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Critical thinking et mind mapping : une posture essentielle pour l’audit interne

L’intelligence artificielle [1] (IA) va bouleverser le métier d’auditeur interne. Les tâches répétitives, l’analyse de données et la détection d’anomalies seront bientôt largement automatisées[2].

Cependant, l’IA soulève également de nouvelles problématiques :

  • Fiabilité et biais des algorithmes ;
  • Sécurité et confidentialité des données ;
  • Éthique et responsabilité dans l’utilisation de l’IA ;
  • Évolution rapide des technologies et des risques associés.

Face à ces enjeux, l’auditeur interne ne peut se contenter d’être un simple utilisateur de l’IA. Il doit développer une compréhension approfondie de ces technologies pour en évaluer les risques et les opportunités.

Des études sont régulièrement publiées (dont celle de Grant Thorton et de l’université Paris-Dauphine PSL[3]) pour analyser l’impact de ces nouvelles technologies sur la démarche d’audit interne.

Les récentes évolutions des normes d’audit interne (janvier 2024[4]) ont été conçues pour aider les auditeurs internes et leurs organisations à mieux s’adapter à l’évolution rapide du contexte d’affaires complexe actuel. Les nouvelles technologies y sont présentées à la fois comme une aide et une source d’attention (éthique, sécurité des données etc.).

La fonction d’audit interne se trouve face à des évolutions majeures fascinantes ; l’expertise de l’auditeur reposera plus que jamais sur sa capacité à exercer sa pensée critique et à structurer sa réflexion grâce au mind mapping.

1.  L’apport de l’IA dans la demarche de l’audit interne

De nombreuses études sont réalisées pour faire l’état des lieux du recours à l’IA dans la démarche de l’audit interne. Nous pouvons citer notamment l’étude réalisée par Grant Thornton et l’Université Paris Dauphine (2023) dont l’édition 2024 est à paraître prochainement.

2.  quelle peut être la place de la pensee critique (critical thinking) ?

Grâce à l’IA, l’auditeur interne peut bénéficier d’analyses détaillées révélant des anomalies dans les contrôles du processus crédit. Pour cela, l’IA traite des millions de données en quelques secondes. Mais que faire de ces informations ? C’est là que la pensée critique devient indispensable.

2.1.   Qu’est-ce que le critical thinking (pensée critique) ?

La pensée critique se définit comme la capacité à analyser objectivement les informations, à évaluer leur pertinence et leur fiabilité, et à formuler des conclusions basées sur des preuves solides. Cela améliore la capacité à :

  • Comprendre le contexte global de l’entreprise que l’IA ne peut pas toujours saisir ;
  • Évaluer la pertinence des anomalies détectées au regard des enjeux significatifs ;
  • Identifier les biais cognitifs pour apporter un éclairage raisonné ;
  • Identifier les implications stratégiques des dysfonctionnements ;
  • Proposer des solutions adaptées à la culture et aux contraintes de l’organisation.

2.2.   Comment développer ces compétences ?

La pensée critique se nourrit d’un ensemble d’éléments qui interagissent avec nos modes de raisonnement. Il s’agit notamment de

  • Cultiver sa curiosité et son ouverture d’esprit ;
  • S’informer en permanence sur les évolutions technologiques ;
  • Pratiquer le questionnement systématique et la remise en question ;
  • Développer sa capacité d’analyse et de synthèse ;
  • Collaborer avec des experts de différents domaines.

L’analyse systématique des processus organisationnels nécessite une évaluation approfondie des données et informations disponibles. La pensée critique améliore la remise en cause systématique des relations de cause à effet de l’identification des risques potentiels qui pourraient affecter l’organisation. Cette démarche analytique permet de dépasser les apparences pour découvrir les enjeux sous-jacents et faire des constats adaptés.

  • Prenons un exemple concret : l’IA détecte une série de transactions inhabituelles dans un service. Elle vous fournit des graphiques, des écarts-types, des comparaisons. Mais seul l’auditeur, grâce à sa pensée critique, pourra déterminer si ces écarts reflètent une fraude, une adaptation nécessaire aux conditions du marché, ou revue des processus. L’auditeur est amené à remettre en question les résultats ou les aborder sous un prisme différent. C’est le cas aujourd’hui avec le recours à l’IA générative où le jugement critique est ‘encore’ essentiel.

3.  en quoi le mind mapping peut-il ameliorer l’efficacité du critical thinking ?

Dans un environnement où l’information est pléthorique, l’audit interne doit arriver à la structurer pour lui donner du sens face aux enjeux de maitrise des risques significatifs.

3.1.   Qu’est-ce que le mind mapping (carte mentale) ?

Le mind mapping, ou cartographie mentale, offre une méthode visuelle pour organiser et analyser l’information. Le mind mapping, c’est un outil simple d’utilisation qui facilite l’organisation des informations au service d’une pensée à la fois ordonnée et créative, une structure qui va pouvoir être utilisée tout au long de la mission et aider à formaliser la piste d’audit de la démarche[5].

Les axes majeurs de la réflexion de l’audit interne c’est :

  • La recherche des risques significatifs par rapport à la stratégie de demain et les facteurs de risque externe et interne.
  • L’élaboration de constats amenant des recommandations adaptées.

3.2.   Que peuvent apporter les cartes mentales ?

La carte mentale est un réel allié. En effet, elle va permettre :

3.2.1.    Structuration de l’information

L’organisation hiérarchique de l’information aide à structurer la démarche d’audit. En partant d’un concept central (par exemple l’audit du contrôle permanent), les auditeurs peuvent développer des branches thématiques qui explorent en détail chaque aspect du processus audité. Cette structure permet une approche systématique et exhaustive de l’audit.

Au centre de la carte, on peut positionner par exemple le processus audité. Des branches principales se construisent les sous-branches etc. Les branches principales peuvent être : les risques identifiés par l’IA, le contexte organisationnel, les contraintes réglementaires, les facteurs humains. Cette visualisation aide à garder une vue d’ensemble tout en explorant les détails.

3.2.2.    Emergence de connexions

La visualisation des relations complexes entre différents éléments permet une meilleure compréhension des processus audités. Les auditeurs peuvent rapidement identifier les connexions entre les différents aspects d’un système et repérer les zones nécessitant une attention particulière. Les liens entre différents éléments apparaissent naturellement sur la carte mentale. SI l’IA facilite les connexions entre les éléments, il faudra comprendre les connexions réalisées, c’est-à-dire être capable de les anticiper.

Les cartes mentales sont intéressantes par exemple pour identifier les causes racines[6] d’un dysfonctionnement et facilitent la différence entre facteurs de risque et causes.

3.2.3.    Des apports concrets dans le domaine de l’audit interne

Cette structuration, basée sur les principes de l’arborescence, permet notamment, de manière pratique, de :

  • Réaliser des brainstorming efficaces avec l’équipe ;
  • Cartographier les processus automatisés et leurs interactions ;
  • Visualiser les flux de données et identifier les points de vulnérabilité ;
  • Analyser les impacts potentiels de l’IA sur différents aspects de l’organisation ;
  • Élaborer des scénarios de risques et des plans d’action ;
  • Présenter de manière claire et concise les résultats d’audit aux parties prenantes.

4.  Une démarche essentielle à cause ou grâce à l’IA ?

4.1.   Le rôle essentiel du raisonnement et du jugement pour l’auditeur interne

4.1.1.    Le recours accru à l’IA va faciliter les travaux de l’auditeur

  • L’analyse de données massives et de différents documents.
  • La détection des anomalies.
  • La génération de rapports préliminaires.
  • L’amélioration du suivi automatisé des recommandations.

4.1.2.    La valeur ajoutée de l’auditeur sera alors :

  • Dans sa capacité à réaliser des interrogations pertinentes.
  • Dans l’interprétation des résultats.
  • Dans la prise en compte de l’enjeu humain (comportemental).
  • Dans l’art de convaincre (notamment dans le cadre de la restitution des résultats).

4.2.   L’apport de l’IA en complémentarité

L’intégration de l’intelligence artificielle influence l’utilisation de la pensée critique et du mind mapping.

4.2.1.    L’amélioration de l’analyse des données au service de la pensee critique

L’IA permet d’analyser des volumes considérables de données en temps réel, identifiant des patterns et des anomalies qu’il serait difficile ou laborieux de détecter manuellement. Cette capacité renforce la pensée critique en fournissant aux auditeurs des informations plus précises et plus complètes pour leurs analyses. Les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent :

  • Détecter automatiquement les transactions inhabituelles ;
  • Identifier les tendances et les corrélations complexes ;
  • Prédire les zones de risque potentielles.

4.2.2.    L’IA au service de l’enrichissement des cartes mentales

L’IA enrichit la pratique du mind mapping en automatisant certains aspects de la création et de l’analyse des cartes mentales. Les outils d’IA peuvent :

  • Suggérer des connexions pertinentes entre différents éléments ;
  • Générer automatiquement des branches thématiques basées sur l’analyse de données ;
  • Mettre à jour dynamiquement les cartes mentales en fonction des nouvelles informations.

4.2.3.    cartes mentales, pensée critique et IA : une association bénéfique ?

L’association de ces 3 composantes (cartes mentales, pensée critique et IA) devrait permettre d’accompagner l’auditeur sur les 3 phases importantes de sa démarche :

  • La planification
    • Identifier plus précisément les zones à risque grâce à l’analyse prédictive ;
    • Structurer plus efficacement les programmes d’audit ;
    • Optimiser l’allocation des ressources en fonction des priorités identifiées.
  • La réalisation des missions
    • Ajuster en temps réel l’approche en fonction des résultats de l’analyse IA ;
    • Approfondir plus efficacement les zones à risque identifiées ;
    • Documenter plus précisément leurs observations grâce aux outils de mind mapping.
  • La restitution
    • Faciliter la structuration des raisonnements dans la présentation des constats ;
    • Construire des recommandations convaincantes ;
    • Savoir utiliser la précision des termes et des idées-clés.

5.  conclusion

Il est possible de regretter la place que pourra prendre l’IA dans la démarche d’audit interne ; cependant l’évolution est en marche. L’arrivée de l’IA dans l’audit interne n’est pas une menace[7] si elle est prise comme une opportunité. Elle permet de libérer l’auditeur interne (et le contrôle interne au sens large) de tâches répétitives pour se concentrer sur ce qui fait vraiment la valeur de l’audit : l’analyse, le jugement, la recommandation.

Plus l’IA prendra en charge les aspects techniques de l’audit, plus la pensée critique et le mind mapping deviendront essentielles. L’auditeur de demain sera un expert du jugement, capable d’utiliser sa pensée critique pour donner du sens aux analyses de l’IA, et le mind mapping pour organiser sa réflexion et communiquer ses conclusions.

6.  quelques references

 

Notre formation pour vous accompagner sur ces enjeux :  Développer des raisonnements adaptés aux enjeux de demain en audit interne

Notre entité conseil Montaigne by Afges peut également vous accompagner sur vos démarches d’audit et de maîtrise des risques.

 

 

[1] « L’intelligence artificielle est un ensemble de matériels et de logiciels capable de se comporter comme le cerveau humain, c’est-à-dire d’apprendre, de raisonner, de s’adapter, d’analyser, de prendre des décisions et d’effectuer des tâches complexes et basées sur le jugement. »  (source https://docs.ifaci.com/wp-content/uploads/2018/03/tone-at-the-top-85-ia.pdf)

[2] De l’influence de l’IA sur la démarche d’audit interne – https://dauphine.psl.eu/eclairages/article/vii-de-linfluence-de-lia-sur-la-demarche-daudit-interne – BON-MICHEL B.; HOVHANNISYAN H.

[3] https://www.grantthornton.fr/fr/insights/articles-et-publications/2023/enquete-sur-laudit-interne-et-lintelligence-artificielle/

[4] https://www.ifaci.com/nouvelles-normes-de-laudit-interne/

[5] De nombreux outils sont disponibles pour réaliser des cartes mentales (outil dont le termine souvent par …mind).

[6] La fameuse arrête de poisson (diagramme d’Ishikawa) est une carte mentale.

[7] L’objectif de cette news n’est pas mettre en avant les limites de l’IA notamment d’ordre éthique ; De nombreuses éthiques ont porté sur ces limites. Nous vous invitons à vous y référer.

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