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L’ESMA publie sa feuille de route de la finance durable avec un accent net sur la lutte contre le greenwashing

L’ESMA a défini son plan d’action sur la finance durable 2022-2024 en cohérence avec sa stratégie associée. Trois grands axes seront privilégiés. Il s’agit premièrement de la lutte contre le greenwashing, puis de l’accroissement des compétences des collaborateurs des ACN et de l’ESMA grâce au plan de formation ESG, un meilleur partage d’expérience et la mise en place de normes communes. Enfin, des efforts seront mis sur le renforcement du dispositif de mesure, d’analyse et de suivi du marché et des risques ESG par les ACN et l’ESMA.

1.  Objectif de la feuille de route pour la finance durable

L’intention sous-jacente à l’élaboration d’une feuille de route pour la finance durable est double :

  • Veiller à ce que l’ESMA puisse prendre des mesures opportunes et coordonnées pour remplir son mandat en matière de développement durable grâce à la définition de priorités claires. Celles -ci orienteront ses travaux à la fois au niveau sectoriel et de manière transversale entre les différents secteurs.
  • Disposer d’un outil permettant de dresser régulièrement le bilan des progrès de l’ESMA vers la réalisation des priorités définies et, au besoin, la réévaluation ou l’ajustement des actions de mise en œuvre envisagées ou les priorités elles-mêmes. Cette revue se fera également à la lumière des futurs développements au niveau européen ou international.

Cette feuille de route s’établit en cohérence la stratégie de l’ESMA en matière de finance durable. En effet, en février 2020, l’ESMA a établi sa stratégie en matière de finance durable qui peut se résumer comme suit :

  • Intégrer la durabilité dans l’élaboration du corpus réglementaire unique.
  • Élaborer des approches communes pour intégrer les aspects ESG dans les pratiques de surveillance des ACN.
  • Suivre de l’évolution du marché et identification des risques liés à la finance durable.
  • Améliorer la transparence sur le rôle des facteurs ESG dans le processus de notation de crédit.

2.  Une feuille de route structurée en plusieurs axes prioritaires

La feuille de route pour la finance durable est structurée comme suit :

  • Une partie expliquant les deux principaux éléments constitutifs de la finance durable, notamment l’identification des axes prioritaires et des secteurs les plus impactés. Cette partie aborde ensuite les priorités individuelles et le raisonnement sous-jacent leur identification en termes de défis rencontrés par les ACN et/ou l’ESMA et les catégories d’actions de suivi envisagées au titre de chaque priorité.
  • Une partie d’annexes qui fournit la liste détaillée des actions que l’ESMA doit entreprendre au niveau transversal et niveau sectoriel avec indication du calendrier des actions et des priorités à laquelle chaque action fait référence.

 

3.  L’ESMA définit Trois grands domaines d’action au cours de la période 2022-2024

3.1.    Lutter contre le Greenwashing et promouvoir la transparence

3.1.1.    Définition, enjeux et manifestation du greenwashing

Le terme greenwashing peut être défini de plusieurs façons, mais il se réfère intuitivement aux pratiques du marché, intentionnelles et non intentionnelles, par lesquelles le profil de durabilité divulgué d’un émetteur et les caractéristiques et/ou les objectifs d’un instrument financier ou d’un produit financier par l’action ou omission ne reflètent pas correctement les risques et les impacts sous-jacents en matière de durabilité associés à cet émetteur, instrument financier ou produit financier.

Le greenwashing donne généralement lieu à un préjudice potentiel pour les investisseurs qui souhaitent allouer des ressources à des investissements durables. Le Greenwashing pourrait, par conséquent, être généralement identifié comme une fausse déclaration, un étiquetage erroné ou une vente erronée et/ou une mauvaise tarification.

Toutefois, ces situations présentées précédemment peuvent ne représenter que les symptômes ultimes, puisque les causes du greenwashing peuvent être liées à de multiples aspects du fonctionnement de la chaîne de valeur de l’investissement, affectant parfois plusieurs nœuds amont de cette chaîne bien avant qu’un certain produit financier ne soit commercialisé. C’est le cas, par exemple, des informations fournies par les émetteurs qui présentent faussement le profil réel de durabilité d’une entité cotée ou la piètre qualité des données dont dispose une entité cotée.

Les difficultés de mise en œuvre des textes réglementaires actuels peuvent créer des opportunités de greenwashing :

  • Dans la gestion d’actifs, la compréhension inégale du type de produits qui sont soumis aux articles 8 et 9 du SFDR peut amener les gestionnaires de fonds à divulguer des informations incohérentes dans le cadre de ces articles et conduit effectivement au greenwashing dans certains cas.
  • Le manque d’information sur les limites liées à la méthodologie ou les données utilisées dans les informations ESG peuvent contribuer au risque accru de greenwashing.
  • On peut noter un décalage entre l’accent mis sur les caractéristiques ESG dans la présentation d’un produit d’investissement et de la stratégie qui est réellement implémentée. Par exemple, la documentation marketing peut mettre l’accent sur les politiques d’exclusion qui n’aboutissent pas en soi à la sélection d’un investissement éligible pleinement durable ou une stratégie d’intégration ESG est présentée mais aucun engagement n’est réellement pris.

3.1.2.    Le mandat des AES et des ACN en matière de lutte contre le greenwashing

Il est donc essentiel d’adopter une approche globale dans l’étude du greenwashing pour aborder ses effets potentiellement préjudiciables sur la protection des investisseurs.

Ce mandat demandera aux AES de travailler chacun dans les principaux domaines suivants :

  • Définition du rôle des ACN.
  • Identification des pratiques de greenwashing sur le marché.
  • Efficacité de la surveillance de l’UE dans la lutte contre le greenwashing.

L’ESMA et les ACN définiront des solutions communes selon les axes suivants :

  • Une définition du phénomène de greenwashing qui peut aider à conduire le travail de surveillance de manière coordonnée et efficace entre les secteurs et entre les autorités de l’UE sur la base de règles claires dans un corpus réglementaire complet.
  • Des discussions sur les cas prudentiels de pratiques de marché afin d’obtenir une compréhension de ce qui peut être considéré comme du greenwashing.
  • Une application cohérente du corpus réglementaire de l’UE grâce à des outils de convergence sous forme de FAQ et de guidelines
  • Une meilleure compréhension du rôle des ACN vis-à-vis du greenwashing
  • Une détermination de la manière dont le mandat des ACN peut varier d’un État membre de l’Union à cet égard, afin d’éviter les incohérences ou les lacunes potentielles de la règlementation à la CE pour envisager de prendre des mesures réglementaires.

3.2.   Renforcer des compétences des équipes de supervision des ACN et de l’ESMA via la formation, le partage d’expérience et l’harmonisation des méthodologies

Les ACN doivent bien maîtriser non seulement la réglementation sur la finance durable, mais aussi avoir une bonne compréhension de l’intersection entre les enjeux de durabilité et les enjeux financiers. Cet ensemble de compétences complexes doit être renforcé dans la plupart des ACN.

Pour ce faire, il faudra des initiatives de formation tant au niveau national qu’européen ainsi que le partage d’expériences en matière de surveillance entre les ACN. Par ailleurs, l’adoption de normes communes en matière de surveillance contribuera à l’établissement d’une culture commune de surveillance dans le domaine de la finance durable dans l’ensemble de l’UE.

Les actions de l’ESMA visant à renforcer les capacités des ACN sont :

  • Faciliter l’échange de connaissances et d’informations sur les facteurs ESG entre les ACN par l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de formation en finance durable pour le personnel des ACN et de l’ESMA.
  • Organiser régulièrement des discussions sur les affaires de surveillance et d’application de la réglementation sur la finance durable dans le cadre des comités permanents et des réseaux pertinents de l’ESMA, ainsi que des discussions avec des groupes de travail consultatifs sur des sujets liés à la finance durable.
  • Veiller à ce que les ACN puissent échanger des expériences sur la surveillance et les cas d’application de la réglementation sur la finance durable, les défis auxquels elles sont confrontées et les solutions ou initiatives adoptées pour y remédier.
  • Élaborer des normes de surveillance communes sur les principales questions liées aux critères ESG, dans le manuel de surveillance commune par exemple.

3.3.   Suivre, évaluer et analyser les marchés et les risques ESG

L’ESMA renforcera sa surveillance des évolutions des marchés du carbone de l’UE notamment en tirant parti des capacités d’analyse des données qui existent déjà dans d’autres domaines de la réglementation sur les marchés des capitaux.

Il sera essentiel de s’engager dans des activités telles que l’analyse de scénarios pour les fonds d’investissement, la réalisation des tests de résistance et l’établissement de méthodologies communes pour l’analyse des risques liés au climat en coopération avec notamment les autres autorités de surveillance, la BCE et l’Agence européenne pour l’environnement.

Ainsi, la feuille de route de la finance durable principalement concerne les secteurs suivants :

  • Gestion d’actifs.
  • Services d’investissement.
  • Publication et la gouvernance des émetteurs.
  • Benchmarks.
  • Ratings (rating crédit et rating ESG).
  • Trading et post-trading.
  • Innovation financière.

La surveillance et l’évaluation des risques sont toutefois entravées par de graves problèmes liés à la disponibilité et la qualité des données. Les problèmes de disponibilité des données découlent du nombre actuellement limité d’entreprises publiant des informations ESG, ainsi que la granularité insuffisante des publications.

  • Les problèmes de disponibilité et de qualité des données sont apparus dans l’ensemble des secteurs suivants :
    • Les gestionnaires d’actifs et les autres investisseurs ont besoin de données ESG fiables et comparables pour se conformer aux exigences réglementaires, soutenir leurs investissements durables et permettre la transition vers l’investissement dans des économies plus vertes.
    • Dans le cas des publications d’entreprises, les problèmes de données sont liés, entre autres, à l’absence de la normalisation et de leur faible fiabilité, car les entreprises ont tendance à produire des rapports de manière sélective selon les différents dispositifs (« cherry-picking ») et d’utiliser différentes approches et avec une transparence limitée sur les méthodologies et les sources de données.
    • Pour les benchmarks, les problèmes de données sont principalement liés au manque de données qui nuit aux publications faites par les administrateurs de référence.
    • De nombreuses ACN ont une connaissance et une expérience limitées en matière d’innovation et les technologies financières vertes.
    • Un certain travail spécifique est nécessaire pour adapter les concepts et les approches de l’évaluation des risques climatiques pour des domaines tels que les contreparties centrales.

4.  Références

esma30-379-1051_sustainable_finance_roadmap.pdf (europa.eu)

5.  Abréviations et glossaire

AES: Autorité Européenne de Surveillance

ACN : Autorités Compétentes Nationales

ESMA: European Securities and Markets Authority

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