Une étape importante dans l’achèvement de l’union bancaire grâce à une transposition nuancée du texte Bâlois en droit européen, tenant compte des spécificités de l’économie de l’union
1. Les raisons d’une révision
La révision du package CRR/CRDIV a été motivée dans le cadre de «l’achèvement de l’union bancaire» afin de réduire encore les risques non complètement traités dans la CRR/CRDIV et de prendre en compte certains développements récents du comité de Bâle et du FSB.
Les raisons sont multiples :
- Le cadre de supervision prudentiel actuel, CRD IV/CRR, transposition des accords de Bâle III de 2013, a permis, après la crise de 2007-2008, d’améliorer la stabilité du système financier mondial en permettant de mieux anticiper certaines crises potentielles. Toutefois, il ne répond pas à certaines problématiques déjà identifiées en sortie de crise. Cette nouvelle réforme vise à accentuer toutes les mesures de réduction des risques, qui permettront à terme de renforcer la résilience du système bancaire européen et la confiance des marchés financiers vis-à-vis de ce dernier. Ces mesures serviront également de point de départ à de nouveaux progrès dans l’achèvement de l’union bancaire.
- Par ailleurs, le Comité de Bâle a fait des développements récents, notamment sur le ratio de levier, la mesure du risque de contrepartie, les expositions sur les contreparties centrales éligibles, les OPC, le NSFR, rapport pilier III qui doivent être transposés en droit européen.
- Enfin, il est nécessaire de transposer en droit européen la norme internationale TLAC définie par le FSB et d’établir les modalités de convergence avec la norme européenne MREL pour les GSIB européens
2. Un projet complexe aux enjeux économiques et politiques multiples
Paru au journal officiel de l’union européenne le 07 juin 2019, la CRR2 a été le fruit de nombreuses discussions au niveau du parlement européen. Une étape importante de la construction du texte a été le 25 mai 2018, date à laquelle le conseil de l’EU est parvenu à un accord sur un texte d’envergure en remplacement du règlement 575/2013 (CRR) et de la directive 2013/36/UE (CRD IV).
La CRR2 a représenté un challenge très important pour le régulateur européen qui devait d’une part rester cohérent avec les normes convenues à l’échelle internationale (Bâle III, TLAC) et d’autre part tenir compte de spécificités de l’union européenne afin que les mesures prises ne constituent pas un frein à l’économie européenne :
- Les dispositions du présent règlement devraient être équivalentes aux normes mises en place à l’échelle internationale et préserver l’équivalence entre la directive 2013/36/UE (CRDIV) et le règlement (UE) no 575/2013 (CRR), d’une part, et le cadre de Bâle III, d’autre part.
- Si, pour l’essentiel, le nouveau règlement reste en ligne avec le texte initial de Bâle 3, le parlement européen a toutefois pris quelques distances avec les décisions et les choix du comité de Bâle notamment dans le calcul du NSFR et la détermination du ratio de levier.
- Il s’agit, entre autres, de garantir que les établissements établis au sein de l’Union mais opérant en dehors de l’Union bénéficient des conditions de concurrence équitables au niveau international.
- Les ajustements ciblés apportés pour tenir compte de spécificités de l’Union et de considérations politiques plus larges seront toutefois limités dans leur portée ou dans le temps afin de ne pas nuire à la solidité globale du cadre prudentiel mondial.
3. Cette réforme a un périmètre d’application très étendu
Ce nouveau texte porte sur plusieurs thèmes d’enjeux importants dont le principe de proportionnalité, le ratio de levier, les niveaux de fonds propres exigibles pour les cas de résolution avec les normes TLAC et MREL, les revues des méthodes de traitement du risque de contrepartie SA-CCR, de marché FRTB, les réglementations autour des grands risques, le ratio de liquidité long terme NSFR, le traitement des expositions sur les chambres de compensation éligibles et les OPC, le rapport pilier III, les mesures de soutien à l’économie et les réflexions sur la mise en place d’un outil intégré de collecte de données prudentielles et de résolution.
3.1. Le principe de proportionnalité comme clé de voute de l’application du règlement CRR2
3.1.1. La garantie d’un traitement prudentiel approprié selon la taille et la typologie d’activité d’une banque
Le principe de proportionnalité vise à s’assurer que le nouveau règlement ne crée pas des contraintes trop lourdes en matière de conformité réglementaire pour les établissements financiers moins complexes et de tailles plus modestes.
Toutefois la définition précise des établissements de petite taille et non complexes sera établie de manière discrétionnaire par les États membres qui pourront adapter cette définition en fonction des situations nationales. Ainsi, un établissement de petite taille et non complexe ne pourra bénéficier de règles plus proportionnées, que s’il remplit tous les critères applicables définis par les autorités compétentes nationales pertinentes.
3.1.2. Le traitement des exceptions
Il s’agit notamment de :
- La mise en place d’approches simplifiées pour le calcul de l’exigence en fonds propres au titre du risque de marché, du risque de contrepartie et pour le calcul de la CVA, NSFR.
- La réduction de l’exigence de reporting réglementaire et de publication, dont notamment le contenu et la fréquence de publication du rapport pilier III.
- Une plus grande flexibilité au niveau processus de surveillance prudentielle dans le cadre du pilier 2.
- Des exemptions sur certaines règles de rémunération (différé, paiements en instruments).
3.2. Des modularités de calcul du ratio de levier selon les types d’établissements et les types d’expositions
3.2.1. Les objectifs du ratio de levier européen restent cohérents avec le texte de Bâle
En ligne avec les recommandations du comité de Bâle, le ratio de levier, défini comme le rapport entre les fonds propres de base (T1) et l’exposition totale de la banque, est calibré à 3% au niveau européen. Le ratio de levier contribue à préserver la stabilité financière en agissant comme filet de sécurité en complément des exigences de fonds propres fondées sur le risque (RWA) et en limitant l’accumulation d’un levier excessif en période de reprise économique. Ce ratio se veut suffisamment contraignant pour empêcher les banques d’augmenter excessivement leur niveau d’endettement.
3.2.2. Des modifications importantes dans la mesure du dénominateur comparativement au texte bâlois
La mesure de l’exposition totale, dénominateur du ratio de levier a toutefois été profondément modifiée afin de ne pas entraver inutilement l’activité de prêt des établissements aux entreprises et aux ménages et d’empêcher les effets indésirables injustifiés sur la liquidité du marché, tous ces effets étant délétères pour la croissance économique européenne.
Ces adaptations sont prévues pour :
- Les prêts publics accordés par les banques publiques de développement ainsi que les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public, avec un mandat public clair :
- Toutefois, le contrôle de la forme et le mode de constitution de ces établissements de crédit sont des discrétions nationales. Par exemple, les banques publiques de développement pourront exclure du calcul de l’exposition totale, les expositions relatives à des créances sur les gouvernements régionaux, les autorités locales ou les entités du secteur public.
- La fourniture de services de compensation centrale aux clients par les établissements :
- Ainsi la marge initiale que les établissements reçoivent de leurs clients pour les opérations sur dérivés faisant l’objet d’une compensation centrale et qu’ils transmettent aux contreparties centrales (CCP) est exclue de la mesure de l’exposition totale. Ceci afin de ne pas freiner la dynamique actuelle de passage par les chambres de compensation.
- Certaines expositions sur les banques centrales :
- Il y a une exclusion possible de certaines expositions sur les banques centrales du dénominateur du ratio de levier afin de faciliter la mise en œuvre des politiques monétaires ciblées.
- Les expositions des fonds en caisse :
- Les expositions des fonds en caisse résultant de la fourniture de comptes d’espèces aux participants à un système de règlement de titres et aux détenteurs de comptes de titres, et résultant de la réception de dépôts desdits participants et détenteurs, sont exclus de la mesure de l’exposition totale, étant donné qu’elles ne créent pas un risque de levier excessif.
3.2.3. L’adoption du coussin de sécurité sur le ratio de levier pour les institutions financières d’importance systémique au niveau européen
La notion de coussin de sécurité sur le ratio de levier pour les institutions financières d’importance systémique définie dans les accords de Bâle III est reprise au niveau européen. Le coussin lié au ratio de levier a été calibré par le comité de Bâle dans le but d’atténuer les risques portés les banques d’importance systémique mondiale sur la stabilité financière.
Ainsi, pour ces banques, le ratio de levier pourrait être augmenté de 50% du niveau coussin pour banques d’importance systémique.
Par exemple, si un EBIS a un coussin pour risque systémique de fonds propres égal à 2%, alors le coussin de sécurité sur le ratio de levier sera fixé à 1%. Son ratio de levier minimum sera alors égal à 4% au lieu de 3%. Le parlement européen se réserve, de surcroit, la possibilité d’étendre aux institutions financières de taille plus modeste, de manière adaptée, ce coussin de sécurité sur le ratio de levier. Si tel est le cas, il conviendra de s’interroger sur le calibrage de ce coussin aux caractéristiques spécifiques de ces établissements.
3.2.4. Une exemption des CCPS de l’exigence de calcul du ratio de levier
Les CCPS sont, en raison de leur modèle d’activité distinct, exemptées de l’exigence relative au ratio de levier car elles ne sont pas tenues d’obtenir un agrément bancaire sauf pour avoir l’accès aux facilités de banque centrale et pour s’acquitter de leur rôle contrepartie centrale.
3.3. Définition des modalités de convergence entre les nouveaux ratios TLAC et MREL
Proposé par le FSB en novembre 2015, la norme de capacité totale d’absorption des pertes (TLAC) est un ratio permettant de s’assurer que les banques d’importance systémique internationales possèdent un montant suffisant d’engagements (utilisables pour un renflouement interne (bail in)). Ces engagements doivent permettre d’absorber les pertes, faciliter la mise en résolution de la banque sans recourir aux fonds publics pour des besoins de recapitalisation (bail out) et garantir un processus rapide et efficace.
L’exigence minimale par établissement de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) poursuit le même objectif au niveau européen sauf qu’elle inclut toutes les banques de l’union européenne, quelle que soit leur taille. La mise en œuvre de la norme TLAC dans le droit de l’Union doit tenir compte du MREL déjà en vigueur.
L’enjeu de la réforme est donc de s’assurer que l’implémentation de ces deux ratios reste cohérente et n’entraine pas de double comptage. La norme TLAC comporte certains critères d’éligibilité pour les engagements qui sont plus stricts que les critères actuels d’éligibilité des instruments de capital et du MREL. Dans un souci de cohérence, les critères d’éligibilité des instruments de capital sont alignés.
Une attention particulière sera donc portée à la constitution du CET1, de l’AT1 et du T2 dont les compositions devront être validées par le superviseur. Il est nécessaire de prévoir une procédure d’approbation, préalable à la comptabilisation finale en fonds propres, claire et transparente par le superviseur pour les instruments de fonds propres de base de catégorie 1. Il s’agira de garantir le maintien de la qualité élevée de ces instruments.
Dans ce travail de convergence entre le TLAC et MREL, les EBIS et les non EBIS seront traités différemment. Pour la TLAC et le MREL pour les EBIS, le niveau minimum harmonisé est une exigence du pilier 1 depuis le 1er janvier 2019. Les EBIS devront maintenir un TLAC correspondant à 16% des total RWA et 6% du l’exposition totale (dénominateur du ratio de levier de Bâle III). Ces ratios atteindront respectivement 18% et 6,75% à partir de 2022. Pour les non-EBIS, le niveau du MREL, plus adaptable, relève du pilier 2 et est fixé au cas par cas.
3.4. Uniformisation de la mesure du risque de contrepartie
Les trois méthodes actuelles de mesure de risque de contrepartie à savoir…
- La méthode standard (SM).
- La méthode de l’exposition courante (MtM).
- Et la méthode de l’exposition initiale (OEM)
…ont montré de nombreuses limites pendant la crise. En effet :
- Elles ne prenaient pas suffisamment en compte les garanties incluses dans les expositions et l’effet de réduction des risques associé ainsi que les bénéfices de la compensation.
- Les calibrations étaient mal adaptées et ne prenaient pas suffisamment compte la grande volatilité observée pendant la crise.
La nouvelle méthode (SA-CCR) devient l’unique référence pour la mesure du risque de contrepartie avec toutefois des dispositions simplifiées pour les institutions avec une activité modeste sur le marché des dérivés :
- Plus sensible au risque, la méthode SA-CCR, en remplacement des trois méthodes précédentes est donc conçue pour mieux refléter le risque auquel sont soumises les institutions opérant sur le marché des dérivés.
- La méthode SA-CCR est plus complexe dans sa mise en œuvre. Ainsi, dans la logique du principe de proportionnalité, une approche SA-CCR simplifiée pourra être envisagée pour les établissements qui remplissent les critères d’éligibilité prédéfinis, ainsi qu’à l’intention des établissements appartenant à un groupe qui remplit ces critères sur base consolidée.
- Si, néanmoins, cette approche SA-CCR simplifiée s’avérait toujours complexe pour les établissements dont les expositions sur dérivés sont limitées et qui utilisent actuellement la MtM ou l’OEM, la méthode de l’exposition initiale révisée en termes de calibrage pourra être conservée après approbation du superviseur.
3.5. Remaniement du cadre de gestion et de mesure du risque de marché grâce à la FRTB
3.5.1. Vers un renforcement significatif des fonds propres au titre du risque de marché
La réforme de 2009, dite Bâle 2,5 n’a pas remédié aux faiblesses structurelles des normes relatives aux exigences de fonds propres pour risque de marché à savoir :
- L’absence de démarcation claire entre portefeuille de négociation et portefeuille bancaire qui a permis des arbitrages réglementaires.
- L’insuffisance de sensibilité au risque des exigences de fonds propres pour risque de marché.
L’un des objectifs principaux de la FRTB est de réduire l’arbitrage réglementaire conduisant à des exigences en capital au titre du risque de marché très inférieures à celles au titre du risque de crédit et de clarifier la frontière entre le trading book et le banking book.
La FRTB passe aussi par une refonte complète des méthodes de calcul (calibrage) de l’exigence en capital au titre du risque de marché, à savoir la méthode standard basée sur les sensibilités et la méthode modèle interne (utilisation de l’Expected Shortfall en remplacement partiel de la VaR et SVaR).
3.5.2. Une déclinaison du principe de proportionnalité dans le cadre de la FRTB
Un traitement proportionné pour le risque de marché est mis en place pour les établissements dont les activités relevant du portefeuille de négociation sont limitées, de façon à permettre à un plus grand nombre d’établissements ayant un portefeuille de négociation de faible taille d’appliquer le cadre de risque de crédit pour les positions du portefeuille bancaire conformément à une version révisée de la dérogation applicable aux portefeuilles de négociation de faible taille.
3.5.3. Le cadre de publication des informations relatives à la FRTB est défini avec un calendrier modifié va désormais jusqu’en 2022, avec un début du reporting à partir de 2020
Tous les établissements soumis au cadre FRTB dans l’Union Européenne commenceront à déclarer les calculs dérivés de l’approche standard révisée à partir du 31 décembre 2020, soit un an après l’acte délégué qui sera adopté par la commission au plus tard le 31 décembre 2019. La publication des résultats issus de la méthode interne révisée pourra être utilisée trois ans après qu’elle soit devenue pleinement opérationnelle.
3.5.4. Des impacts très lourds en capital
La consultation de mars 2018 donne des résultats très mitigés. Le QIS révèle que l’exigence en capital au titre de risque de marché s’avère très supérieure aux hypothèses approuvées par les membres permanents du comité de Bâle en janvier 2016. Par ailleurs, les associations bancaires considèrent que l’approche standard surestimerait le risque de marché effectif et que l’augmentation des exigences en capital rendrait, dans la majorité des cas, l’utilisation des modèles internes non pertinente.
3.6. Un renforcement des exigences associées aux grands risques
Le cadre concernant les grands risques est renforcé afin d’améliorer la capacité des établissements à absorber les pertes, de réduire le risque systémique et de garantir un meilleur respect des normes internationales. Il s’agit de s’assurer qu’une banque confrontée au défaut soudain d’une de ses contreparties ne puisse pas dépasser un certain niveau de pertes qui risquerait de compromettre sa solvabilité. À cette fin, le calcul de la limite des grands risques est désormais fondé sur des fonds propres de meilleure qualité à savoir le T1 uniquement (élimination de la composante T2 du calcul des fonds propres éligibles servant à la détermination des grands risques), et les expositions sur dérivés de crédit devraient être calculées conformément à la SA-CCR.
Pour les établissements financiers d’importance systémique internationale, la limite grands risques des expositions aux autres EBIS sera abaissée à 15% du T1 au lieu de 25% pour éviter le risque systémique. La limite de l’exposition des EBIS à d’autres EBIS est abaissée afin de réduire les risques systémiques liés aux interconnexions entre grands établissements et les incidences que la défaillance de contreparties des EBIS pourraient avoir sur la stabilité financière mondiale.
3.7. Clarification des modalités d’entrée en vigueur du NSFR
3.7.1. Les objectifs du NSFR européen restent en ligne avec le texte de Bâle
Le comité de Bâle définit le ratio de financement stable net NSFR comme le montant du financement stable disponible rapporté à celui du financement stable exigé. Le NSFR vise à s’assurer que les établissements disposeront d’une structure de financement stable à plus long terme tant en situation normale qu’en période de tensions. Il représente une exigence détaillée et contraignante de financement stable devant être respectée à tout moment en vue d’éviter les asymétries excessives d’échéances entre actifs et passifs et une dépendance excessive à l’égard du financement de gros à court terme whole sale funding.
- Le montant du financement stable disponible est calculé en multipliant les engagements de l’établissement et ses fonds propres par des facteurs appropriés reflétant leur degré de fiabilité à l’horizon d’un an du NSFR.
- Le montant du financement stable requis est calculé en multipliant les actifs de l’établissement et ses expositions hors bilan par des facteurs appropriés reflétant leurs caractéristiques de liquidité et leur échéance résiduelle à l’horizon d’un an du NSFR.
Ce ratio doit, en permanence, être au moins égal à 100%. Si le NSFR arrive en dessous de 100%, l’établissement doit respecter les exigences spécifiques énoncées dans le règlement (UE) no 575/2013 afin de ramener rapidement son NSFR au niveau minimal. L’application de mesures de surveillance demeure néanmoins discrétionnaire selon chaque autorité compétente nationale.
3.7.2. Une sensible prise de distance de l’UE vis-à-vis du comité de Bâle
La définition du NSFR retenue au niveau de l’UE se veut la plus proche possible de la définition du comité de Bâle. Toutefois, afin que la mise en œuvre du NSFR ne freine pas le financement de l’économie au niveau européen, des ajustements préconisés par EBA dans son rapport du 15 décembre 2015, seront effectués dans le calcul du NSFR européen. Il s’agit notamment du traitement spécifique des caisses populaires, des traitements applicables à l’émission d’obligations garanties en particulier; les crédits commerciaux; l’épargne réglementée centralisée; les prêts immobiliers résidentiels garantis; les coopératives de crédit; les CCPS et les dépositaires centraux de titres (DCT) qui ne procèdent pas à des transformations significatives d’échéances.
Il y a donc une prise de distance par rapport au comité de Bâle quant à certains choix de définition et de calibration des facteurs servant au calcul du NSFR. Ainsi le NSFR européen vise à :
- Rétablir la symétrie de traitement entre le LCR et le NSFR européen afin que les définitions et les calibrages des deux ratios soient cohérents. Notamment les facteurs de financement stable requis appliqués aux actifs liquides de haute qualité du LCR pour le calcul du NSFR, refléteront les définitions et les décotes du LCR européen :
- Le facteur de financement stable requis des HQLA de niveau 1 y compris les obligations souveraines tel qu’il est défini par le LCR européen, à l’exclusion des obligations garanties de qualité extrêmement élevée, est ramené de 5 % à 0 %. En effet, ce facteur de 5 % impliquait que les établissements devaient conserver à disposition de tels pourcentages de financements à long terme non garantis indépendamment de la durée pendant laquelle ils prévoyaient de conserver ces obligations souveraines. Cela incitait davantage les établissements à effectuer des dépôts en espèces auprès de banques centrales plutôt que d’agir en tant que teneurs de marché et d’apporter de la liquidité aux marchés de la dette souveraine. En outre, cela est incohérent par rapport au LCR, qui reconnaît la pleine liquidité de ces actifs même en période de fortes tensions sur la liquidité (décote de 0 %) ».
- Tous les HQLA de niveau 1 tel que définis par le LCR européen, à l’exclusion des obligations garanties de qualité extrêmement élevée, reçus en tant que marge de variation dans des contrats dérivés devaient couvrir des actifs dérivés, tandis que le NSFR élaboré par le comité de Bâle n’accepte que la trésorerie conforme aux conditions du cadre de levier pour couvrir les actifs dérivés.
- Cette reconnaissance plus large des actifs reçus en tant que marge de variation contribuera à apporter de la liquidité aux marchés des obligations souveraines, évitera de pénaliser les utilisateurs finaux qui détiennent des montants élevés d’obligations souveraines et peu de trésorerie (tels que les fonds de pension) et évitera de créer des tensions supplémentaires en ce qui concerne la demande de liquidité sur les marchés des opérations de pension.
- Réduire l’impact de l’asymétrie actuelle de traitement entre les financements à court terme, tels que les mises en pension (le financement stable n’étant pas reconnu) et les prêts à court terme, tels que les prises en pension avec des clients financiers. Cette réduction se fera grâce à la mise en place d’une période transitoire, au cours de laquelle les facteurs de financement stable requis seraient temporairement réduits :
- En l’absence de telle mesure transitoire, il y aurait un risque de réduction de la liquidité des titres couramment utilisés en tant que sûretés dans des transactions à court terme, en particulier les obligations souveraines, puisqu’il est à prévoir que les établissements réduiront le volume de leurs opérations sur les marchés des opérations de pension. Il pourrait également y a voir une entrave dans les activités de tenue de marché, car les marchés des opérations de pension facilitent la gestion de l’inventaire nécessaire, ce qui irait à l’encontre des objectifs de l’union des marchés des capitaux.
- Réduire l’exigence supplémentaire de détention de financement stable pour couvrir les passifs de dérivés bruts afin de ne pas nuire au bon fonctionnement des marchés financiers européens et à la disponibilité d’outils de couverture des risques pour les établissements et les utilisateurs finaux, y compris les entreprises. Cette exigence est actuellement entre 5 % et 20 % et sera ramenée à un niveau inférieur.
3.7.3. Le principe de proportionnalité se décline également dans le calcul du NSFR
Les établissements de petite taille et non complexes auront la possibilité d’appliquer une version simplifiée et de granularité moindre du NSFR. Celle-ci aura un calibrage au moins aussi prudent que celui prévu dans le cadre de référence du NSFR. Ceci permettra une collecte d’un nombre limité de points d’information, réduira la complexité des calculs tout en garantissant que ces établissements disposent toujours d’un facteur de financement stable suffisant.
3.8. Traitement spécifique relatif au calcul des exigences de fonds propres vis-à-vis des CCPS éligibles
Depuis l’adoption du règlement (UE) no 575/2013, la norme internationale sur le traitement prudentiel des expositions des établissements sur les contreparties centrales (CCPS) a été modifiée afin d’améliorer le traitement desdites expositions sur des CCPS éligibles (QCCP). Il s’agit :
- De l’utilisation d’une méthode unique pour déterminer l’exigence de fonds propres relative aux expositions découlant des contributions au fonds de défaillance.
- Du plafonnement explicite des exigences totales de fonds propres applicables aux expositions sur les QCCP.
- D’une approche plus sensible au risque pour établir la valeur des instruments dérivés dans le calcul du capital hypothétique d’une QCCP.
Dans le même temps, le traitement des expositions sur les CCP non éligibles est resté inchangé.
3.9. Modalité de calcul de l’exigence de fonds propres relatif aux expositions sur les OPC
Pour que les établissements gèrent de manière appropriée leurs expositions prenant la forme de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif (OPC), les règles pour le traitement de ces expositions sont désormais plus sensibles au risque. Les OPC les plus transparentes concernant leurs expositions sous-jacentes bénéficieront d’un facteur de conversion réduit.
3.10. Clarification des attentes en matière de communication financière pilier III
Les exigences de publication relatives au rapport pilier 3 s’appuient sur le principe de proportionnalité, avec une clarification des attentes relatives aux informations sur les rémunérations.
- Les établissements de petite taille et non complexes ne seront pas tenus de publier des informations aussi détaillées, ni à la même fréquence, que les établissements plus grands. Ceci allègera les contraintes administratives auxquelles ils sont soumis.
- Les exigences de publication en matière de rémunération, seront compatibles avec les objectifs des règles en matière de rémunération, qui consistent à mettre en place et à maintenir, pour les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque des établissements, des politiques et des pratiques de rémunération compatibles avec une gestion efficace des risques. En outre, les établissements bénéficiant d’une dérogation à certaines règles en matière de rémunération sont tenus de publier des informations concernant cette dérogation.
3.11. Une accentuation des réductions de RWAS sur les expositions PME et certains investissements privés et publics
3.11.1. Une réduction des RWAS associés aux expositions sur les PMES afin de soutenir l’économie européenne
Les petites et moyennes entreprises (PME) présentant un risque systémique moindre que les plus grandes entreprises, les exigences de fonds propres applicables aux expositions sur les PME seront encore plus faibles que celles applicables aux expositions sur les grandes entreprises pour que les PME bénéficient d’un financement bancaire optimal.
Actuellement les expositions sur les PME d’un montant maximal de 1,5 millions d’euros bénéficient d’une réduction de 23,81 % des montants d’exposition pondérés. Le seuil de déclenchement de cette réduction passe désormais de 1,5 millions à 2,5 millions. De plus, la partie d’une exposition sur une PME dépassant ce montant de 2,5 millions d’euros bénéficiera d’une réduction de 15 % des exigences de fonds propres.
3.11.2. Une réduction des RWAS associés aux expositions sur les investissements privés et publics dans les projets d’infrastructure
Les exigences de fonds propres pour les expositions sur des projets d’infrastructures sont également réduites, à condition que ceux-ci respectent une série de critères de nature à réduire leur profil de risque et à accroître la prévisibilité des flux de trésorerie. Les critères sont entre autres :
- L’incidence des projets d’infrastructure de grande qualité sur le volume des investissements en infrastructure réalisés par les établissements.
- La qualité des investissements au vu des objectifs de l’Union Européenne d’une transition vers une économie circulaire et à faible intensité de carbone, résiliente face au changement climatique.
- Le caractère approprié d’un point de vue prudentiel.
3.12. Réflexions sur la mise en place d’un outil statistique centralisé afin d’optimiser la gestion d’informations prudentielles et de résolution
L’EBA va mener une étude de faisabilité du projet visant à développer un outil informatique permettant de fournir aux banques les dispositions, normes, orientations et modèles règlementaires en fonction de leur taille et de leur modèle économique respectifs. Il s’agira d’élaborer d’un système harmonisé, central et intégré de collecte de données statistiques, de données en matière de résolution et de données prudentielles et de déclaration.
Ce système intégré aura à minima le cahier de charge suivant :
- Garantir un échange d’informations fiable et permanent entre les autorités compétentes.
- Assurer la stricte confidentialité des données des banques collectées.
- Centraliser et harmoniser le paysage européen en matière de déclaration de données.
- Permettre d’éviter que des demandes portant sur des données similaires ou identiques ne soient adressées à plusieurs reprises par des autorités différentes.
- Réduire considérablement la charge administrative et financière, aussi bien pour les autorités compétentes que pour les établissements.
- Éviter toute forme de double emploi ou d’incohérence lorsque les autorités compétentes de supervision et de résolution font usage des pouvoirs macro prudentiels prévus par le règlement (UE) no 575/2013 et la directive 2013/36/UE.
L’EBA s’entoure, pour cette étude, des autorités qui sont responsables de la surveillance prudentielle, des dispositifs de résolution et des systèmes de garantie des dépôts, et en particulier avec le Système Européen de Banques Centrales (SEBC). L’EBA publiera ce rapport de faisabilité, au plus tard le 28 juin 2020.
4. A venir la publication de plusieurs textes européens dont la CRR3 afin de transposer l’accord final sur Bâle III
Ce nouveau texte prudentiel dit CRD V/CRR2 prend en compte les reformes internationales portant sur la stabilité financière, notamment plusieurs éléments déjà approuvés par le comité de Bâle et le conseil de stabilité financière (FSB) tout en prenant en compte les spécificités de l’UE.
Toutefois, il ne prend pas en compte les éléments spécifiques de l’accord final de Bâle 3 conclu le 7 décembre 2017. Il est donc à prévoir par la suite un texte CRR3 visant à transposer cet accord.
La transposition de ce dernier accord de finalisation de Bâle III, prévu pour 2022, repose sur des enjeux importants de faisabilité au niveau des banques, couplés aux différentes discussions parlementaires européennes. C’est pourquoi des études d’impacts tant au niveau du comité de Bâle que de l’autorité bancaire européenne (ABE) sont prévues afin d’évaluer les coûts et les bénéfices sur le système bancaire européen.
RÉFÉRENCES
Règlement (UE) 2019/876 du parlement européen et du conseil
ABBRÉVIATIONS ET GLOSSAIRE
- CET1 : Common Equity Tier 1
- AT1 : Additional Tier 1
- T2 : Tier 2
- FSB : Financial Stability Board
- CRR : Capital Requirement Regulation
- NSFR : Net Stable Funding Ratio
- TLAC : Total Loss Absorbing Capacity
- MREL : Minimum Requirement for Own funds and Eligible Liabilities
- EBIS : Établissement Bancaire d’importance systémique
- FRTB : Fundamental Review of trading Book
- SA-CCR : Standard Approach Counterparty and credit Risk
- QIS : Quantitative Impact Study
- EBA: European Banking Authority
- CCP: contrepartie Centrale
- HQLA : High QualityLiquid Assets
- Whole sale funding : flux de capitaux des agents institutionnels disposant d’excès de liquidités vers ceux ayant besoin de refinancement à court terme.