La CRR3 propose une évolution du cadre de la définition du défaut avec plus de flexibilité par rapport à la guideline EBA NDoD qui sera révisée en conséquence. Cette nécessaire révision porte notamment sur les restructurations proactives de créances qui ne devraient pas systématiquement être qualifiées de défaut, même si les concessions apportées sont importantes. Par ailleurs, la CRR3 introduit le NPE Backstop pour encadrer d’avantage la gestion des créances non performantes. Des impacts significatifs sont à prévoir pour les banques.
1. Rôle des Institutions dans la Reprise Économique Post-COVID-19
1.1. Importance de l’implication des banques dans la reprise
Les institutions financières, en particulier les banques, sont des acteurs essentiels dans la reprise économique post-COVID-19. La CRR3 souligne leur rôle central dans la stabilisation économique en aidant les débiteurs méritants qui font face à des difficultés financières. Cela est crucial pour éviter une crise de liquidité qui pourrait paralyser davantage l’économie. L’implication des banques permet de soutenir les entreprises et les particuliers en difficulté, facilitant ainsi une reprise économique plus rapide et plus stable.
1.2. Renforcement des mesures de restructuration proactive de la dette pour prévenir le défaut de paiement
Les mesures de restructuration proactive de la dette sont essentielles pour prévenir les défauts de paiement et maintenir la solvabilité des débiteurs. La CRR3 insiste sur l’importance d’étendre ces mesures aux débiteurs “méritants”, c’est-à-dire ceux qui, malgré leurs difficultés, montrent un potentiel de reprise. En restructurant leurs dettes de manière proactive, les institutions peuvent éviter des défauts massifs qui aggraveraient les problèmes financiers systémiques. Cette approche préventive est essentielle pour assurer que les débiteurs puissent continuer à honorer leurs engagements dans un contexte post-pandémique.
2. la necessaire absence de lien automatique entre les Concessions importantes accordées aux Débiteurs et la Classification en Défaut
2.1. Conditions pour accorder des concessions
La CRR3 indique que les institutions ne doivent pas être découragées d’accorder des concessions significatives aux débiteurs. Ces concessions sont jugées appropriées lorsqu’elles augmentent la probabilité que les débiteurs puissent rembourser le reste de leurs dettes. Les concessions peuvent inclure la réduction des paiements d’intérêt, l’ajustement des calendriers de remboursement, ou même la réduction partielle du principal dû. L’objectif est de fournir une aide immédiate aux débiteurs en difficulté, afin de les aider à retrouver une trajectoire financière stable.
2.2. Impacts de la classification du défaut
La classification des contreparties comme étant en défaut peut avoir des effets dissuasifs pour les institutions financières. La CRR3 mentionne qu’une classification en défaut non justifiée pourrait dissuader les institutions de faire des concessions, même si celles-ci pourraient restaurer la capacité de paiement des débiteurs. Par conséquent, il est nécessaire de revoir et d’assouplir les critères de classification pour encourager les institutions à offrir de l’aide sans craindre des pénalités réglementaires injustifiées.
3. vers plus de Flexibilité dans la mise en œuvre des guidelines de l’EBA sur la definition du défaut nDod
3.1. Définition de défaut et flexibilité nécessaire
L’EBA est invitée à tenir compte de la nécessité d’une flexibilité adéquate dans la définition du défaut. La CRR3 précise que cette flexibilité est essentielle pour permettre aux institutions d’intervenir de manière significative sans être pénalisées pour avoir fait preuve de clémence. La flexibilité permet de prendre en compte des circonstances exceptionnelles, comme celles provoquées par la pandémie, et de répondre de manière proportionnée aux besoins des débiteurs.
3.2. une adaptation prochaine des guidelines de l’EBA sur la nouvelle définition du défaut NDoD
L’EBA est mandatée pour réviser ses guidelines afin de soutenir davantage les mesures de restructuration de la dette. La CRR3 stipule que d’ici le 10 juillet 2025, l’EBA devra publier des guidelines mises à jour pour encourager les institutions à s’engager dans des restructurations de dette significatives et préventives. Ces révisions doivent garantir que les mesures de restructuration ne soient pas considérées comme des signes de défaut, mais comme des interventions positives pour stabiliser la situation financière des débiteurs.
4. Gestion des Expositions Non-Performantes (NPE) ET BACKSTOP Prudentiel
4.1. Introduction du NPE Backstop Prudentiel pour renforcer le provisionnement des NPEs
Le “backstop prudentiel” a été introduit par le Règlement (UE) 2019/630 du Parlement européen et du Conseil. Cette mesure exige une couverture minimale des pertes pour les expositions non-performantes (NPEs). Le backstop prudentiel vise à :
- Empêcher la reconstitution de niveaux élevés de NPE, favorisant ainsi une gestion proactive des créances douteuses par les institutions.
- Éviter une accumulation excessive de NPEs dans les bilans des institutions financières, ce qui pourrait nuire à leur stabilité financière et à celle du système bancaire dans son ensemble.
- Garantir que les banques soient suffisamment provisionnées pour couvrir les pertes potentielles découlant de NPEs, réduisant ainsi le risque systémique.
- Renforcer la résilience des institutions financières face aux expositions non-performantes, tout en encourageant des pratiques de gestion proactive et en reconnaissant les spécificités de certaines expositions et institutions.
En gérant efficacement les NPE, les institutions peuvent libérer des ressources pour soutenir l’économie réelle. Le cadre réglementaire est conçu pour équilibrer la protection des banques et la nécessité de soutenir la reprise économique en période de crise, comme la pandémie de COVID-19.
4.2. Rôle du NPE backstop dans l’encouragement de lagestion proactive des NPEs
Le backstop prudentiel n’est pas seulement une mesure préventive, mais il vise également à encourager une gestion proactive des NPEs. En imposant des exigences de couverture stricte, les institutions financières sont incitées à prendre des mesures pour restructurer ou recouvrer les NPEs de manière plus efficace. Cela peut inclure la vente de ces actifs à des acteurs spécialisés ou la restructuration de la dette pour faciliter le remboursement.
Les exigences de couverture sont généralement échelonnées en fonction de la durée pendant laquelle le prêt est non performant. Plus un prêt est ancien, plus le niveau de provision requis augmente. Cela encourage les banques à résoudre les problèmes de crédit plus rapidement.
La CRR3 souligne l’importance de la gestion proactive pour améliorer l’efficacité des procédures de restructuration ou d’exécution des institutions, permettant ainsi de minimiser les pertes potentielles.
4.3. Des exemptions et conditions spéciales prévues pour les institutions spécialisées dans le marché des NPEs (restructurateurs)
Certaines institutions spécialisées dans l’achat, la gestion et la restructuration des NPEs peuvent être exclues de l’application du backstop prudentiel, à condition qu’elles respectent des conditions strictes. Ces institutions, appelées “restructurateurs de dettes spécialisés”, doivent remplir plusieurs critères :
- Leur activité principale doit être la gestion des NPEs.
- La valeur comptable de leurs prêts d’origine propre ne doit pas dépasser 15 % de leurs actifs totaux.
- Au moins 5 % de la valeur comptable de leurs prêts doivent concerner le refinancement ou l’ajustement des termes des NPEs achetés, constituant ainsi des mesures de tolérance.
- Leur actif total ne doit pas dépasser 20 milliards d’euros.
- Elles doivent maintenir un ratio de financement stable net d’au moins 130 %.
- Leurs dépôts à vue ne doivent pas dépasser 5 % de leurs passifs totaux.
La CRR3 souligne que ces exemptions permettent à des acteurs spécialisés de participer au marché des ventes/achats de NPE sans être pénalisés par des exigences de capital trop élevées.
4.4. Exigences de notification et surveillance des restructurateurs de dettes spécialisés vis-à-vis des critères d’exemption
La CRR3 précise également les obligations de notification et de surveillance pour les restructurateurs de dettes spécialisées. Ces institutions doivent informer sans délai l’autorité compétente si elles ne remplissent plus les critères d’exemption.
Les autorités compétentes, à leur tour, doivent notifier l’EBA au moins une fois par an sur l’application de cette exemption. L’EBA est chargée de tenir à jour une liste de ces restructurateurs spécialisés et de surveiller leur activité.
D’ici le 31 décembre 2028, l’EBA doit faire un rapport à la Commission européenne sur les résultats de cette surveillance et conseiller sur la pertinence des conditions requises pour le statut de “restructurateur de dettes spécialisé”. Cette surveillance garantit que ces institutions continuent de contribuer positivement à la gestion des NPEs tout en minimisant les risques associés.
4.5. Exemptions pour les NPEs garantis par des agences de crédit à l’exportation ou des garants publics
La CRR3 reconnaît que certaines expositions non-performantes nécessitent une approche différenciée. En particulier, les NPEs garantis par des agences de crédit à l’exportation ou des garants publics peuvent bénéficier d’un traitement spécial. Ces garanties fournissent une couche supplémentaire de sécurité, ce qui réduit le risque pour l’institution financière.
En effet, ces expositions ne sont pas soumises aux mêmes exigences rigoureuses de couverture minimale, reconnaissant ainsi le rôle des garanties d’agences de crédit à l’exportation comme un moyen de réduire le risque de non-remboursement. Cela reflète l’intention de promouvoir le commerce et l’exportation tout en gérant efficacement les risques associés aux NPEs.
Ainsi, la CRR3 prévoit des ajustements aux exigences de backstop prudentiel pour ces types de NPEs, afin de refléter la réduction de risque associée.
5. Transparence et publication des expositions
La transparence est essentielle pour évaluer la santé financière des institutions. La CRR3 indique que les petites institutions cotées et non complexes, ainsi que d’autres institutions, doivent publier des informations sur la qualité de leurs expositions performantes et non-performantes, ainsi qu’une analyse de l’âge des expositions en retard de paiement. Ces obligations de publication, alignées sur le plan d’action du Conseil de 2017, visent à renforcer la confiance dans le secteur bancaire en améliorant la transparence sur la qualité des actifs.
6. Références
7. Abbréviations et glossaire
- CRR : Règlement sur les exigences de fonds propres.
- EBA : Autorité bancaire européenne.