Les questionnaires ESG sont désormais un outil clé pour les banques afin d’intégrer les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leur politique d’octroi de crédit et d’investissement. Leur harmonisation avec les référentiels internationaux (CSRD, TCFD, CDP) permet d’améliorer la transparence et la comparabilité des données. Enrichis et intégrés au processus KYC, ils facilitent la collecte d’informations ESG dès l’entrée en relation client, optimisant ainsi la gestion des risques et la lutte contre le greenwashing. Toutefois, leur mise en œuvre soulève des défis en matière de conformité, de protection des données et de faisabilité opérationnelle. Une approche structurée, appuyée sur des méthodologies robustes et des outils numériques, est essentielle pour garantir leur efficacité. En s’alignant sur ces exigences, les banques peuvent renforcer leur stratégie de finance durable, améliorer l’allocation du capital et répondre aux attentes croissantes des investisseurs et régulateurs.
1. L’intégration des risques ESG dans le cadre de gestion des risques bancaires
1.1. Une nécessité stratégique et réglementaire
La prise en compte des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), et en particulier des risques climatiques et des risques de biodiversité, est devenue une priorité stratégique pour les établissements bancaires. Sous l’impulsion des différentes instances de régulation de l’activité bancaire et financière en Europe, les banques doivent intégrer ces nouveaux risques dans leur gouvernance, leur gestion des risques et leurs stratégies de financement.
L’évolution récente du cadre réglementaire autour des problématiques de finance durable et de risques liés au changement climatique oblige les banques à renforcer leurs capacités d’évaluation et de gestion de ces nouveaux risques. Par ailleurs, la pression des investisseurs, des parties prenantes et de la société civile accentue la nécessité pour les institutions financières d’aligner leurs stratégies avec les objectifs de l’Accord de Paris et les principes de la finance durable.
1.2. Les lignes directrices de l’Autorité Bancaire Européenne (EBA)
C’est ainsi que l’Autorité Bancaire Européenne (EBA) a publié, le 8 janvier 2025, ses lignes directrices définitives sur la gestion des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) [EBA, 2025]. Ces lignes directrices établissent des exigences pour les institutions en matière d’identification, de mesure, de gestion et de suivi des risques ESG, notamment à travers des plans visant à garantir leur résilience à court, moyen et long terme.
Elles précisent les exigences relatives aux processus internes et aux dispositifs de gestion des risques ESG que les institutions doivent mettre en place conformément à la directive sur les exigences de fonds propres (CRD6). Elles contribueront à assurer la solidité et la stabilité des institutions alors que les risques ESG s’intensifient et que l’Union européenne progresse vers une économie plus durable.
Les lignes directrices définissent également le contenu des plans que les institutions doivent préparer afin de surveiller et d’atténuer les risques financiers découlant des facteurs ESG, y compris ceux liés au processus d’ajustement vers l’objectif de neutralité climatique de l’Union Européenne (UE) d’ici 2050. Ces plans soutiendront la préparation des institutions à la transition et devront être cohérents avec les plans de transition établis ou publiés par les institutions en vertu d’autres réglementations européennes.
Les lignes directrices s’appliqueront à partir du 11 janvier 2026, sauf pour les institutions de petite taille et non complexes, pour lesquelles elles entreront en vigueur au plus tard le 11 janvier 2027.
2. Les défis du déploiement des QUESTIONNAIRES ESG dans les banques européennes
2.1. Structuration des banques face aux exigences ESG
Dans ce contexte réglementaire évolutif, caractérisé par des attentes de plus en plus prégnantes pour l’évaluation et la prise en compte des risques et facteurs ESG dans la gestion des risques, de nombreux grands établissements bancaires européens ont récemment cherché à se structurer afin de développer des questionnaires ESG détaillés.
Bien que devant permettre à terme aux banques d’évaluer de manière approfondie les engagements et les pratiques des entreprises de leurs portefeuilles crédit en matière de durabilité, le déploiement de ces questionnaires visait surtout dans un premier temps à renforcer leur conformité aux exigences réglementaires croissantes, notamment en termes de reporting (Pilier 3, GAR, taxonomie, reporting extra-financier, etc.).
Cela se traduit aujourd’hui par un niveau de maturité des banques sur la question de l’évaluation et du suivi des risques ESG relativement hétérogène, qui s’explique également par les difficultés rencontrées par certains établissements bancaires à déployer rapidement une notation ESG, par nature quantitative, à grande échelle.
2.2. Les principaux freins au déploiement des questionnaires ESG
Parmi les freins auxquels ont dû faire face les banques dans le déploiement de vrais outils de collecte et de retraitement de données ESG au service du dispositif de gestion du risque de crédit, on retrouve notamment :
- Disponibilité et qualité des données ESG : Les données ESG restent souvent hétérogènes, incomplètes ou non standardisées, ce qui complique leur collecte et leur exploitation.
- Absence d’un cadre réglementaire harmonisé : La diversité des référentiels et méthodologies ESG rend difficile l’adoption d’une approche uniforme, d’autant que les réglementations évoluent constamment.
- Manque de recul et de fondements empiriques sur les risques ESG : Les données historiques restent limitées et les risques ESG sont multiformes et difficiles à mesurer de manière granulaire.
- Complexité de l’intégration dans les modèles de risques : Les notations ESG doivent être intégrées aux modèles de gestion des risques existants, ce qui nécessite des ajustements méthodologiques et technologiques complexes.
- Coût, ressources et manque d’appropriation des sujets ESG : Mettre en place une notation ESG exige des investissements importants en technologies, en formation des équipes et en expertise, ce qui peut freiner certains établissements bancaires.
- Engagement et coopération des entreprises clientes : Les entreprises doivent fournir des informations ESG fiables, mais beaucoup ne disposent pas encore de processus robustes de reporting. La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) pourrait lever ce frein en instaurant un cadre plus structuré et harmonisé.
- Manque d’harmonisation entre les acteurs du marché : Les divergences entre les différentes agences de notation ESG et les méthodologies utilisées compliquent la définition d’un cadre commun pour les banques.
Ces obstacles ont sans aucun doute contribué à un déploiement relativement tardif et hétérogène des questionnaires ESG au sein des établissements bancaires français et européens, alors même que les considérations ESG évoluent de manière exponentielle et que les attentes des superviseurs européens à ce sujet sont de plus en plus fortes.
3. Les recommandations des superviseurs européens pour améliorer les questionnaires ESG
3.1. Vers une harmonisation et une standardisation des questionnaires ESG
Les superviseurs européens, notamment la Banque Centrale Européenne (BCE) et l’Autorité Bancaire Européenne (EBA), ont formulé plusieurs recommandations pour améliorer la fiabilité et l’efficacité des questionnaires ESG utilisés par les banques. Parmi les principales orientations figurent :
- Harmonisation et standardisation des questionnaires : Adopter des référentiels communs comme les ESRS (European Sustainability Reporting Standards) de la CSRD et les cadres de la TCFD (Task Force on Climate-Related Financial Disclosures), afin d’assurer une couverture complète des trois piliers ESG (environnemental, social et gouvernance) et des risques associés (physiques, transition, responsabilité, biodiversité).
- Exhaustivité et granularité des informations collectées : Exiger des données détaillées et quantifiables, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre (Scope 1, 2 et 3), l’exposition aux secteurs à haut risque (énergies fossiles, industries polluantes), et les politiques de gouvernance ESG.
- Intégration d’indicateurs sectoriels spécifiques : Adapter les questionnaires ESG en fonction des secteurs d’activité pour mieux refléter leurs enjeux particuliers (ex. intensité carbone pour l’énergie, biodiversité pour l’agriculture, gouvernance pour la finance).
3.2. Vers une amélioration de la fiabilité et de l’intégration des données ESG
Les éléments ci-dessous permettront d’améliorer la qualité des données ESG :
- Fiabilité et vérifiabilité des données : Encourager l’utilisation de normes auditées et certifiées pour éviter le greenwashing et garantir la transparence sur les méthodologies de collecte et d’évaluation des données ESG.
- Engagement client et sensibilisation : Accompagner les entreprises, en particulier les PME et ETI, dans la compréhension et la mise en œuvre des attentes des banques et des régulateurs grâce à des formations et des guides. Développer un dialogue renforcé avec les clients pour améliorer la qualité des informations et encourager la transition vers des pratiques durables.
- Alignement avec les réglementations européennes et internationales : Assurer une cohérence avec les cadres existants (CSRD, SFDR, Taxonomie verte de l’UE) et intégrer les recommandations d’organismes internationaux comme le NGFS et la TCFD.
- Intégration des questionnaires dans la gestion des risques : Relier les réponses des entreprises aux exigences du pilier 2 des exigences prudentielles (ICAAP et ILAAP) et utiliser les données ESG pour ajuster les modèles de notation de crédit et d’allocation de capital.
En appliquant ces recommandations, les banques pourront renforcer la robustesse de leurs questionnaires ESG, fiabiliser leurs évaluations de risques et améliorer leur conformité aux exigences réglementaires croissantes.
4. Structuration et optimisation des questionnaires ESG dans le secteur bancaire
4.1. L’importance des questionnaires ESG pour les banques
Les établissements bancaires considèrent désormais les questionnaires ESG comme un outil essentiel pour intégrer les risques climatiques et extra-financiers dans leurs politiques de crédit. Ces questionnaires permettent de mieux évaluer la durabilité des emprunteurs et d’aligner les financements avec les objectifs de transition écologique. Dans ce cadre, l’adhésion des grandes banques européennes à l’Alliance bancaire Net Zéro renforce la nécessité d’un suivi rigoureux de la performance ESG des portefeuilles de crédit.
4.2. Concevoir des questionnaires ESG adaptés et prospectifs
Les banques doivent structurer des questionnaires ESG adaptés à leurs objectifs et aux contraintes réglementaires tout en assurant leur faisabilité opérationnelle. Ces questionnaires doivent également permettre d’anticiper les évolutions ESG des entreprises financées. Pour y parvenir, une veille scientifique approfondie est nécessaire afin d’intégrer les dernières avancées en matière d’évaluation ESG, notamment sur le choix des variables, leur pondération et leur impact sur le risque financier.
4.3. Standardisation et référentiels pour des questionnaires ESG plus fiables
Pour garantir la fiabilité des questionnaires ESG, les banques peuvent s’appuyer sur des standards internationaux comme ceux du CDP (Carbon Disclosure Project). Ce référentiel structuré permet une collecte homogène des données et intègre des indicateurs sectoriels, facilitant ainsi la comparaison entre entreprises. D’autres initiatives sectorielles, comme le questionnaire ESG de l’IFPImm pour l’immobilier, offrent des évaluations spécifiques en lien avec des labels reconnus (HQE, BREEAM, LEED, etc.), améliorant ainsi la pertinence des analyses.
4.4. Optimisation du cycle de vie des questionnaires ESG
Le succès du déploiement des questionnaires ESG repose sur une approche structurée en trois phases :
- Conception : Définition des objectifs, alignement réglementaire et structuration des questions.
- Déploiement : Mise en place d’un plan de sensibilisation et intégration dans les outils numériques.
- Exploitation : Analyse des résultats via des tableaux de bord et ajustements en fonction des évolutions réglementaires.
L’intégration de solutions numériques avancées et de mécanismes d’incitation garantira un taux de réponse élevé et une meilleure fiabilité des données collectées, renforçant ainsi la gestion des risques ESG dans le secteur bancaire.
5. L’intégration des questionnaires ESG dans le processus KYC : enjeux et opportunités
5.1. Le KYC comme levier stratégique pour la collecte d’informations ESG
Le processus de “Know Your Customer” (KYC) est un point clé dans la relation entre les banques et leurs clients, permettant de vérifier leur identité et leur profil de risque. Son intégration avec les questionnaires ESG constitue une opportunité pour collecter des informations sur les engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance des entreprises, tout en évitant les redondances. Cette approche favorise une meilleure connaissance client et une collecte de données plus qualitative, notamment pour les petites entreprises moins matures sur ces sujets.
5.2. Un outil renforcé pour la gestion des risques ESG et la lutte contre le greenwashing
L’ajout des critères ESG dans le KYC permet aux banques de mieux identifier les risques et opportunités liés aux pratiques durables de leurs clients. Il aide à développer des produits financiers alignés sur ces enjeux et à réduire l’exposition aux risques climatiques. De plus, cette intégration permet de détecter les activités frauduleuses, comme la criminalité environnementale ou le greenwashing, renforçant ainsi la transparence et la confiance dans les relations bancaires.
5.3. Défis et conditions de réussite d’un KYC enrichi en ESG
L’intégration des questionnaires ESG dans le KYC pose plusieurs défis en matière de gouvernance et de conformité. Il est crucial d’assurer une cohérence avec les réglementations ESG, de garantir la protection des données personnelles et d’adapter les processus de conformité. Une gouvernance interne efficace, incluant la formation des équipes et une collaboration entre les départements concernés, est essentielle pour assurer le succès de cette démarche et maximiser son impact.
Éléments clés | |
Enjeux | – Intégration des risques ESG dans l’octroi de crédits et la gestion des risques |
– Amélioration de la transparence et de la comparabilité des données ESG | |
– Identification des opportunités de financement durable | |
– Réduction de l’exposition aux risques climatiques et de transition | |
Outils | – Questionnaires ESG harmonisés (CDP, CSRD, TCFD, ISSB, SFDR) |
– Intégration dans le processus KYC pour optimiser la collecte d’informations ESG | |
– Référentiels sectoriels et indicateurs spécifiques (GRESB pour l’immobilier, SBTi pour le climat, etc.) | |
– Outils digitaux et systèmes d’information pour l’analyse des données | |
Défis | – Cohérence avec les cadres réglementaires internationaux |
– Protection des données et conformité au RGPD | |
– Formation des équipes pour assurer une collecte efficace | |
– Qualité, fiabilité et standardisation des données ESG collectées | |
– Acceptabilité client et adaptation des questionnaires aux différents profils d’entreprises | |
Exigences des superviseurs | – Harmonisation et standardisation des questionnaires ESG |
– Exhaustivité et granularité des données collectées | |
– Fiabilité et vérifiabilité des informations pour éviter le greenwashing | |
– Intégration des risques ESG dans l’évaluation des financements et la gestion des risques (ICAAP, ILAAP) | |
– Alignement avec les réglementations européennes (CSRD, Taxonomie verte, SFDR) |
6. Références
EBA. (2025). Final guidelines on the management of ESG risks. European Banking Authority. EBA/GL/2025/01.