1. L’importance d’un bon encadrement des expositions grands risques
1.1. Définition d’un grand risque
Une exposition de la banque sur un client unique ou groupe de clients connectés entre eux est considérée comme un grand risque si elle représente plus de 10% des fonds propres de base de niveau 1 (Tier1).
En général, le cadre de suivi des grands risques agit comme un filet de sécurité, protégeant une banque des pertes importantes causées par la défaillance soudaine d’un client ou d’un groupe de clients connectés en raison de la survenance d’un événement imprévu qui pourrait mettre en danger la solvabilité de la banque.
1.2. La limite grands risques modifiée par la CRR2
La CRR2 a définit la limite grands risques comme étant le fait que l’exposition de la banque sur un client unique ou groupe de clients connectés entre eux, après prise en compte des techniques d’atténuation du risque éligibles, reste inférieure à 25% des fonds propres de base de niveau 1 (Tier1). Une limite plus stricte à15 % des fonds propres Tier 1 est introduite sur les expositions entre les institutions importantes (G-SII).
Si le client est une banque ou si le groupe de clients liés comprend une ou plusieurs banques, la limite est soit de 25 % des fonds propres Tier 1 de la banque, soit de 150 millions d’euros, selon la valeur la plus élevée. Les banques doivent se conformer à ces limites à tout moment.
1.3. Cadre général de suivi des grands risques
Les banques doivent disposer de procédures et de mécanismes de contrôle interne adéquats pour identifier, gérer, surveiller, signaler et enregistrer toutes les expositions grands risques et toute modification ultérieure de celles-ci.
Si, dans un cas exceptionnel, une banque ne respecte pas les limites fixées, la CRR2 exige que la valeur de l’exposition grands risques concernée soit signalée sans délai à l’autorité compétente, qui peut (lorsque les circonstances le justifient) accorder à la banque un délai limité pour rétablir la conformité avec la limite.
Lorsque, dans les cas exceptionnels, une autorité compétente autorise une banque à dépasser la limite, pour une période supérieure à 3 mois, la banque doit présenter un plan de retour rapide au respect de cette limite et doit exécuter ce plan dans le délai convenu avec l’autorité compétente. L’autorité compétente contrôle la mise en œuvre du plan et exige un retour au régime de conformité le plus rapide possible.
1.4. Le mandat de l’EBA
La CRR2 charge l’EBA de rédiger des guidelines, précisant les critères selon lesquels les autorités compétentes peuvent déterminer :
- Les cas exceptionnels pouvant justifier un dépassement grands risques.
- Le temps considéré approprié pour revenir à la conformité à la limite.
- Les mesures à prendre pour assurer le retour en temps voulu à la conformité à la limite de la banque.
Les manquements au respect dispositions sur les grands risques résultant exclusivement des expositions sur le portefeuille de trading de la banque, n’entrent pas dans le champ d’application de la guideline.
2. Les objectifs de la guideline
La guideline a été élaborée avec les objectifs suivants :
- Fournir des orientations aux autorités compétentes dans leur évaluation des infractions aux limites fixées pour les grands risques.
- Assurer une application prudente et harmonisée des exigences sur les grands risques tout en gardant l’approche simple.
- Garantir des règles du jeu équitables entre les institutions de l’Union.
Cette guideline fournit des orientations dans une perspective de continuité d’exploitation. Les situations pour lesquelles une banque est en train de se restructurer ou subit un scénario similaire provoqué par une crise sont par conséquent en dehors du champ d’application de cette guideline. Dans de telles situations, il faut des mesures qui vont bien au-delà du simple respect de la conformité avec le cadre des grands risques définit par la CRR2.
Publiée le 15 septembre 2021, la guideline entrera en vigueur à partir du 1er Janvier 2022.
3. Une guideline structurée en quatre axes principaux
3.1. Critères pour déterminer les cas exceptionnels justifiant des dépassement de limites grands risques
Lorsqu’une banque dépasse les limites des grands risques, l’autorité compétente doit enquêter sur les circonstances particulières qui ont conduit à la violation. Une telle évaluation doit toujours être au cas par cas selon une approche holistique.
Afin d’évaluer un manquement aux limites des grands risques, les aspects suivants doivent au moins être pris en compte :
- La violation doit être un événement rare :
- La guideline comprend des éléments quantitatifs non contraignants que les autorités compétentes pourraient prendre en considération lors de l’évaluation de cet aspect.
- Tout manquement au respect de la limite grands risques que la direction générale de la banque aurait pu prévoir et donc empêcher, ne doit pas être qualifié de cas exceptionnel.
- La banque n’était pas en mesure d’empêcher la violation de la limite grands risques car elle était au-delà son contrôle, c’est-à-dire que la raison de la violation échappe au contrôle de la banque.
Il peut y avoir des cas qui peuvent sembler exceptionnels mais qui finalement doivent être traités différemment compte tenu de toutes les informations dont disposent les autorités compétentes. Il s’agit par exemple d’une infraction récurrente nécessitant d’autres mesures de surveillance.
3.2. Informations à fournir à l’autorité compétente en cas de violation des limites grands risques
La guideline introduit un ensemble minimal d’informations que la banque en infraction doit au moins fournir, à savoir :
- Le nom du client concerné et, le cas échéant, le nom du groupe de clients liés concerné.
- La date de la survenance de la violation.
- L’ampleur du dépassement de limites par rapport aux fonds propres Tier 1.
- Une description des garanties disponibles, à la fois éligibles à la CRR2 et non éligibles, le cas échéant.
- Les raisons de la violation.
- Les actions correctives (prévues ou déjà effectuées).
- Le temps prévu nécessaire pour revenir à la conformité avec la limite grands risques.
Ces informations à inclure dans le rapport de la violation sont sans préjudice du droit des autorités compétentes de demander des informations complémentaires et des explications lorsque les informations fournies par la banque manquent de clarté ou de détails suffisants, ou si des informations supplémentaires sont nécessaires afin d’assurer un retour plus rapide à la conformité.
La solvabilité d’une contrepartie est une variable que les autorités compétentes doivent prendre en compte lorsqu’elles évaluent le moment précis auquel elles permettent à une banque de se mettre à nouveau en conformité à la limite une fois qu’un dépassement des limites des grands risques a eu lieu.
3.3. Critères pour déterminer le moment approprié pour revenir à la conformité avec la limite
Sur la base de l’évaluation effectuée, l’autorité compétente doit être en mesure de déterminer le moment jugé approprié pour le retour à la conformité. En particulier, l’autorité compétente doit décider si la violation doit être résolue dans les 3 mois, ou si elle doit accorder à la banque un délai supérieur à 3 mois pour revenir à la conformité. Dans ce dernier cas, les autorités compétentes ne doivent pas accorder plus d’un an pour revenir à la conformité. Cependant, des cas extraordinaires peuvent justifier l’octroi d’un délai plus long. Ces cas exceptionnels ne doivent cependant pas être la norme et être bien justifiés.
3.4. Mesures à prendre pour assurer le retour en temps utile a la conformité à la limite grands risques
Lorsqu’une autorité compétente conclut que l’institution doit remédier au manquement dans un délai de 3 mois et en a informé l’institution, celle-ci n’est pas tenue de présenter un plan formel pour un retour rapide à la conformité (plan de conformité). Cependant, l’institution doit toujours discuter et convenir avec l’autorité compétente d’un ensemble de mesures pour rétablir la conformité dans un délai inférieur à 3 mois.
Il incombe à l’institution de présenter un ensemble de mesures pour assurer le retour à temps à la conformité. L’autorité compétente doit déterminer si la banque sera en mesure de garantir que l’exposition spécifique en cause ne serait plus sur le point de franchir une nouvelle fois la limite dans un proche avenir.
Lorsque la banque se voit accorder un délai supérieur à 3 mois pour se remettre en conformité, elle doit fournir à l’autorité compétente un plan de retour à la conformité.
En règle générale, l’ensemble des mesures (le plan de conformité) doit inclure les éléments suivants :
- Des dispositions visant à réduire l’exposition.
- Des mesures pour augmenter les fonds propres de la banque.
- Des dispositions visant à renforcer la gestion interne des risques et les processus de contrôle.
- Des procédures pour assurer la mise en œuvre en temps voulu des mesures.
- Un calendrier détaillé de mise en œuvre des mesures envisagées.
Dans tous les cas, l’institution doit toujours s’efforcer d’identifier et de traiter tous les risques ou obstacles prévisibles avec efficacité et en temps opportun.
Les autorités compétentes doivent examiner si la banque doit recourir à d’autres stratégies, comme :
- Demander une garantie à la contrepartie ou à tout autre client appartenant au même groupe de clients connectés.
- Acquérir des instruments éligibles d’atténuation du risque de crédit.
- Vendre tout ou partie de l’exposition à une autre institution.
- Syndiquer des parties du prêt.
- Négocier avec l’emprunteur.
- Demander un remboursement anticipé.
- Résilier l’ensemble de la transaction.
En ce qui concerne les modalités d’augmentation des fonds propres de la banque, il convient d’analyser si cela pourrait être réalisé au moyen de l’émission de nouveaux éléments de capital ou de la non-distribution des dividendes et des bonus.
Afin d’assurer le retour effectif et rapide au respect des limites des grands risques, l’autorité compétente doit surveiller de près la mise en œuvre du plan de conformité ou, dans les cas de moins de 3 mois, les mesures mises en place par la banque avec une fréquence adaptée à la cause et l’ampleur du dépassement de limite, son impact potentiel sur l’institution et ses spécificités.
Chaque fois que nécessaire, l’autorité compétente doit pouvoir demander des informations complémentaires. Si les mesures ne progressent pas comme prévu initialement, une stratégie alternative doit être suivie.
Lorsque la violation s’inscrit dans le cadre de lacunes sur le dispositif de contrôle interne et des processus de gestion des risques inadéquats (par exemple d’un regroupement incorrect de clients liés), l’autorité compétente doit évaluer ces processus et exiger des mesures spécifiques pour les améliorer, ainsi qu’encourager les banques à effectuer un audit interne ou externe concernant son contrôle interne et le processus de gestion des risques.
De plus, les autorités compétentes pourraient effectuer des audits sur place ciblés.
4. Gouvernance autour des dépassements de limite grands risques
Lors de la définition et de la mise en œuvre des mesures visant à rétablir le respect de la limite grands risques, l’organe de direction d’une institution doit avoir la responsabilité ultime et globale du processus. Il doit définir, superviser et être responsable de la mise en œuvre des dispositions de gouvernance au sein de l’institution pour assurer sa gestion efficace et prudente.
Par ailleurs, le comité d’audit de la banque doit surveiller l’efficacité du contrôle interne de la banque, des systèmes de gestion des risques et sa fonction d’audit interne.
L’organe de direction d’une banque, dans sa fonction de surveillance, doit surveiller la mise en œuvre d’une politique de conformité bien documentée, qui doit être communiquée à tous les membres du personnel. Les banques doivent mettre en place un processus pour évaluer régulièrement les modifications apportées à la législation et à la réglementation applicable à ses activités.
La fonction de conformité doit conseiller la direction générale sur les mesures à prendre pour assurer le respect des lois, règles, règlements et normes et doit évaluer l’impact possible de tout changement dans la législation ou la réglementation sur les activités de la banque et le cadre de conformité.
5. Références
Abréviations et glossaire
EBA: European Banking Authority