Un an déjà que la BCE est officiellement le superviseur direct des banques dites systémiques de la zone euro.
Seulement un an et on ne peut qu’être impressionné par le chemin parcouru tant du point de vue du régulateur que des établissements financiers. La rapidité de réaction a été à la hauteur des enjeux : réduire le risque systémique en améliorant la solvabilité des banques, la gestion de leur liquidité et l’efficacité de leur gouvernance1.
Ce dispositif s’appuie sur 3 piliers parfaitement imbriqués au niveau macro-prudentiel :
- Le MSU2 : une supervision qui se structure et se renforce grâce notamment aux Joint Supervisory Team (JST) qui entrent en action dans tous les pays de la zone en s’attachant à ne pas permettre à un contrôleur français de surveiller une banque française3. Ce principe de « mixité » des équipes vise à réduire les préférences nationales ce qui amène à harmoniser les démarches de supervision4. Les J ST évaluent le profil de risque de la banque, sa gouvernance et son dispositif de maîtrise des risques. A l’issu de ces travaux, ils préparent des décisions qui seront alors soumises au Conseil des gouverneurs. La supervision s’appuie sur un cadre règlementaire5 renforcé notamment sur l’exigence prudentielle et la liquidité. Les standards techniques de l’ABE visent à harmoniser l’ensemble des dispositifs.
- Le MRU6 : dès que la supervision détecte des signes de risque systémique, elle en informe le Comité de Résolution Unique (CRU) qui analyse la possibilité de recapitaliser la(les) banque(s) concernée(s) par des fonds privés (créanciers et actionnaires : notion de Bail in)7. Si cette recapitalisation s’avère insuffisante, il sera possible d’utiliser le Fond de Résolution unique (FRU)8 (montant plafonné).
- SGD : enfin le dispositif comprend un volet relatif à la garantie des dépôts dont la Commission européenne doit présenter un projet d’ici fin novembre 2015. Le Bundestag semble peu partisan d’un dispositif de garantie européen commun, ce point ne leur semblant pas de nature à améliorer la stabilité des banques : sujet à suivre…
Au niveau micro-prudentiel, la règlementation s’est renforcée pour les établissements financiers avec des exigences de fonds propres et de liquidité accrues (Bâle III). Les modalités de calcul des fonds propres sont en cours d’ajustement afin de rendre d’une part les méthodes standards plus sensibles aux risques (risque opérationnel et risque de crédit9) et d’autre part de revoir les modèles pour réduire leur complexité et faciliter leur utilisation comme réel outil de prise de décision en anticipation du risque (risque de marché avec le FRTB10 notamment). Enfin le risque de taux n’est pas oublié puisqu’un document consultatif prévoit d’intégrer ce risque dans le Pilier I11.
La préoccupation du régulateur se porte ensuite sur la fiabilité des états financiers, support de ces calculs : c’est le rôle entre autre des Assets Quality Review (AQR) et de la nécessaire prise en compte par la gouvernance de la banque des risques liés aux modèles, la majorité des calculs afférents aux fonds propres reposant sur ces outils de calculs. Ces travaux sont complétés des revues périodiques « Regulatory Consistency Assessment Programme (RCAP) » sous l’égide de la BIS qui s’assure de la bonne application des principes définis dans le cadre de Bâle III12. La BIS émet également des rapports sur l’adoption du dispositif règlementaire13 au sein de la zone euro.
Ce dispositif ne peut fonctionner sans la remontée d’informations pertinentes de la part des banques (d’où le renforcement des exigences au titre du Pilier III de Bâle14). Cet accroissement d’informations suppose alors un dispositif de sécurité des données dont le chief data officerdevient un des grands garants.
Tout ceci bien évidemment à un coût évalué à plus de 20 Milliards d’euros pour les banques15 dont 85% reviennent aux 4 grandes banques françaises : BNP, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE. Les coûts liés à l’Union Bancaire auxquels il faut ajouter les coûts de conformité qui poursuivent leur lente ascension et un contexte de taux bas accentuent la pression sur la recherche de performance. Sans compter le futur TLAC16 (Total Loss-Absorbing Capacity) d’ici 2019. La question est alors de comprendre comment les banques peuvent maintenir des business model viables, maintenir un niveau de liquidité satisfaisant et promettre encore à leurs actionnaires des rentabilités totales (TSR) attrayantes. La facture devra se réparti…
—
[1] Corporate Governance Principes for Banks – Juillet 2015 (BCBS)
[2] Entrée en vigueur le 4 novembre 2014
[3] Les autorités de compétence nationale (ACN telles l’ACPR en France) supervisent directement les autres banques de leur périmètre. La BCE supervise directement 123 banques dites d’importance significative (après l’intégration de la Lituanie).
[4] La BCE a défini un programme de supervision auquel se conforment les équipes.
[5] Single Rule Book.
[6] A ce jour, 14 états membres ont adopté ces mécanismes dont la France.
[7] Au niveau français, la loi du 26 juillet 2013 relative à la séparation et à la régulation des activités bancaires a confié au Collège de Résolution de l’ACPR l’ensemble des pouvoirs de résolution. Se référer au document http://acpr.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/acp/publications/registre-officiel/20140718-Communication-relative-a-la-strategie-de-resolution-du-College-de-resolution-de-l-ACPR.pdf
[8] CF Directive de Recouvrement et de Résolution de la Banque (DRRB – Directive 2014/59/UE).
[9] Revisions to the standardised approach for credit risk – consultative document(décembre 2014) + Operational risk – Revisions to the simpler approaches – consultative document (Octobre 2014).
[10] Fundamental Review Trading Book : se reporter au document du BCBS ‘Impact study on the proposed frameworks for market risk and CVA risk’ Juillet 2015 (BCBS).
[11] Interest rate risk in the Banking Book : consultative document, Juin 2015 (BCBS).
[12] A titre d’illustration, le dernier rapport porte sur le calcul du LCR en Afrique du Sud (Juin 2015).
[13] Se reporter au dernier rapport d’avril 2015 (BCBS). Les points d’attention portent sur le cadre pour les Global Systemically Important Banks (G-SIB) et pour les Domestic Systemically Important Banks (D-SIB), ainsi que sur les ratios de liquidité et de levier.
[14] Se reporter au Revised Pillar III disclosure requirements, janvier 2015 (BCBS).
[15] Source SIA Partners.
[16] Se reporter au « TLAC Holdings Consultative document du BCBS » + « Quantitative impact study » de Novembre 2015 ainsi que sur le document du FSB the final Total Loss-Absorbing Capacity (TLAC) standard for global systemically important banks (G-SIBs) (novembre 2015).