innovation.

Mais elle n’est pas qu’un concept théorique. En pratique, l’Open Finance transforme déjà les usages et les parcours clients, comme le montrent de nombreux cas d’application concrets.

2.   La DSP2 : Le point de départ de l’open banking

La Directive sur les services de paiement 2 (DSP2) (1) est entrée en vigueur en janvier 2018. Elle a révolutionné le secteur en imposant aux banques de partager, avec l’accord du client, l’accès à leurs données bancaires et de paiement avec des fournisseurs de services tiers agréés (fintechs, prestataires de paiement, etc.).

  • Les apports principaux de la DSP2 :
    • Ouverture du marché : Accès sécurisé aux données pour des tiers, favorisant l’innovation et la concurrence.
    • Renforcement de la sécurité : Authentification forte du client (SCA) et réduction des risques de fraude.
    • Services innovants : Développement de nouveaux services (agrégation de comptes, initiation de paiement, conseils personnalisés, etc.)27.
    • Préparation à l’open finance : La DSP2 a posé les fondations technologiques et réglementaires pour aller au-delà de la banque, vers une finance plus ouverte et interconnectée.
  • Illustration :
    • Une marketplace qui encaisse les fonds des payeurs pour les reverser aux marchands est soumise à la DSP2.

3.   La DSP3 : Vers une amélioration continue

La DSP3 (Directive sur les services de paiement 3) (2) est la révision de la DSP2, proposée en juin 2023. Elle vise à corriger les faiblesses de la DSP2 et à adapter la réglementation à l’évolution du marché et des technologies.

  • Les apports principaux de la DSP3 :
    • Amélioration de l’open banking : Obligation pour les banques de partager davantage d’informations avec les prestataires de services de paiement (PSP) et amélioration des infrastructures techniques pour lever les derniers obstacles à l’innovation.
    • Renforcement de la protection des consommateurs : Plus grande transparence sur les frais, meilleure information sur les droits, et mécanismes d’appel en cas de refus de service par une banque.
    • Lutte contre la fraude : Partage d’informations entre PSP (3) pour mieux détecter et prévenir les fraudes, et renforcement de la vérification d’identité.
    • Conditions de concurrence équitables : Justification obligatoire des refus de services et possibilité d’appel, permettant aux fintechs et PSP de concurrencer plus équitablement les banques traditionnelles.
    • Préparation à l’open finance : La DSP3 crée un environnement propice à l’intégration de nouvelles sources de données et à l’extension de l’open banking vers l’open finance.

4.   Le PSR : Un cadre réglementaire unifié et renforcé

Le Règlement sur les services de paiement (PSR) accompagne la DSP3 pour harmoniser et renforcer le cadre réglementaire à l’échelle européenne.

Les apports principaux :

  • Harmonisation des règles : Le PSR s’applique directement dans tous les États membres, évitant les divergences locales et assurant une expérience utilisateur cohérente.
  • Modernisation des services de paiement : Adaptation aux nouveaux acteurs digitaux et aux évolutions technologiques, amélioration de la sécurité et de la transparence.
  • Tableau de bord client : Mise à disposition d’un outil pour gérer les autorisations accordées aux tiers, renforçant le contrôle et la confiance des utilisateurs dans l’open banking.
  • Stimulation de l’innovation : Le PSR favorise l’entrée de nouveaux services innovants sur le marché, en facilitant l’accès aux données et en renforçant la concurrence.
  • Confiance et adoption : L’ensemble des mesures contribue à renforcer la confiance des consommateurs et à accélérer l’adoption de l’open banking, tout en préparant le terrain pour l’open finance.

5.   Des cas d’usage concrets dans la banque et l’assurance

5.1.   Dans le secteur bancaire

Les banques exploitent de plus en plus l’Open Finance pour simplifier l’expérience client, optimiser l’analyse des risques et proposer des services plus intelligents :

  • Agrégation de comptes : des applications comme Bankin’, Linxo ou Lydia permettent aux utilisateurs de visualiser l’ensemble de leurs comptes et produits financiers, quel que soit l’établissement.
  • Analyse automatisée de solvabilité : les plateformes utilisent les flux bancaires pour accélérer les demandes de crédit ou de location, en remplaçant les documents justificatifs classiques.
  • Conseils personnalisés : grâce aux données agrégées, les institutions peuvent proposer des offres de prêt, d’épargne ou d’investissement sur mesure, en fonction du comportement financier réel du client.
  • Financement basé sur les revenus : des modèles comme le Revenue-Based Financing (RBF) permettent à des entreprises, notamment des PME, d’obtenir des financements souples, basés sur leur chiffre d’affaires prévisionnel.
  • Vérification d’identité et de RIB : les démarches d’abonnement ou d’ouverture de compte sont fluidifiées grâce à l’accès à des données certifiées, évitant les erreurs manuelles.

5.2.   Dans le secteur de l’assurance

Les assureurs peuvent, eux aussi, tirer profit de l’Open Finance en proposant des parcours plus simples, des produits plus adaptés, et des processus plus efficaces :

  • Comparateurs intelligents : ils intègrent les données bancaires et financières pour recommander des offres adaptées au profil réel du client, en temps réel.
  • Bancassurance augmentée : les acteurs bancaires peuvent proposer une gamme complète de produits d’assurance directement sur leurs plateformes digitales, en s’appuyant sur la connaissance client bancaire.
  • Assurance sur mesure : la prime et les garanties sont personnalisées selon la situation financière, le profil de risque et les habitudes du client (revenus, dépenses, comportements de paiement, etc.).
  • Souscription automatisée : des parcours simplifiés réduisent la durée et la complexité de l’adhésion, tout en renforçant la détection de la fraude.

5.3.   Exemples concrets pour le client

Pour les particuliers :

  • Possibilité de se connecter à ses comptes à une application de gestion de finances personnelles comme Bankin’, qui l’aide à identifier une capacité d’épargne, lui propose d’optimiser son assurance habitation, et facilite la souscription en quelques clics.

Pour une PME :

  • Possibilité d’utiliser une plateforme comme Defacto ou Libeo pour centraliser ses flux bancaires, suivre sa trésorerie en temps réel, et obtenir une ligne de financement sans fournir de documents papiers.

6.   Enjeux de régulation : le rôle clé du cadre européen

Comme toute activité qui se développe et génère des revenus, il est important de la superviser.

L’Open Finance ne bénéficie pas encore d’un cadre réglementaire spécifique, bien qu’elle soit couverte par des textes existants (RGPD, DSP2, Data Governance Act, etc.). L’Union européenne a néanmoins lancé une proposition ambitieuse : le règlement FIDA (« Financial Data Access »). Celui-ci vise à harmoniser l’accès aux données dans la finance, en cohérence avec d’autres initiatives sectorielles (santé, énergie, mobilité, etc.).

  • Trois objectifs majeurs du cadre FIDA :
    • Renforcer la confiance dans le partage des données : en garantissant le consentement explicite, la traçabilité des autorisations, et une cohérence terminologique entre les textes (FIDA, PSR).
    • Évaluer avec réalisme les cas d’usage : tous les segments ne présentent pas le même potentiel économique. L’expérience de certaines banques (comme Société Générale) montre une adoption encore modérée, notamment chez les particuliers et les PME, malgré les investissements massifs engagés.
    • Assurer la cohérence réglementaire : un vocabulaire commun et des exigences homogènes sont indispensables pour favoriser l’adoption tout en garantissant la sécurité juridique.

Le calendrier réglementaire prévoyait une adoption progressive du règlement FIDA d’ici 2026, avec des périodes de mise en œuvre échelonnées selon les catégories d’acteurs. Cependant ce projet soulève de nombreuses inquiétudes de la part des consommateurs quant à la confidentialité des données. L’Europe avance donc prudemment sur ce sujet…

7.   Quels bénéfices de l’open finance pour les différents acteurs ?

Pour les clients : des services plus simples, plus adaptés, une meilleure compréhension de leurs finances et une plus grande autonomie dans la gestion de leur patrimoine.

Pour les banques et les assureurs : un levier de fidélisation, de réduction des coûts opérationnels, d’amélioration du scoring et de conformité automatisée.

Pour les fintechs : un champ d’opportunités pour développer de nouveaux modèles économiques, offrir des services innovants et nouer des partenariats stratégiques.

Mais ces bénéfices ne seront réellement atteints que si les acteurs coopèrent, si les questions de sécurité ont des réponses adaptées à nos craintes en tant que client et si les standards techniques et juridiques sont suffisamment clairs et robustes.

8.   en Conclusion

L’Open Finance bouleverse les lignes du secteur financier en plaçant les données au cœur de l’expérience utilisateur. Si les promesses sont nombreuses, leur réalisation dépendra de la mise en place d’un cadre réglementaire clair, de la capacité des acteurs à coopérer, et de la volonté des clients à devenir les véritables chefs d’orchestre de leurs données financières.

Loin d’un simple effet de mode, l’Open Finance constitue un levier stratégique de transformation pour les années à venir. Elle incarne une finance plus ouverte, plus agile et plus orientée client. Une révolution silencieuse… mais déterminante.

 

Références

Réglementation/Norme Zone géographique Objectif principal Lien
DSP2/PSD2 Union européenne Accès sécurisé aux données de paiement Directive (UE) 2015/2366 (PDF)
Open Banking Standard Royaume-Uni Normes techniques et réglementaires pour open banking Open Banking Standard (UK)
FIDA (Finance Data Access) Union européenne (projet) Cadre global pour l’open finance Projet de règlement européen (2023)
NextGenPSD2 (Berlin Group) Europe Standardisation des API d’open banking NextGenPSD2 – Berlin Group
API FDX (Financial Data Exchange) États-Unis Standardisation et sécurité des API FDX API Standard (US)
Consumer Data Right (CDR) Australie Droit d’accès et de partage des données financières Consumer Data Right (AU)
RGPD Union européenne Protection des données personnelles RGPD (UE)

 

(1) Directive (UE) 2015/2366 relative aux services de paiement dans le marché intérieur (« DSP2 »)

(2) Directive Européenne des services de paiement (« DSP3 ») et du Règlement sur les services de paiement (« PSR ») ont été publiés le 28 juin 2023. Il s’agit de deux textes législatifs dont l’objectif est de structurer le développement de l’Open Banking.

(3) PSP : prestataire de service de paiement

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