1. La nécessité du nouveau package prudentiel CRR3/CRDVI
1.1. Les réformes entreprises jusqu’ici ont permis de rendre le système bancaire plus RESILIENT, et mieux préparé à affronter le choc de la pandémie COVID-19
1.1.1. La nécessité pour l’UE de participer à l’effort international d’harmonisation des pratiques prudentielles
En réponse à la grande crise financière de 2008-09, l’UE a mis en œuvre des réformes substantielles du cadre prudentiel applicable aux banques afin d’améliorer leur résilience et ainsi aider à prévenir la réapparition d’une crise similaire. Ces réformes reposaient en grande partie sur les normes internationales Bâle III.
Les normes mondiales développées par le comité de Bâle sont par la suite devenues de plus en plus importantes en raison de la nature de plus en plus mondiale et interconnectée du secteur bancaire. Si un secteur bancaire mondialisé facilite le commerce et les investissements internationaux, il génère également des risques financiers plus complexes. Sans normes mondiales uniformes, les banques pourraient choisir d’établir leurs activités dans la juridiction avec les régimes de réglementation et de surveillance les plus cléments. Cela pourrait conduire à un nivellement par le bas de la réglementation pour attirer les entreprises bancaires, augmentant en même temps le risque d’instabilité financière mondiale. La coordination internationale sur les normes mondiales limite dans une large mesure ce type de concurrence risquée et est essentielle pour maintenir la stabilité financière dans un monde globalisé.
Les normes d’envergures mondiales sont aussi plus simples à implémenter pour les banques actives à l’échelle internationale – parmi lesquelles un bon nombre de banques de l’UE – car elles garantissent que des règles largement similaires sont appliquées dans les principaux centres financiers du monde.
1.1.2. Le dispositif prudentiel actuel s’est concentré sur l’augmentation des exigences de fonds propres, la réduction du levier excessif et le meilleur encadrement de la liquidité
Les réformes mises en œuvre jusqu’à présent se sont concentrées sur l’augmentation de la qualité et de la quantité des fonds propres réglementaires dont les banques sont tenues de disposer pour couvrir les pertes potentielles. En outre, ils visaient à réduire l’endettement excessif des banques, à accroître la résilience des institutions aux chocs de liquidité à court terme, à réduire leur dépendance vis-à-vis des financements à court terme, à réduire leur risque de concentration et à résoudre les problèmes des banques de trop grande envergure pour faire faillite.
En conséquence, ces règles ont renforcé les critères d’éligibilité des fonds propres réglementaires, augmenté les exigences minimales de fonds propres et introduit de nouvelles exigences pour le risque d’ajustement de l’évaluation de crédit (CVA) et pour les expositions aux contreparties centrale. Par ailleurs, plusieurs nouvelles mesures prudentielles ont été introduites : une exigence de ratio de levier minimum, un ratio de liquidité à court terme LCR, un ratio de financement stable à plus long terme NSFR, des limites pour les grands risques et les coussins de fonds propres macro prudentiels.
Grâce à cette première série de réformes mises en œuvre dans l’Union, le secteur bancaire de l’UE est devenu nettement plus résistant aux chocs économiques et est entré dans la crise du COVID-19 sur une base nettement plus stable par rapport à sa situation au début de la crise financière de 2008.
1.2. Elles restent cependant insuffisantes pour couvrir toutes les zones de risques identifiées au cours de la crise financière de 2008
Alors que le niveau global de capital du système bancaire de l’UE est désormais considéré comme satisfaisant en moyenne, certains des problèmes identifiés à la suite de la crise financière de 2008 n’ont pas encore été résolus.
1.2.1. Le problème de la variabilité injustifiée, d’une banque à l’autre, des RWAs calculés à partir de la méthode interne
Les analyses réalisées par l’EBA et la BCE ont montré que les exigences de fonds propres calculées par les banques établies dans l’UE à l’aide de modèles internes présentaient un niveau de variabilité important qui n’était pas justifié par des différences dans les risques sous-jacents. Cela compromet en fin de compte la fiabilité et la comparabilité de leurs ratios de fonds propres.
1.2.2. Une approche standard insuffisamment sensible au risque
Le manque de sensibilité au risque des exigences de fonds propres calculées à l’aide d’approches standard se traduit par des exigences de fonds propres soit insuffisantes, soit excessivement élevées pour certains produits ou activités financiers.
1.3. Un nouveau package CRR3/CRDVI en cohérence avec les réformes de finalisation de bâle III de Décembre 2017
En décembre 2017, le comité de Bâle a convenu d’un ensemble final de réformes des normes internationales pour résoudre ces problèmes. En 2019, la Commission a annoncé son intention de présenter une proposition législative pour mettre en œuvre ces réformes dans le cadre prudentiel de l’UE.
À la lumière de la pandémie de COVID-19, les travaux préparatoires de cette proposition ont été retardés. Ce retard reflète la décision du comité de Bâle du 26 mars 2020 de reporter d’un an les délais de mise en œuvre convenus précédemment pour les derniers éléments de la réforme de Bâle III.
2. Un package CRR3/CRDVI pour renforcer la résilience bancaire et accompagner la reprise post pandémie
Le présent package CRR3/CRDVI poursuit deux objectifs généraux : contribuer à la stabilité financière et contribuer au financement stable de l’économie dans le contexte de la reprise après la crise COVID-19.
2.1. Renforcer le cadre de fonds propres fondé sur le risque, sans augmentation significative des exigences de fonds propres dans l’ensemble
Les conditions économiques temporairement tendues du fait de la crise sanitaire, n’ont pas modifié la nécessité de mener à bien cette réforme structurelle. L’achèvement de la réforme est nécessaire pour résoudre les problèmes en suspens et pour renforcer encore la solidité financière des institutions établies dans l’UE, en les mettant dans une meilleure position pour soutenir la croissance économique et faire face à d’éventuelles crises futures.
La mise en œuvre des éléments en suspens de la réforme de Bâle III est également nécessaire pour fournir aux banques la sécurité réglementaire nécessaire, achevant une décennie de réforme du cadre prudentiel. Enfin, l’achèvement de la réforme est conforme à l’engagement de l’UE envers la coopération réglementaire internationale à travers des actions concrètes à mettre en œuvre de manière fidèle et en temps opportun.
2.2. Mettre davantage l’accent sur les risques ESG dans le cadre prudentiel
2.2.1. Un engagement ferme de la Commission en faveur de la transition vers une économie durable
Un autre besoin de réforme tout aussi important découle des travaux en cours de la Commission sur la transition vers une économie durable. La communication de la Commission sur le pacte vert européen et la communication de la Commission sur la réalisation de l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 « Fit for 55 » énoncent clairement l’engagement de cette dernière à transformer l’économie de l’UE en une économie durable, tout en traitant les conséquences inévitables du changement climatique.
Elle a également annoncé une stratégie pour le financement de la transition vers une économie durable qui s’appuie sur des initiatives et des rapports antérieurs, tels que le plan d’action sur le financement de la croissance durable et les rapports du groupe technique d’experts sur la finance durable. Ceci renforce les efforts de la Commission dans la démarche durable.
2.2.2. Le rôle primordial des banques dans l’accompagnement de cette transition énergétique
L’intermédiation bancaire jouera un rôle crucial dans le financement de la transition vers une économie plus durable. Dans le même temps, la transition vers une économie plus durable est susceptible d’entraîner des risques pour les institutions qu’elles devront gérer correctement pour garantir que les risques pour la stabilité financière sont minimisés. Aussi la réglementation prudentielle est nécessaire et doit jouer un rôle crucial.
2.2.3. Une intégration des risques ESG dans le dispositif prudentiel
La stratégie de financement de la transition vers une économie durable souligne la nécessité d’inclure une meilleure intégration des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans le cadre prudentiel de l’UE, car les exigences légales actuelles sont à elles seules jugées insuffisantes pour inciter à une gestion systématique et cohérente des risques ESG par les banques.
Avec la reconnaissance des risques ESG et l’intégration d’éléments ESG dans le cadre prudentiel, cette initiative complète la stratégie plus large de l’UE pour un système financier plus durable et plus résilient. Il contribuera à l’objectif du Green Deal Européen de gérer et d’intégrer les risques climatiques dans le système financier et les domaines d’action stratégiques définis dans le rapport de prospective stratégique 2021.
2.3. harmoniser davantage les pouvoirs et les outils de surveillance pour une meilleure efficacité du MSU
2.3.1. Une boite à outil à disposition des autorités de supervision insuffisante pour traiter efficacement et de manière harmonisée les différentes situations rencontrées
Un autre domaine d’intérêt est la bonne application des règles prudentielles. Les autorités de contrôle doivent disposer des outils et des pouvoirs nécessaires à cet effet (par exemple, les autorités de supervision doivent avoir des pouvoirs d’autorisation de certaines activités bancaires, d’évaluation de la pertinence de leur gestion ou de sanction en cas d’infraction aux règles).
Alors que la législation de l’Union garantit un niveau minimum d’harmonisation, la boîte à outils et les procédures de surveillance varient considérablement d’un État membre à l’autre. Ce paysage réglementaire fragmenté dans la définition de certains pouvoirs et outils à la disposition des autorités de surveillance et leur application dans les États membres compromet les conditions de concurrence équitables dans le marché unique et soulève des doutes quant à la gestion saine et prudente des banques et de leur surveillance.
Ce problème est particulièrement aigu dans le contexte de l’Union bancaire. Les différences entre 21 systèmes juridiques différents empêchent le mécanisme de surveillance unique (MSU) d’exercer ses fonctions de surveillance de manière efficace et efficiente. De plus, les groupes bancaires transfrontaliers doivent faire face à un certain nombre de procédures différentes pour une même question prudentielle, ce qui augmente indûment leurs coûts administratifs.
2.3.2. Un cadre de supervision des groupes de pays tiers dont l’incomplétude a été mise en exergue suite au Brexit
Un autre problème important, à savoir l’absence d’un cadre européen solide pour les groupes de pays tiers fournissant des services bancaires dans l’UE, a pris une nouvelle dimension après le Brexit. L’établissement de succursales de pays tiers est principalement soumis à la législation nationale et n’est harmonisé que de manière très limitée par la CRDV.
Un récent rapport de l’EBA montre que ce paysage prudentiel dispersé offre aux succursales de pays tiers d’importantes opportunités d’arbitrage réglementaire et prudentiel pour mener leurs activités bancaires d’une part, tout en entraînant un manque de surveillance prudentielle et des risques accrus de stabilité financière pour l’UE d’autre part.
Les superviseurs manquent souvent des informations et des pouvoirs nécessaires pour faire face à ces risques. L’absence de rapports prudentiels détaillés et l’échange insuffisant d’informations entre les autorités chargées de surveiller les différentes entités/activités d’un groupe de pays tiers laissent des angles morts de supervision.
L’UE est la seule grande juridiction où l’autorité de surveillance sur base consolidée ne dispose pas d’une image complète des activités des groupes de pays tiers opérant à la fois via des filiales et des succursales. Ces lacunes ont un impact négatif sur l’égalité des conditions de concurrence entre les groupes de pays tiers opérant L’UE est la seule grande juridiction où l’autorité de surveillance sur base consolidée ne dispose pas d’une image complète des activités des groupes de pays tiers opérant à la fois via des filiales et des succursalesdans différents États membres, ainsi que vis-à-vis des institutions ayant leur siège dans l’UE.
2.4. Réduire les coûts administratifs des banques liés au pilier iii et améliorer l’accès aux données prudentielles des banques grace a la centralisation par l’eba
Cette proposition est également nécessaire pour renforcer encore la discipline de marché. Il s’agit d’un autre outil important pour permettre aux investisseurs d’exercer leur rôle de surveillance du comportement des institutions. Pour ce faire, ils doivent accéder facilement aux informations nécessaires. Les difficultés actuelles liées à l’accès à l’information prudentielle privent les acteurs du marché des informations dont ils ont besoin sur la situation prudentielle des banques. Cela réduit in fine l’efficacité du cadre prudentiel des banques et fait potentiellement douter de la résilience du secteur bancaire, notamment en période de stress.
Pour cette raison, la réforme vise à centraliser les publications d’informations prudentielles en vue d’accroître l’accès aux données prudentielles et la comparabilité entre les secteurs. La centralisation des publications dans un point d’accès unique établi par l’EBA vise également à réduire la charge administrative pour les banques, en particulier les petites et les moins complexes.
3. Réaffirmation de l’importance du principe de proportionnalité au cœur du dispositif
La proportionnalité a fait partie intégrante de l’analyse d’impact accompagnant la CRR3/CRDVI. Les modifications proposées dans différents domaines réglementaires ont été évaluées individuellement au regard de l’objectif de proportionnalité.
En outre, le manque de proportionnalité des règles existantes a été présenté dans plusieurs domaines et des options spécifiques ont été analysées en vue de réduire la charge administrative et les coûts de mise en conformité pour les petites institutions.
C’est le cas, en particulier, des mesures dans le domaine de la publication, où la charge de conformité pour les banques de petite taille et non complexes sera considérablement réduite, voire éliminée.
De plus, les exigences de publication liées à la publication des risques ESG qui sont proposées pour être appliquées à toutes les banques (c’est-à-dire au-delà des grandes banques cotées auxquelles l’exigence existante s’appliquera à partir de 2022), seront adaptées en termes de périodicité et de détail, à la taille et la complexité des institutions, respectant ainsi le principe de proportionnalité.
4. Un impact de la nouvelle réforme a priori modéré en termes d’augmentation de RWAs, de capital et de coûts
Pour chacun des problèmes identifiés, l’analyse d’impact a examiné une gamme d’options politiques dans quatre dimensions politiques clés, en plus de la situation de référence dans laquelle aucune action de l’Union n’est prise.
Pour ce qui concerne la mise en œuvre de Bâle III, l’analyse et la modélisation macroéconomique développées dans l’analyse d’impact montrent que la mise en œuvre des options privilégiées et la prise en compte de toutes les mesures de la réforme doivent conduire à une augmentation moyenne pondérée des exigences minimales de fonds propres des banques de 6,4 % à 8,4 % à long terme (d’ici 2030), après la période de transition envisagée. À moyen terme (en 2025), l’augmentation devrait se situer entre 0,7% et 2,7%.
Selon les estimations fournies par l’EBA, cet impact pourrait conduire un nombre limité de grandes banques (10 sur 99 banques de l’échantillon test) à devoir lever collectivement des capitaux supplémentaires inférieurs à 27 milliards d’euros afin de répondre aux nouvelles exigences minimales de capital sous l’option préférée.
Pour mettre ce montant en perspective, les 99 banques de l’échantillon (représentant 75 % des actifs bancaires de l’UE) détenaient un montant total de fonds propres réglementaires d’une valeur de 1414 milliards d’euros fin 2019 et avaient des bénéfices combinés de 99,8 milliards d’euros en 2019.
Plus généralement, alors que les banques supporteraient des coûts administratifs et opérationnels ponctuels pour mettre en œuvre les modifications proposées des règles, aucune augmentation significative des coûts n’est attendue. En outre, les simplifications impliquées par plusieurs des options privilégiées (par exemple, suppression des approches modélisées en interne, publications centralisées) doivent réduire les coûts par rapport à aujourd’hui.
5. Modalité d’entrée en vigueur
Il est prévu que les modifications proposées entreront en vigueur pour l’essentiel en 2025. Certaines exceptions à ce principe sont toutefois précisées dans le texte.
6. Références
https://ec.europa.eu/finance/docs/law/211027-proposal-crr-2_en.pdf
Abréviations et gLossaire
EBA: European Banking Authority