L’EBA a lancé en janvier 2025 une consultation sur la future guideline sur les stress tests climatiques conformément au mandat donné par la CRD6. Les banques devront intègrer les risques climatiques (CST) dans leurs stress tests, en prenant en compte les risques de transition (politiques climatiques, évolutions technologiques) et physiques (événements climatiques extrêmes, changements à long terme). Les institutions doivent développer des modèles de test robustes, effectuer une analyse des lacunes et intégrer des scénarios climatiques sévères. Les résultats des tests doivent guider les actions correctives, comme l’augmentation de capital, pour maintenir la solvabilité et la liquidité. Les banques doivent aussi adapter leurs stratégies à long terme, en ajustant leurs portefeuilles et leur modèle d’affaires. L’impact pour les banques inclut une meilleure gestion des risques climatiques, une résilience accrue face aux chocs climatiques et un alignement avec les objectifs de durabilité de l’UE.
1. la necessité d’une prise en compte des risques esg dans le cadre prudentiel
Les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont devenus des défis majeurs pour l’économie. Les événements climatiques et les risques physiques, ainsi que la transition vers une économie durable, auront des impacts économiques considérables.
Les institutions financières jouent un rôle clé dans le financement de la transition économique. Leur résilience est liée à celle de l’économie, et elles doivent intégrer ces enjeux dans leur stratégie et leurs modèles d’affaires.
2. Contexte et Objectifs des Stress Tests Climatiques
Les stress tests climatiques ont pour objectif de tester la résilience des institutions financières face aux risques climatiques, notamment :
- Les risques physiques : impact des événements climatiques extrêmes ou de l’évolution des conditions climatiques sur les actifs et les portefeuilles.
- Les risques de transition : impacts liés à la transition vers une économie bas carbone, comme les changements réglementaires ou technologiques.
3. une guideline sur les stress tests climatiques en conformité avec le mandat donné par la crd6
L’EBA a été mandatée par la CRD6 pour émettre des guidelines sur l’identification, la mesure, la gestion et la surveillance des risques ESG par les institutions.
Ces guidelines sur les stress tests climatiques viennent compléter celles existantes sur la gestion des risques ESG, en se concentrant particulièrement sur l’analyse de scénarios. Elles visent à soutenir les institutions dans le développement de leurs capacités internes pour gérer les risques ESG, en intégrant l’analyse de scénarios et les tests de résistance dans leur système de gestion des risques. L’objectif ultime est de renforcer la résilience des institutions face aux défis environnementaux et sociaux tout en les préparant à un avenir incertain et complexe.
Les institutions doivent développer les tests de résistance climatique en ligne avec les guidelines de l’EBA sur les tests de résistance des institutions et celles relatives à la gestion des risques ESG. Les tests doivent être adaptés aux :
- caractéristiques spécifiques des risques climatiques, y compris les risques physiques (ex : inondations, incendies) et de transition (ex : politiques de décarbonation).
- intégrations de variables climatiques dans les tests de résistance existants, notamment via une analyse des lacunes des modèles internes.
4. Caractéristiques des Risques ESG et Adaptation des Institutions
4.1. La différence entre les risques traditionnels et ESG
Alors que les modèles de risque traditionnels se basent sur des données passées pour prédire les risques futurs, les risques ESG, d’une nature non linéaire et en constante évolution, nécessitent une approche davantage prospective.
Les institutions doivent identifier et modéliser efficacement les canaux par lesquels les facteurs ESG peuvent impacter leurs variables financières.
4.2. L’Incertitude liée aux risques ESG
Les risques ESG se caractérisent par un degré d’incertitude concernant le moment et l’ampleur de leur matérialisation, même si leur apparition semble inévitable.
5. Méthodologie de Réalisation des Stress Tests Climatiques
5.1. Importance de l’analyse de scénarios pour la résilience
L’analyse de scénarios est un outil permettant d’évaluer les impacts potentiels de divers états futurs sur les stratégies des institutions.
Les guidelines précisent les particularités des tests de résistance climatique, qui doivent être réalisés en complément des tests de résistance financiers classiques.
L’analyse de scénarios :
- permet de répondre à cette incertitude croissante concernant les conditions économiques.
- aide les institutions à anticiper les risques en tenant compte de divers futurs possibles, même si ces scénarios ne prévoient pas de résultats précis.
- aide les institutions à explorer les impacts potentiels des changements climatiques et à préparer des stratégies adaptées.
- est essentielle pour évaluer les risques ESG liés au changement climatique, en prenant en compte des facteurs comme le contexte socio-économique, l’évolution technologique, les politiques climatiques, et les systèmes énergétiques
- aide à prévoir et à se préparer aux risques, tout en saisissant les opportunités.
- soutient une culture d’adaptation et de changement au sein des organisations, en favorisant une narration cohérente sur les évolutions futures. .
- teste la résilience financière à court terme, ainsi que pour évaluer la capacité du modèle économique des institutions à s’adapter aux futures incertitudes à moyen et long terme.
Les institutions doivent :
- définir des objectifs clairs et une gouvernance solide pour garantir la cohérence des scénarios. Une narration commune et un soutien de la direction sont nécessaires pour guider l’organisation.
- documenter les choix et résultats des scénarios, les intégrer dans la stratégie et diffuser les résultats au sein de l’organisation. Une approche proportionnée, tenant compte des risques spécifiques, est nécessaire, avec des méthodes qualitatives et quantitatives adaptées. Les petites institutions peuvent adopter des approches simplifiées.
- utiliser des sources scientifiques crédibles, comme celles du NGFS, pour garantir la validité des scénarios et les personnaliser en fonction de leurs besoins spécifiques.
- aligner ces scénarios avec leurs modèles commerciaux et portefeuilles, tout en intégrant les risques physiques et de transition. Les risques de transition et physiques sont souvent corrélés, et l’analyse doit identifier les risques les plus pertinents pour chaque horizon temporel. En outre, les scénarios doivent prendre en compte les expositions géographiques et sectorielles, en particulier pour les risques physiques. Les petites institutions peuvent adopter une approche simplifiée, tandis que les plus grandes doivent tester la résilience à travers des scénarios adverses.
- garantir la collecte de données cohérentes et leur gestion pour assurer une analyse pertinente.
5.2. L’identification des canaux de transmission des risques ESG aux risques financiers traditionnels
L’identification des canaux de transmission climatiques est essentielle pour évaluer les risques ESG et leur impact sur la solidité financière des institutions. Ces risques peuvent être physiques (aigus ou chroniques) ou liés à la transition vers une économie bas carbone.
- Il est essentiel de comprendre comment les risques climatiques se traduisent en risques financiers, en analysant les canaux de transmission appropriés. En effet, les risques ESG ne créent pas une nouvelle catégorie de risques financiers, mais ils peuvent agir comme des moteurs de risques traditionnels, comme le risque de crédit, de marché, ou opérationnel
- Les canaux microéconomiques incluent les impacts directs sur les contreparties et les actifs, tandis que les canaux macroéconomiques concernent les effets sur l’économie globale. Les risques de transition peuvent affecter les coûts, l’obsolescence des actifs, et les préférences des consommateurs, tandis que les risques physiques impactent la rentabilité et la productivité.
Les institutions doivent :
- évaluer les risques indirects à travers leurs chaînes de valeur. La traduction de ces canaux en risques financiers permet d’identifier des risques stratégiques, de crédit, de marché et opérationnels.
- identifier les canaux de transmission du risque ESG en continu, en suivant les évolutions des données et des réglementations internationales.
- prendre en compte leur modèle commercial, leurs portefeuilles et leur exposition géographique pour identifier les risques pertinents.
- déployer à la fois, une approche sectorielle et géographique permet d’identifier les impacts des risques climatiques spécifiques aux portefeuilles.
- adapter les stratégies internes aux résultats des tests de résistance pour maintenir la solvabilité et la liquidité.
- réaliser des tests basés sur des scénarios économiques extrêmes, mais crédibles.
5.3. Une approche en 2 phases
Les institutions peuvent adopter une approche en deux étapes :
- Phase technique : Tester les nouveaux modules de risques climatiques dans un environnement informatique séparé avant de les intégrer dans les systèmes informatiques standards.
- Phase analytique : Utiliser les résultats des tests pour évaluer la stabilité des portefeuilles et la résilience des institutions face aux scénarios climatiques.
5.4. Une prise en compte de la spécificité des risques climatiques
Les institutions doivent appliquer des chocs climatiques au niveau des expositions spécifiques, en particulier pour les risques résultant de concentrations sectorielles ou géographiques. Elles doivent également tenir compte de l’interaction entre les risques sectoriels et géographiques dans leurs modèles.
La gestion des risques ESG nécessite un changement de mentalité : la prise en compte de l’horizon temporel étendu, l’identification de nouveaux canaux de risques et l’incertitude des transformations économiques mondiales.
6. Tests de Résilience : Calibration et Validation des Modèles
6.1. Stress tests pour les risques de crédit
Les institutions utilisant l’approche IRB devront intégrer les risques ESG, en particulier les risques physiques et de transition dus au changement climatique, dans leurs tests de résistance internes.
6.2. Calibration des modèles
Avant d’intégrer les variables climatiques, une analyse des lacunes des modèles internes est nécessaire. Les institutions doivent tester la calibration de leurs modèles en confrontant les résultats internes avec des observations externes et des données de régulateurs. Cela inclut l’évaluation de la cohérence des hypothèses et des résultats obtenus.
6.3. Analyses de sensibilité
Les institutions peuvent réaliser des analyses de sensibilité pour tester la stabilité des résultats face à des variables clés, et pour identifier les effets de non-linéarités non prises en compte dans les scénarios.
6.4. Dires d’experts et facteurs non modélisables
L’EBA souligne l’importance du jugement d’experts pour combler les lacunes dans les données climatiques et les modélisations. Les institutions doivent :
- intégrer des facteurs non modélisables comme les impacts des chaînes de valeur des contreparties.
- valider leurs modèles avec des analyses de sensibilité et recourir au jugement d’experts en cas de lacunes
7. Développement Progressif des Tests Climatiques
.Les institutions doivent développer progressivement leurs approches de tests de résistance, en commençant par les risques de crédit et en élargissant progressivement à d’autres catégories de risques :
- Risques de marché
- Risques opérationnels
- Risques de liquidité
Cette progression permet d’assurer une couverture complète des risques climatiques à travers différents portefeuilles, secteurs et zones géographiques. L’analyse doit non seulement tester la résilience financière, mais aussi évaluer la robustesse du modèle économique face à des scénarios futurs dans une logique de prise en compte des opportunités et des risques.
8. analyse du Comportement des Modèles d’Affaires et Projections à Long Terme
8.1. Des projections de rentabilité
Les institutions doivent projeter la rentabilité ajustée des risques pour leurs activités, avec des horizons temporels allant de cinq à dix ans, afin d’évaluer la viabilité à long terme des modèles d’affaires face aux risques climatiques. La projection de la rentabilité doit tenir compte des engagements climatiques et des objectifs de réduction des émissions.
8.2. Des scénarios alternatifs et résilience des stratégies
Les institutions doivent :
- reproduire les projections de la stratégie sous des scénarios alternatifs, en particulier ceux associés à des émissions élevées ou à des scénarios compatibles avec l’objectif des accords de Paris.
- effectuer un suivi régulier et l’adaptation des modèles d’affaires aux évolutions environnementales pour renforcer la résilience à long terme
9. Mesures de Gestion et Actions Correctives
Les institutions doivent :
- régulièrement mettre à jour leur stratégie d’adaptation en fonction des résultats des tests climatiques,
- identifier de nouveaux risques climatiques émergents.
- mettre en place un processus d’amélioration continue pour adapter leur modèle d’affaires aux changements climatiques futurs, en s’assurant de la conformité avec les exigences de l’Accord de Paris et de la transition vers une économie durable.
- élaborer des actions de gestion pour traiter les résultats des tests de résistance et garantir leur solvabilité face aux scénarios climatiques adverses. Cela inclut :
- L’augmentation progressive du capital pour renforcer la résilience face aux risques climatiques.
- La mise à jour régulière de l’inventaire des risques climatiques.
- L’analyse des segments vulnérables de leurs portefeuilles pour ajuster la stratégie.
10. Conclusion
Le cadre des stress tests climatiques défini par l’EBA permet aux institutions financières de tester leur résilience face aux risques climatiques. Il exige une intégration rigoureuse des risques physiques et de transition dans les processus de gestion des risques, tout en prenant en compte les spécificités des données climatiques et des scénarios. Ce processus de test, validé et mis à jour régulièrement, garantit que les institutions pourront répondre efficacement aux défis du changement climatique tout en maintenant leur stabilité financière.
Les lignes directrices devraient être finalisées au second semestre 2025 et appliquées à partir de janvier 2026, avec une échéance plus tardive pour les petites institutions.
Exigences pour les institutions | |
Développement des Stress Tests Climatiques | – Les tests doivent être développés conformément aux directives EBA sur le test de résistance et aux exigences de l’ICAAP/ILAAP. |
– Intégrer les risques ESG, en particulier les risques physiques et de transition liés au changement climatique. | |
Méthodologie des Stress Tests Climatiques | – Utiliser des scénarios économiques sévères mais plausibles intégrant les risques physiques (ex : catastrophes naturelles) et de transition (ex : politiques climatiques). |
– Réaliser une analyse des lacunes des modèles internes pour identifier les domaines nécessitant des améliorations. | |
Approche en Deux Phases | – Phase technique : Tester les modules de risques climatiques dans un environnement informatique séparé avant de les intégrer dans les systèmes standards. |
– Phase analytique : Analyser les résultats et intégrer les variables climatiques dans les décisions stratégiques. | |
Calibration et Validation des Modèles | – Tester la calibration des modèles en comparant les résultats internes avec des observations externes (régulateurs, sources crédibles). |
– Effectuer des analyses de sensibilité pour tester la stabilité des résultats face à des variables clés. | |
– Utiliser jugement d’experts pour les facteurs non modélisables. | |
Prise en Compte des Risques Climatiques | – Appliquer des chocs climatiques directement au niveau des expositions, notamment pour les risques issus de concentrations sectorielles ou géographiques. |
– Inclure des variables sensibles aux risques climatiques dans les modèles pour prendre en compte les canaux de transmission des risques. | |
Projections à Long Terme | – Réaliser des projections de rentabilité ajustée des risques sur des horizons de 5 à 10 ans. |
– Évaluer la viabilité des modèles d’affaires en fonction des scénarios climatiques. | |
– Tester la stratégie sous des scénarios alternatifs, y compris des scénarios de fortes émissions et compatibles avec 1,5°C. | |
Tests de Résilience des Modèles d’Affaires | – Reproduire les projections sous des scénarios alternatifs pour tester la résilience des modèles d’affaires. |
– Tester la viabilité et la durabilité de la stratégie sur plusieurs horizons temporels, tout en intégrant les impacts transitoires à court et moyen terme. | |
Mesures Correctives et de Gestion | – Élaborer des actions de gestion pour renforcer la solvabilité en cas de scénarios adverses (ex : augmentation progressive du capital). |
– Mettre à jour l’inventaire des risques climatiques en fonction des nouveaux risques identifiés. | |
– Analyser les segments vulnérables pour ajuster la stratégie. | |
Suivi et Adaptation Continue | – Mettre en place un processus d’adaptation continue du modèle d’affaires face aux changements climatiques futurs. |
– Assurer la conformité avec les objectifs de l’Accord de Paris et le développement d’une économie durable. | |
Communication et Reporting | – Fournir des informations qualitatives et quantitatives sur les résultats des tests, y compris sur la robustesse de la stratégie. |
– Les projections doivent être documentées et justifiées de manière détaillée. | |
– Veiller à ce que les projections respectent les exigences des directives de l’UE. |