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Finalisation Bâle III : vers des modifications profondes des méthodes de calcul des RWAs

1. Une nouvelle étape vers la finalisation des réformes de Bâle III
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Jusqu’ici, la règlementation liée à Bâle III avait porté essentiellement sur le numérateur du ratio de solvabilité avec une augmentation significative des fonds propres. Cette augmentation est à la fois quantitative avec l’inclusion des différents coussins de fonds propres (conservation, contra cyclique, coussin pour risque systémique et coussin pour les banques d’importance systémique) et qualitative avec l’augmentation significative du niveau attendu de fonds propres de base durs CET1, destinés à absorber les pertes afin de garantir la continuité d’activité. L’introduction du ratio de levier a été l’élément révélateur de l’évolution de la perception des RWAs. En effet, le ratio de levier, contrairement au ratio de solvabilité, a un dénominateur représentant l’exposition brute de la banque sans prise en compte des pondérations de risques et des facteurs d’atténuation du risque.
Une nouvelle étape vers la finalisation des réformes de Bâle III a été franchie le 7 Décembre 2017. La nouvelle publication du comité de Bâle remet en cause de manière structurante les méthodes utilisées pour le calcul des RWAs avec un calendrier prévisionnel allant de 2022 à 2027.

2. L’hétérogénéité et l’imperfection des méthodes actuelles de calcul des RWAs

Les modalités de calcul des RWAs ont montré ces dernières années leurs limites et, de ce fait, ont suscité la méfiance tant des investisseurs sur les marchés financiers que des superviseurs. En effet, grâce aux différentes stratégies d’optimisation règlementaire et l’utilisation prédominante des méthodes internes dans les grandes banques, les niveaux affichés des RWAs sont en général très inferieurs aux risques effectivement pris par les banques (du moins tels que perçus par le marché).
De plus, les modèles internes de calcul des RWAs présentent généralement une forte complexité tant du point de vue méthodologique que du point de vue de leur mise en œuvre, tout en restant insuffisants pour modéliser certaines classes d’actifs. Au final, il y a une grande variabilité des résultats d’une banque à une autre.

3. Restaurer la crédibilité du calcul des RWAs et améliorer la comparabilité des ratios de fonds propres des banques

3.1. Une volonté nette d’harmonisation des approches de calcul avec une réduction des possibilités d’utilisation des méthodes internes

Concernant le calcul des fonds propres sur le risque de crédit, la nouvelle réforme se traduit par une suppression de l’utilisation des méthodes internes IRBA pour certaines catégories d’exposition :
• Suppression de l’approche IRBA pour les expositions sur les grandes entreprises, sur les entreprises de taille moyenne, sur les banques et autres établissements financiers. Désormais, seules la méthode standard et IRB-Foundation sont autorisées pour ces catégories d’exposition.
• Suppression de toutes les approches IRB (internes) pour les expositions sur actions.
• Seuls les financements spécialisés bénéficient encore de la possibilité d’utiliser la méthode IRBA.
Concernant le calcul des fonds propres sur le risque opérationnel, la possibilité d’utilisation de la méthode avancée AMA pour l’évaluation des fonds propres au titre du risque opérationnel est supprimée. La méthode avancée et la méthode standard sont remplacées par une nouvelle méthode standard qui se veut plus sensible au risque. Le calcul des fonds propres reposera à la fois sur une mesure du revenu de la banque et sur l’historique de pertes dans la détermination. L’idée principale étant que le « risque opérationnel s’accroît de plus en plus rapidement avec le revenu de la banque et que les banques qui ont historiquement pâti de pertes plus importantes imputables au risque opérationnel sont jugées plus susceptibles de subir des pertes liées au risque opérationnel à l’avenir ».

3.2. Une approche modèle interne plus conservatrice avec l’utilisation de planchers sur les données en entrée et sortie des modèles…

En matière de risque de crédit, la méthodologie est désormais plus conservatrice avec :
• La mise en place d’« input Floor (planchers)» sur les paramètres PD, LGD, EAD dans le cadre des modèles de risques de crédit dans les méthodes IRB-Foundation et IRBA.
• La mise en place d’un « output Floor » sur le niveau général de RWA
– « Le plancher révisé fixe une limite aux avantages que peut tirer, en termes de fonds propres réglementaires et par rapport aux approches standards, une banque utilisant les modèles internes ». Cette idée déjà présente dans Bâle II a été renforcée.
– Il permet de limiter l’inégalité concurrentielle entre les banques ayant la capacité de déployer des méthodes internes vis-à-vis des banques utilisant la méthode standard.
– Il permet d’accroitre la comparabilité des banques entre elles et renforce la crédibilité des niveaux de RWAs affichés.
– Ce plancher est fixé à 72,5 % des actifs pondérés totaux, calculés uniquement selon les approches standards.
– Il sera caractérisé par une entrée en vigueur progressive, 50% en 2022, 55% en 2023 et augmentation progressive du plancher de 5% tous les ans pour atteindre 70% en 2026 et 72,5% en 2027.

3.3. … A laquelle s’ajoute une révision significative de la méthode standard au titre du risque de crédit

Un autre axe structurant de la réforme porte sur une remise en cause de la méthode standard en améliorant la granularité et la sensibilité aux risques de la matrice de pondération pour les différentes catégories d’exposition, y compris les expositions non notées. Entre autres évolutions, il faut noter :
• Une approche plus granulaire applicable aux expositions notées et non notées sur les banques et les entreprises.
• Une approche plus fine pour l’immobilier résidentiel basée sur le principe que les pondérations des risques varient sur la base du ratio LTV des prêts hypothécaires.
• Une distinction entre les facilités renouvelables (« revolving », « revolvers » et les « transactors » pour la clientèle de détail).

3.4. En conclusion, la mise en place d’un nouveau coussin de fonds propre et une augmentation des exigences de transparence dans la communication financière

La reforme introduit un volant de fonds propres T1 au titre du ratio de levier afin de limiter l’effet de levier des établissements d’importance systémique (EBISm). Des contraintes en matière de conservation de fonds propres, exprimées en pourcentage des bénéfices, seront imposées aux EBISm qui ne satisferont pas au volant lié au ratio de levier.
De plus, les exigences de publications des niveaux de RWAs se renforcent : les banques utilisant les méthodes internes devront aussi publier les RWAs calculés sur la base des approches standards révisées

4. Des impacts importants pour les banques, tant organisationnels qu’en termes de fonds propres sont à prévoir.

Cette évolution règlementaire ne sera pas neutre en termes de coût des fonds propres pour les établissements. Elle devrait amener une augmentation très significative des niveaux de fonds propres des banques dans les prochaines années ; Auxquelles s’ajoutent des impacts organisationnels forts, notamment dans les différentes directions de Risk Management.
En effet, les banques ont significativement investi ces dernières années dans le renforcement des directions de gestion de risques et la validation de modèles avec le recrutement de collaborateurs à profils très quantitatifs capables de définir, valider, contrôler les différents modèles de calculs des RWAs. Des investissements importants ont été faits dans les outils informatiques afin de faciliter la production notamment d’indicateurs issus des différents modèles. Avec la réduction drastique attendue de l’utilisation des modèles internes, les banques vont devoir une fois de plus évaluer la rentabilité des investissements réalisés depuis l’entrée en vigueur de Bâle II, aujourd’hui remise en cause, et adapter leur modèle opérationnel cible à ce nouveau défi réglementaire.

Lexique
RWA : actifs pondérés en fonction des risques (Risk Weighted Assets)
EAD : l’exposition au défaut
PD : probabilité de défaut
LGD : la perte en cas de défaut
M : maturité d’une exposition
EBISm : établissements bancaires d’importance systémique mondiale (EBISm)
IRBA : méthode interne de calcul des RWAs qui permet aux banques d’évaluer la probabilité de défaut, la perte en cas de défaut, l’exposition au défaut et la maturité d’une exposition
IRB-FOUNDATION : méthode interne de calcul des RWAs qui permet aux banques d’évaluer la probabilité de défaut uniquement. Les autres paramètres (la perte en cas de défaut, l’exposition au défaut et la maturité d’une exposition) sont définis par le superviseur

Sources:
Note récapitulative sur les réformes de Bâle III, BRI
Que vont faire les banques de leurs modèles internes ?

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