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L’EBA propose une boite à outils pour approfondir la complexe méthodologie de détermination des GCC

Au cœur de la méthodologie d’identification des grands risques, la détermination des GCC représente un véritable défi opérationnel quotidien pour les banques. Les guidelines existantes ont donné des bonnes bases de travail en s’appuyant sur les notions de relation de contrôle ou de dépendance économique, ou encore d’interdépendance entre les relations de contrôle et de dépendance économique. Toutefois, au vu des difficultés résiduelles de l’exercice remontées par les banques et les autorités de supervision, l’EBA publie un RTS qui propose une boite à outils, une série de critères et d’indicateurs pour approfondir la méthodologie de détermination des GCC.

1.  Clarification de définition d’un GCC basée sur l’existence d’un risque unique entre plusieurs personnes physiques ou morales

Un GCC représente deux ou plusieurs personnes physiques ou morales qui sont si étroitement liées par des facteurs de risques idiosyncratiques, qu’il est prudent de les traiter comme un risque unique. Il y a risque idiosyncratique lorsque, en raison de circonstances particulières d’interrelations bilatérales, les problèmes financiers d’une personne physique ou morale sont transférés à une autre personne ou à des personnes qui, autrement, ne le feraient pas être concernée directement.

2.  S’inscrivant dans le cadre de la CRR, le RTS spécifie et harmonise les règles de détermination des GCC

Conformément aux exigences de la CRR, l’EBA est mandaté pour clarifier la définition d’un GCC. Une première version des guidelines s’applique déjà depuis le 1er janvier 2019 aux banques et aux autorités compétentes. Ces dernières développent les concepts de contrôle et de dépendance économique, qui sont l’épine dorsale de la définition d’un groupe de clients connectés. Les deux concepts restent inchangés dans la CRR2.

Ces nouveaux RTS abrogent et remplacent partiellement les guidelines précédents.

  • Les conditions de détermination de la relation de contrôle, de la relation de dépendances économiques et leur interaction demeurent presque inchangées.
  • Les exemples explicatifs, l’approche alternative pour les expositions aux administrations centrales et les attentes prudentielles en ce qui concerne les procédures de contrôle et de gestion pour identifier les personnes connectées clients restent inchangés.
  • Les RTS apportent des spécifications claires et harmonisées sur les critères permettant de former un groupe de clients liés. Il s’agit notamment de :
    • Fournir un cadre complet pour l’identification du groupe de clients connectés
    • Fournir des conseils sur la procédure à suivre lorsqu’il faut redoubler d’efforts pour identifier les groupes de clients connectés
    • Fournir des orientations sur la manière dont les établissements doivent identifier les GCC suivant les deux types d’interconnexions séparément ainsi que sur les cas où les deux conditions prévalent simultanément.
    • Clarifier de manière opérationnelle le concept d’interconnexion – c’est-à-dire lorsqu’une relation de contrôle et/ou de dépendance économique doit conduire au regroupement de clients parce qu’ils constituent un risque unique
    • Proposer des exemples pratiques pour la définition des GCC
    • Définir clairement les circonstances dans lesquelles les interconnexions au moyen d’une relation de contrôle et/ou de dépendance économique entraînent un risque unique
    • Prévoir des dispositions juridiques pour l’évaluation des situations dans lesquelles le contrôle et les dépendances économiques coexistent et donc un groupe global de clients liés doit être défini, par opposition à deux ou plusieurs groupes distincts de clients liés.
    • Préciser les situations exceptionnelles dans lesquelles l’établissement peut démontrer à son autorité compétente qu’il existe des circonstances qui réfutent l’existence d’un risque unique

3.  Identification d’un groupe de clients connectés

3.1.   Un GCC basé sur la relation de contrôle au sens comptable

L’appréciation d’une relation de contrôle n’est que la première étape de l’appréciation des liens entre personnes physiques et/ou morales. Celle-ci est effectuée avant évaluer toute dépendance économique potentielle et les liens possibles entre les relations de contrôle et de dépendance économique.

Lorsqu’il existe une relation de contrôle, la personne ou l’entité qui exerce le contrôle dispose de droits juridiquement exécutoires qui établissent une forte forme de dépendance financière de l’entité contrôlante à l’égard de la personne ou de l’entité contrôlée.

La définition du contrôle renvoie à la définition de la relation entre une entreprise mère et une filiale, étant donné que deux personnes morales qui sont des filiales de la même entité mère ne se contrôlent pas elles-mêmes. Toutefois, lorsque ces personnes morales font partie des mêmes états financiers consolidés – c’est-à-dire contrôlées par la même personne physique et/ou morale, le risque unique peut être identifié, même en l’absence d’expositions à l’égard de la personne physique ou morale qui contrôle le groupe.

Ainsi cette définition du contrôle est telle que définie dans la comptabilité ou par les normes comptables auxquelles un établissement peut être soumis.

En cas de problèmes financiers de l’entité contrôlante, on peut supposer qu’elle fera usage de ses droits pour extraire du capital et/ou des liquidités de l’entité contrôlée, de ce fait, affaiblissant la situation financière de ces derniers. Ainsi, les problèmes financiers peuvent être transférés à la personne ou à l’entité contrôlée, de sorte que la personne ou l’entité contrôlante et l’entité contrôlée éprouveraient des problèmes financiers (« effet domino »).

Du point de vue du risque prudentiel découlant des expositions aux clients, il convient donc d’attacher l’hypothèse forte d’un risque unique à une relation de contrôle entre différentes personnes physiques et/ou morales.

Toutefois, la CRR prévoit une exception qui permet à l’établissement de s’abstenir de constituer un groupe de clients liés lorsqu’il peut démontrer que, malgré l’existence d’une relation de contrôle, ces personnes physiques et/ou morales ne constituent pas un risque.

3.2.   La boîte a outils proposés par le RTS pour la détermination des GCC basés sur la relation de contrôle

Un GCC est identifié lorsqu’il peut être conclu qu’il existe un lien de contrôle entre les personnes physiques et/ou juridiques personnes (« groupe témoin »).

  • Pour les clients auxquels les règles comptables de l’UE ne s’appliquent pas, le RTS énumère les circonstances qui constituent une relation de contrôle et fournit en outre une liste non exhaustive d’indicateurs que les institutions doivent utiliser pour évaluer la relation de contrôle.
  • Dans les cas où aucun état financier consolidé ne doit être établi, le RTS fournit une liste non exhaustive des circonstances des critères de contrôle et des indicateurs de contrôle pour l’évaluation s’il existe une relation mère-filiale similaire entre les personnes physiques et/ou morales. La liste définie présente des circonstances qui constituent toujours une relation de contrôle entre les personnes physiques et /ou morales et des indicateurs qui doivent être pris en compte par les établissements dans le cadre de la leur évaluation, car l’une quelconque de ces circonstances pourrait constituer une relation de contrôle entre personnes physiques et/ou morales.
  • Le RTS traite également du cas des expositions intragroupe, c’est-à-dire lorsque la banque déclarante fait elle-même partie d’un groupe témoin (en d’autres termes : une institution détenue/contrôlée par une autre institution et qui fait partie d’un groupe bancaire qui détient des participations dans des entités financières et non financières). Dans ces cas, l’établissement examine l’existence d’un risque unique parce que les entités de son propre groupe font partie du même état financier consolidé.

3.3.   Un GCC basé sur la relation de dépendance économique

S’il est probable que les difficultés financières d’une personne physique ou morale se propagent à d’autres, ce qui aurait une incidence sur le remboursement intégral et en temps voulu des engagements, alors il existe un risque idiosyncratique qui doit être traité en considérant les personnes physiques et/ou morales à rattacher.

Une dépendance économique entre personnes physiques et/ou morales peut donc être mutuelle ou à sens unique.

La dépendance peut survenir dans le contexte d’interconnexions commerciales qui ne sont pas liées aux risques sectoriels ou géographiques, exposant les personnes physiques et/ou morales concernées au même facteur de risque idiosyncratique :

  • Maillons de la chaîne d’approvisionnement.
  • Dépendance à l’égard de gros clients ou d’expositions de contrepartie.
  • Dépendance financière.

Si ce risque idiosyncratique se matérialise, l’un ou les deux débiteurs sont susceptibles de rencontrer des difficultés de remboursement. Par conséquent, les interconnexions entre personnes physiques ou morales dues à des relations d’affaires bilatérales peuvent entraîner un risque de contagion indépendant des risques sectoriels ou géographiques. Le fait que l’existence de facteurs de risque idiosyncrasiques communs puisse entraîner un risque de contagion pour des personnes physiques et/ou morales non apparentées par ailleurs est au cœur de la notion de l’interconnexion. L’objectif de la définition de l’interconnexion économique est d’identifier les canaux de contagion découlant de dépendances économiques qu’une personne physique ou morale ne peut surmonter sans faire l’expérience difficultés de remboursement.

Toutefois, si une personne physique ou morale est actuellement économiquement dépendante d’une autre personne, s’il pourrait toujours être possible pour l’entité de facilement (c.-à-d. dans un en temps opportun sans augmentation excessive des coûts) trouver un remplaçant ou compenser toute perte (ou perte de profits) infligée par la personne en difficulté financière sans générer des difficultés de remboursement, la banque déclarante pourrait ne pas considérer ces personnes comme un risque unique.

  • La dépendance économique peut survenir lorsque les problèmes de financement d’une personne physique ou morale sont susceptibles de se propager à une autre en raison de la même source de financement principale. Cela n’inclut pas les cas où des personnes physiques et/ ou morales obtiennent un financement du même marché (par exemple, le marché du papier commercial) ou lorsqu’une source commune de financement est due uniquement à la situation géographique.
  • Dans de nombreux cas, les petites et moyennes entreprises n’auront pas la capacité ou l’incitation commerciale d’avoir des relations financières avec des institutions autres que leur banque locale et, en outre, pour la plupart d’entre elles, la relation personnelle avec leur conseiller bancaire est la clé de meilleurs services financiers. Ce fait ne justifie pas en soi de considérer ces personnes physiques et/ou morales comme interconnectées, même si elles ont une source commune de financement (potentiellement même le la banque déclarante elle-même).
  • Ces dépendances de financement peuvent normalement être remplacées. Dans le même ordre d’idées, les personnes physiques et/ou morales qui dépendent de leur source de financement existante en raison de leur faible solvabilité ne représentent pas des risques uniques.

3.4.   La boite À outils proposée par le RTS pour la détermination des GCC basés sur la relation de dépendance économique

Les établissements doivent :

  • Tenir compte de la liste non exhaustive des situations fournies dans le RTS dans l’évaluation des connexions entre entités bancaires parallèles (shadow banking).
  • Tenir dûment compte du fait que les relations entre personnes morales relevant de la définition des entités du shadow banking ne consisteront très probablement pas en capitaux propres. Mais plutôt d’un type de relation différent – c’est-à-dire des situations de contrôle de fait ou des relations caractérisées par des obligations contractuelles, un soutien implicite ou un risque pour la réputation (par exemple, le parrainage ou même l’image de marque)
  • Envisager les cas où la source commune de financement est fournie par l’établissement lui-même, son groupe financier ou ses parties liées et ne peut être remplacé en temps opportun sans augmentation excessive des coûts.
  • Évaluer tout risque de contagion qui pourrait découler des situations suivantes :
    • Recours à une seule entité de financement (p. ex. la même entité ou la même entité qui ne peut : être facilement remplacé) ;
    • L’utilisation de structures similaires (par exemple, lorsque l’entité dispose de certains mécanismes de soutien de la liquidité fournis par un sponsor et est autorisée à y recourir lorsqu’elle connaît des difficultés financières) ;
    • La dépendance à l’égard d’engagements provenant d’une source (p. ex. garanties ou autres financements potentiels) ;
    • Le soutien au crédit dans le cadre de transactions structurées ou de facilités de trésorerie non engagées, y compris l’assistance financière directe, indirecte ou réciproque), compte tenu de sa solvabilité, en particulier lorsqu’il y a des échéances des asymétries entre l’échéance des actifs sous-jacents et la fréquence des besoins de refinancement.
  • Tenir compte de toutes l’information disponible pour savoir si leurs clients partagent une source de financement commune externe.
  • Renforcer leur enquête sur les dépendances économiques de leurs clients dans tous les cas où la somme de toutes les expositions à un client individuel dépasse 5% du capital de catégorie 1.
  • Effectuer une recherche approfondie sur tout type d’ « information non contraignante » (p. ex. d’autres renseignements publics ou privés disponibles) qui existe habituellement au niveau des conseillers bancaires les gestionnaires des relations, même si ces renseignements vont au-delà des clients des institutions.

3.5.    Interrelation entre la relation de contrôle et la dépendance économique

Les concepts de contrôle et de dépendance économique reposent sur deux types différents d’interconnexion qui doivent être évalués séparément. Toutefois, il existe des situations dans lesquelles ces deux types de dépendances sont corrélées et pourraient donc coexister au sein d’un même GCC de telle sorte que toutes les personnes physiques et/ou morales concernées constituent un risque unique. Cela se produit lorsqu’un GCC est établi pour la première fois sur la base d’une relation de contrôle, et prolongé successivement par une autre personne physique et/ou morale ou un deuxième GCC en raison d’une forme quelconque de dépendance économique.

Il est notamment rappelé qu’une relation de contrôle établit une forme très forte de dépendance entre les entités (le contrôle en tant que dépendance juridique). Ainsi, il s’agit également d’une manifestation de dépendance économique et non d’une alternative distincte.

 

3.6.   La boîte a outils proposés par le RTS pour la détermination des GCC basés sur les corrélations entre relation de contrôle et dépendance économique

Le RTS précise l’exigence de regroupement lorsqu’un risque unique entre deux ou plusieurs personnes physiques et/ou morales conduirait à une chaîne de contagion (« effet domino »). Les banques doivent examiner chaque cas séparément, c’est-à-dire déterminer l’ « effet domino » possible en fonction des circonstances individuelles.

  • La chaîne de contagion conduisant à la défaillance éventuelle de certaines ou de toutes les entités concernées est le facteur pertinent pour le groupement et doit être évaluée au cas par cas.
  • La contagion en aval doit être présumée lorsqu’une entité est économiquement dépendante d’un autre client et est elle-même à la tête d’un « groupe de contrôle » – c’est-à-dire un GCC formé en raison de l’existence d’une relation de contrôle.
  • Si l’autre client fait partie d’un GCC, le groupe de contrôle de l’entité économiquement dépendante doit alors être inclus dans le GCC avec lequel la relation de dépendance économique existe. Ceci s’explique par le fait que pour surmonter ses propres difficultés de paiement en suspens, l’entité économiquement dépendante retirera très probablement des ressources des entités contrôlées, ce qui entraînera des retraits de ressources et étendra le risque de contagion en aval
  • La contagion en amont des entités qui contrôlent l’entité économiquement dépendante ne doit être présumée que lorsque l’entité qui exerce le contrôle est également économiquement dépendante de l’entité économiquement dépendante, qui constitue le lien économique entre les deux groupes contrôlants

4.  Conclusion

Le RTS est suffisamment clair pour permettre leur mise en œuvre. Les changements prévus sont d’une complexité modérée. Toutefois, cela reste toujours assez difficile en pratique de déterminer des GCC sur la base de la relation de dépendance économique car cette dernière est un domaine plus complexe, qui dépend souvent de l’avis d’experts et entrave ainsi l’utilisation de procédures automatisées. D’autres difficultés opérationnelles portent notamment sur la détermination du GCC lorsque la banque déclarante appartient elle-même à un GCC et pour les cas où, l’établissement déclarant n’a pas d’exposition sur la tête d’un GCC, mais a des expositions sur deux ou plusieurs de ses filiales.

5.  Références

EBA/RTS/2022/12

Abbreviations

EBA : European banking Authority

GCC : Group Connected Clients (groupes de clients liés)

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