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Dossiers ICAAP et ILAAP soumis au superviseur : la BCE reprécise ses attentes

La BCE attend des banques qu’elles mènent des évaluations prospectives de l’adéquation de leur capital (ICAAP) et de leur liquidité (ILAAP) sur au moins trois ans, en intégrant des scénarios économiques baselines et adverses. Ces analyses doivent inclure l’évolution des réglementations et démontrer la crédibilité des hypothèses macroéconomiques utilisées. Les banques doivent calibrer leurs coussins de capital et de liquidité en fonction de facteurs internes et externes (appétence au risque, attentes des parties prenantes, exigences réglementaires, incertitudes économiques). Elles doivent aussi établir un cadre de gouvernance efficace pour déclencher les actions de gestion du capital en cas de détérioration et assurer la cohérence avec leur plan de redressement. La BCE insiste sur la rigueur des politiques de distribution de dividendes, limitant les distributions excessives et exigeant une documentation claire des décisions. Ces exigences renforcent la résilience financière des banques mais augmentent leurs contraintes en matière de gestion du capital et de la liquidité.

1. Clarifications des attentes de la BCE SUR L’ICAAP et l’ILAAP et sur la soumission des documents associés

1.1. Objectifs du guide BCE sur les contenus des dossiers ICAAP et ILAAP

Ce texte de février 2025 rappelle aux banques, les principales attentes de la BCE en matière de gestion du capital et de la liquidité, en conformité avec les guides ICAAP (processus d’évaluation de l’adéquation du capital interne) et ILAAP (processus d’évaluation de l’adéquation de la liquidité interne) publiés en novembre 2018. Il fournit des précisions sur la gouvernance des soumissions ainsi que sur les éléments clés devant figurer dans les dossiers ICAAP et ILAAP.

Les banques restent responsables de définir et d’appliquer l’approche la plus appropriée pour assurer l’adéquation du capital et de la liquidité selon leurs spécificités. Ces clarifications visent à fournir des bonnes pratiques plutôt qu’à imposer de nouvelles exigences.

1.2. Gouvernance des soumissions des dossiers ICAAP et ILAAP aux superviseurs

Les ICAAP et ILAAP doivent être des processus continus intégrés à une gouvernance interne rigoureuse, incluant des procédures d’approbation et de révision régulières, notamment par l’organe de direction. Ces processus doivent être documentés et leur validation doit apparaître dans les comptes rendus de réunion et autres documents internes.

Les documents soumis à la BCE doivent être de qualité, mais il n’est pas nécessaire de les réapprouver systématiquement avant leur soumission. Toutefois, les déclarations d’adéquation du capital et de la liquidité doivent être préparées, validées et signées par l’organe de direction avant leur transmission.

1.3. Éléments à considérer dans l’évaluation de l’adéquation du capital et de la liquidité

Un processus solide de planification du capital et de la liquidité doit répondre aux attentes suivantes :

  • Un inventaire complet des risques et l’évaluation sous-jacente de leur profil de risque, couvrant à la fois les perspectives normatives et économiques.
  • L’examen et l’approbation du plan de capital/liquidité et de financement par l’organe de direction.
  • La gouvernance du processus de planification, précisant les fonctions impliquées et leur rôle.
  • La fréquence des révisions complètes de l’ICAAP ou de l’ILAAP en fonction des scénarios et hypothèses sous-jacents, ainsi que des mises à jour régulières adaptées au modèle économique et au profil de risque de la banque.
  • La capacité à réagir rapidement en cas d’événements imprévus ayant un impact sur le capital et la liquidité (exemples : évolutions macro-financières, géopolitiques, changements de politique monétaire).
  • L’utilisation de l’ICAAP et de L’ILAAP dans la gestion des risques et la prise de décision régulière au sein de la banque

2. Anticipation et gestion de l’adéquation du capital et de la liquidité

2.1. Évaluation prospective de l’adéquation du capital et de la liquidité

La BCE attend des banques qu’elles réalisent des évaluations prospectives de l’adéquation du capital sur une période d’au moins trois ans, en intégrant à la fois une perspective normative et économique. Ces évaluations doivent inclure des projections prenant en compte les évolutions réglementaires, juridiques et comptables futures.

Les scénarios de base et adverses doivent être clairement justifiés, reflétant la complexité, le profil de risque et le modèle économique de l’établissement. Les banques doivent démontrer la crédibilité de leurs hypothèses macroéconomiques et leur cohérence avec les prévisions officielles.

Dans le cadre de la planification du capital, elles doivent identifier les principaux facteurs de risque impactant les ratios de capital, en expliquant la méthodologie d’évaluation de leur matérialité. Une analyse détaillée de la sensibilité des positions en capital aux variations de certaines variables est attendue afin d’évaluer la vulnérabilité des établissements face aux évolutions économiques.

2.2. Stress tests et perspectives économiques

Les scénarios de stress doivent refléter les vulnérabilités propres à l’établissement et intégrer des hypothèses macroéconomiques cohérentes avec les prévisions les plus pessimistes du consensus officiel. En cas d’incertitude, une approche prudente doit être adoptée.

Les banques doivent expliquer en détail les méthodologies utilisées pour traduire ces scénarios en impacts sur le capital et la liquidité, ainsi que leur mode de calibration. Une démonstration claire de la transposition des prévisions macroéconomiques en indicateurs financiers et de risque est attendue.

La BCE insiste également sur la nécessité d’adopter une approche économique fiable en complément de la perspective normative. Celle-ci doit être intégrée à la gestion stratégique et opérationnelle du capital et de la liquidité, notamment en matière de distributions de dividendes et rachats d’actions.

2.3. Gestion du capital interne et des coussins de liquidité

Les banques doivent conduire une analyse rigoureuse de l’éligibilité des éléments constituant leur capital interne, en tenant compte des critères de continuité et de valeur économique.

Les coussins de gestion du capital et de la liquidité doivent être clairement justifiés dans les dossiers ICAAP et ILAAP. Leur calibration doit être adaptée aux scénarios de base et adverses pour garantir la stabilité financière des établissements. Ils doivent être intégrés dans les cadres de gestion des risques et maintenus en cas de chocs économiques.

Enfin, la BCE rappelle l’importance d’assurer la cohérence entre les ICAAP/ILAAP et les plans de redressement, ces éléments constituant un continuum de gestion des risques aligné avec l’appétence au risque de l’établissement.

3. Continuité entre les processus de gestion du capital et de la liquidité

3.1. Interconnexion entre les limites de l’ICAAP et l’ILAAP et les seuils du cadre de redressement et de l’appétence au risque

La gestion du capital et de la liquidité repose sur un continuum entre les seuils et indicateurs utilisés, la gouvernance et les actions de gestion. Les objectifs de capital et de liquidité doivent être fixés au-dessus des niveaux d’alerte de l’ICAAP/ILAAP, eux-mêmes supérieurs aux limites de capital et de liquidité définies dans le cadre de l’appétence au risque. Ces limites doivent également être supérieures ou égales aux seuils d’indicateurs du plan de redressement.

3.2. Facteurs influençant le calibrage des coussins de gestion

Six dimensions ont été identifiées comme éléments clés dans la calibration des coussins de gestion, combinant des aspects internes et externes :

  • Attentes des parties prenantes : Les banques définissent leurs coussins en tenant compte des attentes des investisseurs, actionnaires, agences de notation, clients et analystes de marché.
  • Exemples pratiques : Les banques évaluent leur solvabilité pour attirer des investisseurs institutionnels (ex. fonds de pension), ajustant leur capitalisation pour maintenir une notation adéquate et maîtriser leurs coûts de refinancement.
  • Appétence au risque : Les coussins sont fixés en fonction de la stratégie commerciale et de l’environnement opérationnel de la banque, garantissant une capacité d’exécution sous différentes conditions.
  • Tests de résistance internes : Les coussins sont ajustés en fonction des résultats de stress tests adverses pour garantir la résilience des modèles d’affaires en période de crise.
  • Exigences prudentielles : Les banques alignent leurs coussins sur les exigences réglementaires (Pillar 2 Guidance, seuils MDA, ratio de levier, etc.).
  • Actions de gestion du capital disponibles : Les banques disposant de plus de leviers de gestion du capital peuvent opérer plus près de leurs coussins, en intégrant l’efficacité de leurs mécanismes de gouvernance.
  • Incertitude sur la planification du capital et de la liquidité : Plus l’incertitude autour des projections est élevée (ex. chocs macroéconomiques, fluctuations des taux d’intérêt), plus les coussins sont renforcés pour absorber ces risques.

4.   Gestion des distributions des dividendes, des rachats d’actions et autres actions de gestion du capital

4.1.  Planification robuste du capital

Les banques doivent garantir leur capacité à répondre aux exigences de capital réglementaires et économiques, en tenant compte des ratios minimaux et des seuils internes. Elles doivent :

  • Définir les actions de gestion du capital (augmentation de capital, désendettement, titrisation).
  • Évaluer la crédibilité et la faisabilité de chaque action selon différents scénarios.
  • Quantifier l’impact des actions sur les projections de ratios de capital (fonds propres, passifs éligibles, actifs pondérés par les risques, ratio de levier).

4.2. Gouvernance et déclenchement des actions de gestion

Les banques doivent établir un cadre de gouvernance efficace pour :

  • Déclencher les actions nécessaires en cas de détérioration du capital.
  • Assurer la cohérence entre les actions du plan de capitalisation et celles du plan de redressement.

4.3. Intégration de l’ICAAP dans la gestion

Les décisions de gestion doivent démontrer l’utilisation effective de l’ICAAP, notamment dans :

  • La politique de rémunération et d’allocation du capital.
  • L’appétence au risque et la tarification des produits.
  • La prise de décisions en matière de crédit.

4.4. Politique de distribution de dividendes et de rachat d’actions

Les politiques de distribution doivent être bien encadrées et alignées sur les coussins de gestion et la planification du capital. Les banques doivent :

  • Discuter tout changement avec leurs superviseurs avant publication.
  • Documenter et formaliser leurs politiques de distribution, approuvées par l’organe de direction.
  • Veiller à ce que les distributions ne compromettent pas la viabilité de leur stratégie commerciale.
  • Exprimer les distributions (dividendes, rachats d’actions) en pourcentage des bénéfices et non en montant absolu.

4.5. Précautions sur la distribution des bénéfices

Les banques doivent être prudentes quant à la distribution des bénéfices intermédiaires en raison de leur volatilité. Les plans de distribution doivent être proportionnés aux projections de capital, intégrant des scénarios de référence et des conditions adverses sévères, en considérant à la fois les perspectives normative et économique.

Attentes de la BCE Impacts pour les banques
Approche prospective Évaluation de l’adéquation du capital et de la liquidité sur au moins 3 ans. Nécessité d’outils avancés de projection et d’analyses.
Scénarios économiques Intégration de scénarios baselines et adverses crédibles et justifiés. Renforcement des capacités de stress testing.
Coussins de gestion Calibration basée sur le risque, la réglementation, et les attentes des parties prenantes. Besoin d’une gestion dynamique et d’un suivi rigoureux.
Gouvernance et actions Mise en place de procédures claires pour activer des actions correctives en cas de détérioration. Exigence d’un cadre décisionnel réactif et documenté.
Distribution de dividendes et rachat d’actions Limitation des distributions excessives et nécessité d’une documentation détaillée. Contraintes sur les dividendes et rachats d’actions.
Alignement entre ICAAP et ILAAP Alignement avec la gestion des risques et le plan de redressement. Meilleure cohérence entre capital, liquidité et stratégie.
Exigences réglementaires Respect strict des exigences en matière de capital et liquidité (Pillar 2, MDA, etc.). Nécessité d’un suivi réglementaire accru et de reporting précis.
Évaluation interne du capital Prise en compte de la valeur économique réelle des actifs et passifs. Surveillance renforcée des pertes latentes et des provisions.

5. Références

https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/pdf/ssm.ICAAP_ILAAP_info_collection_note~4934b71538.en.pdf

6. Abbreviations et gLossaire

ICAAP : processus interne d’évaluation de l’adéquation des fonds propres

ILAAP : processus interne d’évaluation de l’adéquation des liquidités

SREP : processus de contrôle prudentiel et d’évaluation

CRDIV :  Capital Requirement Directive

EBA : European Banking Authority

P1R : Exigences de fonds propres au titre du pilier 1

P2R : Exigences de fonds propres au titre du pilier 2

CBR : Somme des coussins de fonds propres

P2G : recommandations de fonds propres au titre du pilier 2

 

 

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