Face au constat sans appel sur la dimension systémique et urgente des risques climatiques, le FSB propose un cadre mondial de supervision de ces derniers. Ceci passe par une série de recommandations à destination des autorités de supervision telles que le renforcement de la gouvernance associée au risque climatique, du cadre de stress tests internes et de supervision, de la collecte et du traitement des données ESG et du reporting prudentiel relatif au risque climatique.
1. Le constat du FSB sur le risque ESG : une dimension systémique et un facteur d’aggravation des autres risques
Les risques liés au climat, y compris les risques physiques, de transition et de responsabilité ont une dimension systémique car ils peuvent être transmis par effet domino à l’ensemble du système financier mondial par divers canaux de transmission.
La prise en compte des risques climatiques devient donc incontournable dans un contexte où le monde fait face à deux défis très importants :
- L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes et liés au climat.
- Le débat intense sur les politiques énergétiques dans de nombreux pays.
Les autorités de supervision sont donc confrontées au défi de faire avancer ces travaux urgents, en dépit des difficultés liées à la disponibilité des données et des méthodologies permettant d’évaluer ce risque.
2. La nécessité d’un cadre mondial harmonisé de supervision du risque ESG
Il apparaît nécessaire de mettre en place une approche mondiale harmonisée plus cohérente afin de :
- D’encadrer des risques liés au climat.
- D’atténuer des vulnérabilités financières.
- Réduire le risque de fragmentation préjudiciable des marchés.
- D’aider les autorités de surveillance et de régulation à élaborer leurs approches en matière de supervision des risques climatiques.
- Proposer des outils ou approches macroprudentiels en complément des instruments microprudentiels.
3. Une série de recommandations FSB pour faire face a l’urgence des risques financiers liés au climat
Après une phase de consultation, le FSB a publié en octobre 2022, un rapport consistant en une série de recommandations pouvant servir de guidelines pour les autorités de supervision dans l’encadrement des risques climatiques.
Le FSB a déterminé une liste d’actions à mener en 2024 :
- Procéder à un examen par les pairs des pratiques de surveillance et de régulation en comparaison avec les recommandations émises dans ce rapport.
- Procéder à un examen plus approfondi de l’état de développement d’outils macroprudentiels.
Le FSB a déterminé une liste d’actions à mener en 2025 :
- Procéder à un examen afin de déterminer s’il convient de faire une mise à jour des recommandations du rapport.
4. Un cadre de collecte des données et de reporting relatif aux risques climatiques impactant les institutions financières
4.1. La problématique de la MAUVAISE qualité des données climatiques, véritable défi pour les banques
La qualité des données climatiques représente un véritable défi auquel sont confrontées les institutions financières. Ces dernières sont soit manquantes, soit insuffisamment cohérentes, comparables, fiables et granulaires.
Les données à collecter comprennent :
- Des données sur les secteurs ou les activités économiques sensibles, vulnérables ou exposés à des risques physiques, des risques de transition et de responsabilité.
- L’exposition des institutions financières à ces secteurs ou à ces activités économiques.
- L’emplacement géographique des expositions des institutions financières les plus exposées au risque physique.
- La publication des paramètres liés au carbone par les institutions financières et leurs contreparties, notamment : Émissions de gaz à effet de serre (GES) de scope 1, 2 et 3.
Alors que les autorités continuent d’évaluer leurs besoins en matière d’information et s’orientent vers des exigences normalisées en matière de rapports réglementaires, les principales considérations politiques sont les suivantes :
- Le retour sur investissement lié à la collecte des données plus granulaires et spécifiques liées au climat.
- Le renforcement des capacités, y compris l’amélioration des compétences du personnel et l’élaboration d’outils analytiques.
- Les capacités des systèmes d’information.
- La prise en compte de la proportionnalité, compte tenu de la nature, de la taille et du profil de risque d’une institution financière.
4.2. Les recommandations du FSB en matière de qualité des données climatiques et reporting
4.2.1. Accélérer la collecte des données climatiques
Les autorités de surveillance et de régulation doivent :
- Accélérer l’identification des besoins d’information pour faire face aux problèmes liés aux risques climatiques.
- Travailler à l’identification, à la définition et à la collecte de données liées au climat.
- Mettre en place des métriques permettant d’éclairer l’évaluation et la surveillance des risques climatiques.
4.2.2. Renforcer la gouvernance autour des données ESG
Les autorités de surveillance et de régulation doivent :
- Analyser la gouvernance, les processus et des contrôles des institutions financières relatifs aux données liées au climat qui font l’objet de reporting.
- Analyser les examens effectués par l’audit interne des institutions financières sur la fiabilité des données.
- Définir clairement les attentes prudentielles en matière de données climatiques.
- Tenir compte de la nécessité d’une vérification par une tierce partie pour lutter contre le greenwashing et renforcer la fiabilité des données liées au climat, par exemple sur les indicateurs clés émergents sur lesquels les autorités et les acteurs des marchés financiers s’appuient largement.
4.2.3. Harmoniser les définitions des termes relatifs au risque climatique
Les autorités de surveillance et de régulation doivent utiliser des définitions communes pour :
- Les risques physiques, y compris les risques aigus et chroniques.
- Le risque de transition, y compris les progrès technologiques, les comportements ou les changements sociaux, les changements de politique.
- Le risque de responsabilité, qu’il soit distinct ou en tant que sous-ensemble du risque de transition.
4.2.4. Exiger des reportings prudentiels sur le risque climatique
Les autorités de surveillance et de régulation doivent :
- Demander aux institutions financières de faire rapport aux autorités de surveillance sur les informations qualitatives complétées par des informations quantitatives de plus en plus disponibles (y compris, lorsque l’information complète n’est pas disponible, l’utilisation d’estimations).
- Demander des rapports réglementaires normalisés et réguliers à mesure que la disponibilité et la qualité des données et des méthodes de mesure s’améliorent, d’une manière proportionnée à la nature, à la taille et au profil de risque de l’institution financière.
4.2.5. Mettre en place une coopération mondiale sur la construction du cadre commun d’information réglementaire
Les autorités de surveillance et de régulation doivent travailler à l’élaboration
- De rapports réglementaires communs.
- Des ensembles de données communs dans le cadre des travaux futurs.
5. Proposition d’outils de supervision des risques climatiques
5.1. La nécessité de s’appuyer autant que possible sur le cadre prudentiel existant
Une analyse des risques climatiques s’appuie sur des éléments des cadres prudentiels existants :
- L’examen prudentiel et les processus d’évaluation.
- L’utilisation d’outils d’analyse des risques tels que l’analyse de scénarios et les simulations de crise.
- Des mesures prudentielles visant à remédier aux défaillances de la gestion des risques liés au climat.
- Les outils et politiques macroprudentiels pour faire face aux risques systémiques.
5.2. Les recommandations du FSB en matière de cadre de supervision des risques climatiques
5.2.1. Mener une surveillance macro prudentielle et microprudentielle
Les autorités de surveillance et de régulation doivent :
- Mettre en place des mesures de supervision microprudentielles au niveau de l’entreprise des risques climatiques.
- Prendre en compte de l’impact potentiel généralisé des risques liés au climat dans l’ensemble du système financier.
5.2.2. Mettre en place un cadre de stress tests climatiques internes et de supervision
Les autorités de surveillance et de régulation doivent :
- Accroître l’utilisation de l’analyse des scénarios climatiques et des stress tests en tant qu’outil à des fins macroprudentielles.
- Inclure dans la conception des scénarios, les caractéristiques suivantes pour avoir une vue d’ensemble du système :
- Les risques physiques et de transition des secteurs financiers clés (banques, assureurs, les gestionnaires et les fonds de pension).
- Les Interdépendances entre risques physiques, risques de transition risques géographiques et sectoriels.
- Une meilleure compréhension des impacts sur les risques financiers.
- Les aspects systémiques des risques liés au climat, tels que les risques indirects.
- Les expositions, les transferts de risques, les retombées et les boucles de rétroaction.
- Adopter les fonctionnalités qui peuvent le mieux éclairer une vue d’ensemble du système à travers une approche top down et bottom up. Cette dernière permet de
- Saisir les aspects intersectoriels à l’échelle du système des risques liés au climat.
- Envisager l’hypothèse d’un bilan dynamique qui pourrait aider à saisir les effets de second tour et les boucles de rétroaction potentielles, tout en reconnaissant les défis inhérents aux hypothèses pour les actions futures des institutions financières sur un horizon temporel plus long.
- Inclure dans les scénarios l’éventail des risques financiers au-delà du crédit et de marché, dans la mesure où ils présentent des risques importants, tels que la liquidité et l’assurance (souscription) et tenir compte des interconnexions des risques.
- Élaborer des scénarios climatiques en s’appuyant sur les travaux à jour du NGFS, afin d’harmoniser les données et les méthodologies utilisées dans ces analyses.
5.2.3. Mettre en place une coopération mondiale sur la construction du cadre commun de supervision des risques climatiques
Les autorités de surveillance et de régulation doivent :
- Travailler à l’élaboration d’un cadre commun permettant de définir une vision systémique des risques liés au climat.
- Inclure une analyse conjointe de scénarios de stress tests climatique à l’échelle du système financier mondial.
- Engager un dialogue actif sur la coordination entre le pays d’origine et l’hôte dans le cadre de la coordination et la coopération transfrontalières, par des moyens tels que les collèges d’autorités de surveillance spécifiques à chaque établissement, compte tenu de la nature mondiale des risques liés au climat.
- S’appuyer sur les organismes de normalisation et les organismes internationaux fournissant une plateforme importante de coopération et de coordination sur les risques inter juridictionnels découlant des risques financiers liés au climat.
6. Conclusion
Les recommandations du FSB sont en grande cohérence avec les textes déjà publiés par l’EBA et la BCE. Leur force repose sur la dimension internationale de leur portée dans un contexte de manque d’harmonisation des approches de supervision du risque ESG au niveau mondial. Le FSB met le doigt sur un des plus grands défis que représente la gestion du risque ESG à savoir l’extrême complexité de la gestion des données associées et propose une feuille de route en conséquence. Cela reste néanmoins un problème pour lequel les réponses apportées sont encore très partielles.
7. Références
Supervisory and Regulatory Approaches to Climate-related Risks FSB