1. Le rôle des plans de rétablissement
La BRRD établit des plans de rétablissement en tant qu’éléments importants du cadre européen de rétablissement et de résolution. Ils sont essentiels pour assurer une bonne préparation aux crises.
La BRRD impose aux banques et aux entreprises d’investissement de renforcer leur capacité à rétablir la viabilité financière et économique lorsqu’elles sont dans des situations de stress. Grace aux plans de rétablissement, les banques se préparent à l’avance à faire face à un large éventail de crises qui pourraient survenir.
Cette préparation aux crises passe par la définition des actions correctives qu’elles pourraient effectivement mener en situation de stress pour rétablir leur viabilité financière et commerciale.
Le principal objectif des plans de rétablissement est d’identifier à un stade précoce une situation de stress ou de crise afin :
- D’éviter tout retard dans la mise en œuvre des mesures de rétablissement.
- De permettre aux banques d’entreprendre des mesures opportunes et efficaces pour y remédier.
2. Le rôle des indicateurs des plans de rétablissement
Un plan de rétablissement doit inclure un cadre d’indicateurs établis par chaque banque dans le but d’identifier les seuils au-delà desquels le processus d’escalade doit être activé et les actions correctives appropriées du plan de rétablissement prises.
Les indicateurs de rétablissement sont un élément clé des plans de rétablissement et leur objectif principal est d’aider les banques afin qu’elles puissent renforcer leur capacité à surveiller et à répondre à l’émergence et à l’évolution d’un stress.
Afin que ce mécanisme de signalisation puisse fonctionner, il doit être réglé correctement. En cas de dispositif d’indicateurs d’alerte insuffisant, l’efficacité des options de rétablissement de la banque pourrait être compromise par leur mise en œuvre au mauvais moment.
L’EBA avait publié en 2015 une guideline pour préciser la liste minimale d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs aux fins de la planification du rétablissement. Ces indicateurs ont établi une norme européenne commune pour l’élaboration du cadre d’indicateurs de rétablissement, tout en laissant une certaine flexibilité limitée permettant de s’adapter aux spécificités des banques.
Chaque banque doit inclure à la fois des éléments qualitatifs et quantitatifs dans le dispositif d’indicateurs les plus pertinents pour l’élaboration de son plan de rétablissement.
3. Objectif de la guideline
La présente guideline énonce les exigences auxquelles les banques doivent satisfaire lorsqu’elles élaborent le cadre des indicateurs du plan de rétablissement et précise la liste minimale des catégories d’indicateurs qui doivent être incluses dans tous les plans de rétablissement. Ces catégories incluent des indicateurs de capital, de liquidité, de rentabilité et de qualité des actifs ainsi que deux autres catégories d’indicateurs de marché et macroéconomiques, sauf si la banque apporte des explications aux autorités compétentes justifiant que ces catégories complémentaires ne sont pas pertinentes pour sa structure juridique, son profil de risque, sa taille et/ou complexité.
Les banques ne doivent pas limiter leur ensemble d’indicateurs à la liste minimale. Pour cette raison, la guideline comprend une liste d’exemples d’indicateurs complémentaires de plan de rétablissement ventilés par catégories dont les banques pourraient s’inspirer pour compléter leur dispositif.
L’expérience pratique considérable dans l’élaboration et l’évaluation des plans de rétablissement acquise depuis 2015 devait être intégrée dans la nouvelle guideline.
De plus, en 2020, l’EBA a mené une enquête auprès des autorités compétentes sur la performance des indicateurs de rétablissement dans le contexte du Covid-19 et des crises idiosyncratiques précédentes. Dans ce contexte, l’EBA a conclu :
- Que des modifications limitées des guidelines existantes sont nécessaires.
- Qu’il est nécessaire d’introduire des orientations supplémentaires sur certaines parties du cadre des indicateurs de rétablissement, notamment le calibrage, la mise à jour des indicateurs et leur suivi en cas de dépassements de seuils.
Cette approche a l’avantage de maintenir la stabilité globale du cadre des indicateurs de rétablissement tout en se concentrant sur les domaines dans lesquels l’expérience pratique a montré un besoin de clarification et d’orientation supplémentaires.
La plupart des dispositions de la guideline existante restent inchangée, à l’exception du remplacement ou de l’ajout de quelques métriques à la liste minimale des indicateurs de rétablissement.
Les orientations supplémentaires sont fournies aux banques sur les principes généraux à suivre pour fixer les seuils des indicateurs du plan de rétablissement, en se concentrant également sur le traitement des indicateurs de rétablissement en cas de crise notamment en cas d’application des mesures d’allègement de la surveillance.
Sur ce dernier point, la guideline révisée précise que, dans le cas de crise systémique, il ne doit pas y avoir de recalibrage automatique des indicateurs du plan de rétablissement en raison de mesures d’allègement de la surveillance, sauf dans des cas dûment justifiés et convenus avec l’autorité compétente.
4. Les modifications apportées au dispositif existant
4.1. Introduction des indicateurs MREL et TLAC
Le MREL est l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles fixée pour les banques conformément à la BRRD. Le TLAC est la capacité totale d’absorption des pertes pour les banques de tailles systémiques mondiales. Le MREL et le TLAC sont des exigences réglementaires importantes et fondamentales pour assurer la résolvabilité des banques.
Depuis la publication de la guideline précédente en 2015, les exigences de MREL intermédiaire et cible ont été fixées pour toutes les banques auxquelles elles s’appliquent. Les banques des G-SII doivent de leur côté se conformer aux objectifs TLAC.
Toutes ces nouvelles mesures devaient être intégrées dans le plan préventif de rétablissement.
4.2. Introduction de l’indicateur portant sur le stock d’actifs disponibles non greves éligibles au refinancement banque centrale
La crise financière a mis en évidence l’utilité du stock d’actifs non grevés comme indicateur de liquidité. Cet indicateur joue un rôle important dans l’évaluation de la capacité de la banque à obtenir un financement en conditions de stress en utilisant des garanties éligibles et disponibles pour accéder aux facilités standard de la banque centrale.
4.3. Introduction de l’indicateur sur la position de liquidité
Les banques peuvent avoir d’autres sources de liquidité disponibles au-delà du stock HQLA. Il s’agit par exemple, d’autres actifs négociables, des lignes engagées qui ne sont certes pas éligibles pour le refinancement auprès de la banque centrale mais qui sont disponibles pour soutenir les situations de stress. Le suivi de la position de liquidité et donc de la capacité de rééquilibrage offre une vision globale de toute situation de détérioration potentielle du profil de liquidité de la banque au-delà de la simple analyse des actifs HQLA ou non grevés.
4.4. Suppression de l’indicateur relatif au cout du financement sur le marché de gros
L’expérience pratique a montré certaines limites avec cet indicateur dans la liste obligatoire des indicateurs minimaux de rétablissement. Il n’était souvent pas applicable aux banques qui n’ont pas accès au financement de gros en raison de la taille de la banque, la liquidité de marché, par exemple ou qui ont un profil de financement diversifié.
Cependant, considérant que cet indicateur peut être pertinent pour montrer des tensions dans le profil de financement dans certains cas, il a été ajouté à la liste non exhaustive d’indicateurs supplémentaires à prendre en considération à la discrétion de la banque.
5. Nouvelles orientations sur le calibrage des seuils des indicateurs du plan de rétablissement
5.1. Calibrage des indicateurs de recouvrement
Les plans de rétablissement doivent expliquer comment les indicateurs du plan de rétablissement ont été calibrés et démontrer que les seuils ont été fixés à un niveau laissant suffisamment de temps pour agir efficacement en situation de crise. Le principe fondamental du calibrage des indicateurs de rétablissement est que les seuils doivent être déterminés de manière suffisamment conservatrice pour alerter en temps opportun la banque du stress potentiel et permettre la mise en œuvre efficace des options de rétablissement.
L’expérience pratique a révélé que bien souvent les indicateurs de rétablissement étaient déclenchés trop tard et/ou n’incluaient pas suffisamment d’éléments prospectifs. Cela pourrait représenter un obstacle à l’utilisation de plans de rétablissement. En effet, un calendrier inapproprié pourrait avoir une incidence sur la crédibilité des options de rétablissement ou réduire sensiblement leurs bénéfices.
La guideline établit un ensemble d’exigences qualitatives générales (capacité de rétablissement globale, complexité des options de rétablissement, stade de la crise, rythme de détérioration, gestion du cadre de l’appétit aux risques) que les banques doivent prendre en compte lors de du calibrage des seuils des indicateurs.
Cette guideline permet de guider les banques dans le calibrage approprié des seuils des indicateurs de rétablissement, tout en reconnaissant la nécessité d’adapter le calibrage au profil commercial et financier spécifique de chaque banque. Ces nouvelles exigences doivent être alignées sur la gestion globale des risques de la banque afin d’atteindre les objectifs du cadre d’indicateurs du plan de rétablissement, et, par conséquent, entraîner l’activation en temps opportun des plans de rétablissement si nécessaire.
5.2. Les modalités de mise à jour des seuils de calibrage des indicateurs en situation de crise
Une clarification supplémentaire des circonstances qui permettraient une mise à jour du calibrage des seuils des indicateurs de rétablissement est nécessaire. En particulier, il s’agit de déterminer si des mesures d’allègement temporaires des exigences réglementaires en période de crise systémique doivent se refléter automatiquement ou non dans le calibrage des seuils des indicateurs réglementaires de rétablissement correspondants compte tenu de leur lien implicite avec les exigences réglementaires.
Le plan de rétablissement, et donc également ses indicateurs, doivent être mis à jour au moins une fois par an ou plus fréquemment en raison d’un changement dans la situation commerciale ou financière de la banque. La guideline révisée précise donc que l’octroi d’une dispense temporaire de certaines exigences prudentielles en cas de crise systémique, comme la pandémie de Covid-19, ne doivent pas entraîner le recalibrage automatique des indicateurs réglementaires sauf dans des cas dûment justifiés. Le cas échéant, l’approbation de l’autorité compétente est requise.
En ce qui concerne le calibrage des indicateurs de fonds propres réglementaires et de liquidité, l’expérience a montré que très souvent, les banques fixent leurs seuils de rétablissement trop près des exigences réglementaires, ce qui réduit la fonction d’alerte précoce des indicateurs.
La guideline précise désormais que les seuils doivent être généralement établis suffisamment au-dessus des exigences réglementaires, tout en permettant une flexibilité pour s’en écarter dans des cas justifiés. Un tel calibrage permettrait aux indicateurs d’effectuer leur fonction d’alerte suffisamment tôt, notamment en permettant une action indépendante de la direction de la banque avant une éventuelle intervention prudentielle et une détérioration de la confiance du marché, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur l’efficacité des options de rétablissement.
6. Nouvelles orientations sur la gestion des cas de dépassements de seuils d’indicateurs et de leur suivi
6.1. Actions et notifications en cas de dépassement de seuil d’un indicateur de rétablissement
La guideline révisée insiste sur l’importance de la notification en temps opportun des cas de dépassements de seuils des indicateurs de rétablissement et d’un suivi fréquent des indicateurs en situation de crise tant pour la banque et que pour l’autorité compétente.
Afin de tenir compte du fait que, parfois, les manquements aux indicateurs de rétablissement peuvent ne pas représenter une réelle dégradation de la situation de la banque, le principe de non-automaticité est intégré dans le cadre des indicateurs de rétablissement. Par conséquent, la violation de l’indicateur de rétablissement ne fait pas entrer une banque dans la phase de rétablissement par pur automatisme.
Le déclenchement d’un indicateur fonctionne comme une alarme incitant la banque à considérer sa situation en termes de risques et de déterminer s’il y a lieu de prendre une action corrective.
Afin que les dépassements des seuils d’indicateurs puissent jouer efficacement leur potentiel d’avertissement, ils doivent :
- Activer rapidement un processus d’escalade interne à la banque pour s’assurer que leur violation est prise en compte.
- Être rapidement communiqués au superviseur afin qu’un dialogue constructif puisse commencer.
Le timing étant crucial dans les situations de crise, les banques doivent s’assurer que les deux processus ci-dessus se déroulent rapidement, c’est-à-dire que le processus d’escalade soit terminé dans un délai d’un jour ouvrable après le dépassement d’un seuil d’indicateur de rétablissement, et la notification à l’autorité compétente soit faite au plus tard dans un jour ouvrable supplémentaire suivant cette escalade interne.
Suite à la notification, la banque doit maintenir un dialogue actif avec l’autorité compétente l’autorité en leur fournissant la justification des décisions prises en relation avec les dépassements de seuils relevés. Il est important que la banque comprenne que les dépassements de seuils sont simplement les signaux d’un problème potentiel qui pourrait devoir être résolu. Que les banques décident de prendre des mesures correctives préventives ou non, l’autorité compétente devrait recevoir une justification claire et motivée du choix de la banque.
6.2. Suivi des indicateurs de rétablissement en cas de dépassements de seuils
Alors que la décision finale sur l’activation potentielle du plan appartient à la banque, le rôle de l’autorité compétente dans cette phase ne consiste pas seulement à contrôler que le processus est suivi correctement. Il s’agira surtout pour l’autorité de supervision de contribuer par un dialogue constructif avec la banque à la gestion la plus efficace de la crise potentielle.
L’état et l’évolution des indicateurs de rétablissement et les actions potentielles entreprises par la banque sont des informations clés pour l’autorité compétente dans son évaluation de la capacité de la banque à se rétablir de manière indépendante. Par conséquent, de manière encore plus cruciale en période de crise, la banque et l’autorité compétente doivent accorder une attention particulière au suivi du cadre des indicateurs de rétablissement pour s’assurer qu’il est correctement réglé et qu’il réagit en temps opportun à la situation.
En cas de crise, les autorités compétentes ont le pouvoir discrétionnaire de demander aux banques de soumettre régulièrement (par exemple mensuellement) leur ensemble complet d’indicateurs. Cette exigence ne devrait pas représenter une charge de travail supplémentaire pour les banques étant donné que cette liste serait déjà disponible et vérifiée en interne par les banques utilisant leurs plans de rétablissement comme outil de gouvernance interne.
7. Références
Abréviations et gLossaire
EBA: European Banking Authority
HQLA: High Quality Liquid Assets