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Les nombreuses limites du stress test pilote de l’ACPR sur le risque climatique conduisent à nuancer les résultats encourageants obtenus

Note : l’essentiel du texte est issu du rapport de l’ACPR mentionné en référence. Cet article vise à mettre en exergue quelques extraits de ce rapport afin de pouvoir mieux appréhender l’essentiel de l’étude.

1.  L’analyse des risques financiers dus au changement climatique

De juillet 2020 à avril 2021, l’ACPR a conduit un exercice de stress test pilote sur l’impact du changement climatique (risques physiques et de transition) sur les risques financiers du secteur financier. L’exercice a mobilisé les acteurs des groupes bancaires et d’assurance.

L’horizon  sur lequel les risques sont évalués est de  30 ans et plusieurs scénarios ont été implémentés sur différents secteurs économiques dans une vision dynamique des bilans des institutions financières.  Ces travaux s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de la lutte contre le dérèglement climatique et la promotion de la transition énergétique et la croissance verte, en ligne avec l’Accord de Paris en 2015.

Cet exercice d’évaluation des risques financiers induits par le changement climatique sera reconduit régulièrement. Le prochain exercice de l’ACPR devrait se tenir en 2023/2024.

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2.  Analyse de l’impact du risque de transition énergétique

 

2.1.    Trois Scénarios de stress tests de transition énergétique

Les scénarios de transition intègrent un scénario de référence, correspondant à une transition ordonnée, et deux scénarios de transition désordonnée.

Le scénario de référence choisi par l’ACPR est le scénario le plus favorable bien qu’il s’appuie  déjà sur une progression importante du prix du  carbone, entrainant des changements importants de l’économie.

Le premier scénario adverse de transition désordonnée est celui d’une transition tardive. Il suppose que l’objectif de réduction des émissions  de  gaz  à  effet  de  serre  n’est  pas atteint  en  2030,  ce  qui  exige  la  mise  en  place  de mesures plus volontaristes. Il suppose que les technologies de séquestration du carbone sont moins efficaces que  prévu  pour  compenser  les  émissions.  Il repose sur une hypothèse de très forte hausse du  prix  du  carbone  en  2030  pour  maintenir l’objectif de neutralité carbone en 2050. Celui-ci passe  en  effet  de  14$  par  tonne  de  CO2  au niveau mondial en 2030 à 704$ en 2050. Cette augmentation se traduit par une série de chocs hétérogènes sur les secteurs d’activité  et entraîne une très forte hausse des prix réels de l’énergie (+125 %) sur cette période en France.

Le second scénario adverse de transition désordonnée est celui d’une transition accélérée. Il associe une forte hausse du prix du carbone, qui atteint 917$ par tonne de CO2 en 2050, et une évolution moins favorable de la productivité que celle retenue dans le scénario de référence à partir de 2025. Les technologies de production d’énergies renouvelables sont en outre  moins  performantes  que  prévu,  ce  qui implique des prix de l’énergie plus élevés et des besoins additionnels d’investissements.

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2.2.   Résultats des stress tests de transition énergétique

2.2.1.    Bilan dynamique

L’hypothèse de  bilan dynamique, permet  aux  établissements  de  prendre  des  décisions  de  gestion  en  réponse aux différents scénarios analysés et de réallouer  leur  portefeuille  entreprises  entre  les  différents  secteurs  d’activité à  partir  de  2025. Cette hypothèse  permet  d’analyser  les  stratégies  de  long  terme  déployées  par  les établissements.

Le  secteur  « électricité  et gaz »  qui  bénéficie  de  la  transition  dans  les scénarios,  voit  sa  part  dans  les  expositions totales augmenter fortement, alors que dans le même temps, le secteur des industries extractives,  qui  lui  est  négativement  impacté, voit sa part diminuer dans les expositions entreprises des banques.

Deux grands types de stratégies apparaissent :

  • Celles de  certains  établissements  qui font  le  choix  de  financer  l’économie dans  son  ensemble  et  qui,  pour  cela, alignent la structure de leur portefeuille de crédits sur la structure sectorielle de l’économie.  On ne peut cependant totalement exclure que ce choix reflète une stratégie passive d’adaptation. Il est également possible que ce choix résulte de la difficulté pour certains établissements de se  prononcer sur des actions de gestion stratégique à un horizon aussi éloigné.
  • Celles des banques qui ont conduit une analyse secteur par secteur, afin de choisir sur base plus fine, les réallocations à effectuer. Ce choix peut être conditionné par :
    • L’existence d’engagements publics ou d’une politique sectorielle déjà arrêtée.
    • La volonté d’accompagner des secteurs clefs dans la transition énergétique.
    • La pression de la société civile pour réduire certaines expositions sectorielles.
    • Une divergence d’analyse sur la dynamique sectorielle à l’horizon 2050 avec les scénarios fournis par l’ACPR.

2.2.2.    Risque de crédit

L’analyse porte sur des projections relatives au risque de crédit dans les  différents scénarios de transition. L’indicateur retenu est le cout du risque de crédit annuel.

Les analyses  tendent  à  confirmer qu’une transition désordonnée (et même,  une transition  ordonnée),  impacte  significativement le risque de crédit des établissements bancaires.  L’ampleur  de  cet  impact  apparaît néanmoins  inférieure  à celle observée  dans le cadre  des  exercices  de  stress-tests  biannuels de  l’EBA.  La raison est liée au fait qu’aucun des scénarios de transition  envisagé  ne  s’accompagne  d’une baisse du PIB, contrairement au cadre usuel de stress-tests réglementaires.

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Les secteurs sensibles à la transition énergétique sont représentés par les secteurs :

  • Culture et production animale, chasse et services annexes.
  • Industries extractives.
  • Cokéfaction et raffinage.
  • Industrie chimique.
  • Fabrication d’autres produits minéraux non métalliques.
  • Métallurgie.
  • Collecte et traitement des eaux usées, collecte, traitement et
  • Élimination des déchets, dépollution et autres services de gestion
    des déchets.

Les secteurs d’intérêts relativement à la transition énergétique sont représentés par les secteurs :

  • Industries alimentaires, fabrication de boissons, fabrication de
    produits à base de tabac.
  • Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique.
  • Fabrication de produits métalliques, à l’exception des machines et
    des équipements.
  • Industrie automobile.
  • Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné.
  • Construction.
  • Commerce et réparation d’automobiles et de motocycles.
  • Commerce de gros, à l’exception des automobiles et des motocycles.
  • Commerce de détail, à l’exception des automobiles et des motocycles.
  • Transports terrestres et transport par conduites.
  • Transports aériens.
  • Hébergement et restauration.
  • Activités de services administratifs et de soutien.

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2.2.3.    Risque de marché

Le risque de marché constitue la seconde catégorie  de  risques  faisant  l’objet  de projections de pertes de la part des établissements bancaires. Celui-ci est décomposé  en  deux  sous-catégories :

  • La réévaluation du portefeuille de trading, à la suite d’un choc instantané de marché induit par la valorisation des actifs sur la base des scénarios de transition anticipés.
  • L’impact de ces chocs de marché sur le risque de contrepartie dans les secteurs les plus sensibles.

Au total, l’impact instantané des scénarios de transition sur les 6 principaux établissements bancaires atteint 160 millions d’euros en cas de transition accélérée et 69,6 millions en cas de transition retardée.  Les  pertes  enregistrées  sont  donc relativement modestes par rapport à un stress-test  standard  tel  que  ceux  habituellement  mis en œuvre par l’EBA. Au  final,  c’est essentiellement  sur  la  partie  souveraine,  en raison  des  scénarios  de  taux  très  adverses  et de  l’application  des  benchmarks, que porte l’impact total (-198,8 millions d’euros dans le scénario de transition accélérée).

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2.3.   Synthèse analyse du risque de transition énergétique

Au final,  l’exercice  pilote  révèle  donc  une exposition globalement « modérée » des banques et des assurances françaises au risque de transition climatique.  Cette conclusion doit être cependant relativisée à l’aune des incertitudes portant à la fois sur la vitesse et l’impact du changement climatique. Elle est également contingente aux hypothèses, aux scénarios analysés et aux difficultés méthodologiques soulevées par l’exercice. En outre, si cette analyse intègre bien les interactions sectorielles  et  le  risque  d’une dévaluation  importante,  voire  massive,  du  prix de certains actifs, elle ne tient pas compte des risques  de  contagion,  de  rupture  des  chaines d’approvisionnement  ou  d’amplification observés  généralement  lors  des  épisodes  de tensions ou de crises financières. Ces estimations constituent donc un minorant des risques financiers.  Enfin,  dans  l’interprétation  de  ces résultats,  il  convient  de  garder  en  tête  que  les scénarios  analysés  n’induisent pas de récession  économique  à  l’horizon  2050, contrairement à la pratique usuelle des stress-tests de l’EBA,  mais,  pour  les  scénarios  adverses,  une moindre  croissance  de  l’activité

3.  Analyse du risque physique

3.1.   Analyse du secteur assurance

Le  risque  physique  étudié  dans  cet  exercice repose sur les hypothèses suivantes :

  • L’augmentation de la fréquence et du coût des évènements climatiques extrêmes en raison du réchauffement climatique.
  • La propagation de maladies / pandémies vectorielles et de pathologies respiratoires induites par l’augmentation des épisodes caniculaires et de leur durée et transitant notamment par un accroissement de la pollution de l’air. Ces événements sont de nature à avoir des conséquences sur les biens et les personnes. Les activités d’assurance sont ainsi impactées en premier lieu par ces changements et seuls les assureurs ont eu à appliquer ces scénarios sur leurs engagements non-vie.

Le scénario suppose une hausse des températures comprise entre 1,4°C et 2,6°C en 2050.  Il s’agit du scénario le plus pessimiste retenu par le GIEC.

3.2.   Analyse du secteur bancaire (risque indirect)

Outre le risque opérationnel généré par le risque physique, les banques ont été sensibilisées à deux sources de risques potentielles supplémentaires.

3.2.1.    Portefeuilles garantis par un bien immobilier (ménage et entreprise)

L’impact  d’une  plus  grande  probabilité d’occurrence  d’évènements  climatiques extrêmes (submersion marine, inondation et sécheresse – pouvant impacter la valeur des biens immobiliers avec par exemple le gonflement  des  sols  argileux)  sur  le  risque de crédit, se matérialisant par la dépréciation du  prix  du  bien  garanti  dans  les  zones  à risques  et  donc  un  accroissement  éventuel de  la  perte  en  cas  de  défaut  (LGD).  À  cet effet, s’ajoute pour les ménages une hausse éventuelle de la probabilité de défaut (et de LGD) en cas de diminution de la protection assurancielle des ménages emprunteurs.

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3.2.2.    Portefeuille entreprises (secteurs vulnérables)

Outre les canaux de transmission décrits ci-dessus, les établissements  étaient  invités  à  prendre  en  compte  l’impact  sur  l’activité  de  ces évènements  (interruption d’activités, pertes de  récoltes,  désorganisation  de  la  chaîne d’approvisionnement etc.) qui pourraient conduire à une baisse du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée pour les contreparties à risques,  ce  qui  pourrait  se  traduire  par  une hausse de la probabilité de défaut.

4.  Synthèse générale

4.1.   Des résultats du pilote globalement encourageants

L’exercice pilote révèle une exposition globalement « modérée » des banques et des assurances françaises  aux  risques  liés  au  changement  climatique.

Sur la base  des  structures  actuelles  de bilan,  il  apparaît  néanmoins  que  des  efforts  importants  sont  à  fournir  en  vue  de  contribuer  à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050 et à contenir ainsi la dynamique des températures d’ici la fin du siècle.

L’exposition des institutions françaises aux secteurs les plus impactés par le risque de transition, tels qu’identifiés dans cet  exercice (industries  extractives, cokéfaction  et raffinage, pétrole, agriculture, etc.), est relativement faible.

Même si la France est relativement épargnée dans les scénarios du GIEC, l’exercice pilote  montre  que  les  vulnérabilités  associées  au  risque  physique  sont  loin  d’être négligeables.  Ainsi,  sur  la  base  des  éléments  remis  par  les  assureurs,  le  coût  des sinistres pourrait être multiplié par 5 à 6 dans certains départements français entre 2020 et  2050.

4.2.   Les limites de l’exercice conduisant à nuancer les résultats obtenus

Cette  conclusion de l’étude  doit  être  cependant relativisée à l’aune des incertitudes portant à la fois sur la vitesse et l’impact du changement climatique.  Elle  est  également  contingente  aux  hypothèses,  aux  scénarios  analysés  et  aux difficultés  méthodologiques  soulevées  par  l’exercice.

En effet, cet  exercice  fait  apparaître  un  certain  nombre  de  limites  méthodologiques  sur lesquelles il est nécessaire de progresser. Les principaux points d’amélioration identifiés par l’ACPR portent sur :

  • Les hypothèses retenues pour la confection des scénarios et l’identification des secteurs sensibles.
  • La difficulté de prise en compte du « risque physique », notamment pour le portefeuille « entreprises ».
  • L’amélioration des modèles utilisés par les établissements bancaires ou les organismes d’assurance et des sources de données.

4.3.   La feuille de route des institutions financières

Les  institutions  bancaires  et  les  assureurs  doivent donc approfondir dès aujourd’hui leurs  actions  en  faveur  de  la  lutte  contre  le  changement  climatique,  en  intégrant  les risques induits par ce dernier dans leur processus d’évaluation des risques financiers, car ce sont ces actions qui contribueront aux évolutions observables à moyen et long terme. Cette meilleure prise en compte du risque de changement climatique est en effet nécessaire pour favoriser une meilleure allocation des ressources et assurer le financement de la transition.

5.  Références

https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20210602_as_exercice_pilote.pdf

Abréviations et gLossaire

EBA: European Banking Authority

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