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CRD V/CRR2 : les grands enjeux autour des évolutions du règlement prudentiel bancaire européen

1. Le cadre prudentiel bancaire européen est en train d’évoluer vers l’adoption du package CRD V/CRR2.
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Le cadre de supervision prudentiel actuel, CRD IV/CRR, transposition des accords de Bâle III de 2013, a permis, après la crise de 2007-2008, d’améliorer la stabilité du système financier mondial en permettant de mieux anticiper certaines crises potentielles. Toutefois, il ne répond pas à certaines problématiques déjà identifiées en sortie de crise. Cette nouvelle réforme vise à accentuer toutes les mesures de réduction des risques, qui permettront à terme de renforcer la résilience du système bancaire européen et la confiance des marchés financiers vis-à-vis de ce dernier.
Le 25 mai 2018, le conseil de l’EU est parvenu à un accord sur un texte d’envergure en remplacement du règlement 575/2013 (CRR) et de la directive 2013/36/UE (CRD IV). Cet accord, est obtenu après de multiples négociations au niveau du conseil des ministres des Finances européennes (ECOFIN) depuis novembre 2016. Il constitue, de fait, un élément important dans la constitution d’un cadre de supervision bancaire unifié au niveau européen, distinct du dispositif américain. Il doit encore néanmoins être adopté par le parlement européen afin d’entrer en vigueur.

2. Cette réforme a un périmètre d’application très étendu…

Ce nouveau texte porte plusieurs thèmes d’enjeux importants dont le principe de proportionnalité, le ratio de levier, les niveaux de fonds propres exigibles pour les cas de résolution, les revues des méthodes de traitement du risque de contrepartie, de marché, les réglementations autour des grands risques, le ratio de liquidité long terme NSFR.

2.1. Le principe de proportionnalité est défini comme clé de voute de l’approche de supervision (référence)(référence)
Le principe de proportionnalité vise à s’assurer que le nouveau règlement ne crée pas des contraintes trop lourdes en matière de conformité réglementaire pour les établissements financiers moins complexes et de tailles plus modestes.
Les critères de proportionnalité portent sur la taille du total bilan (inférieur à 5 milliards d’euros, le seuil pouvant être abaissé par le superviseur), la taille limitée du portefeuille de trading, l’exposition (à l’actif et au passif) aux contreparties situées principalement en EU ainsi que l’absence d’utilisation de modèle interne dans le calcul de l’exigence en capital par la banque concernée.
Plusieurs traitements d’exception sont prévus à ce titre. L’utilisation de chacune de ces dérogations reste toutefois soumise à l’approbation du superviseur. Il est notamment question de :

• La mise en place d’approches simplifiées pour le calcul de l’exigence en fonds propres au titre du risque de marché, du risque de contrepartie et pour le calcul de la CVA ;
• La réduction de l’exigence de reporting réglementaire et de publication ;
• Une plus grande flexibilité au niveau processus de surveillance prudentielle dans le cadre du pilier 2 ;
• Des exemptions sur certaines règles de rémunération (différé, paiements en instruments).

2.2. Le niveau minimal ratio de levier est adopté mais ses modalités de calcul restent modulables selon la taille des établissements (référence)
En ligne avec les recommandations du comité de Bâle, le ratio de levier, défini comme le rapport entre les fonds propres de base (T1) par l’exposition totale de la banque, est calibré à 3% au niveau européen. Ce ratio d’endettement est considéré comme une limite crédible contre l’utilisation d’un effet de levier excessif. Il se veut suffisamment contraignant pour empêcher les banques d’augmenter excessivement leur niveau d’endettement.
Des adaptations seront toutefois envisagées pour les institutions financières spécialisées dans les prêts publics, les crédits d’exportation, et les banques publiques de développement afin que l’impact du ratio de levier à 3% soit modéré. Par exemple, les banques publiques de développement peuvent exclure du calcul de l’exposition totale (dénominateur du ratio de levier), les expositions relatives à des créances sur les gouvernements régionaux, les autorités locales ou les entités du secteur public. De même, afin de ne pas freiner la dynamique actuelle de passage par les chambres de compensation, les marges initiales sur les opérations de dérivés centralisées seront exclues du calcul du ratio de levier.
Par ailleurs, la notion de coussin de sécurité sur le ratio de levier pour les institutions financières d’importance systémique définie dans les accords de Bâle III, est reprise au niveau européen. Ainsi, pour les banques d’importance systémique, le ratio de levier pourrait être augmenté de 50% du niveau coussin de sécurité sur le ratio de levier. Par exemple, si un EBIS a un coussin pour risque systémique de fonds propres égal à 2%, alors le coussin de sécurité sur le ratio de levier sera fixé à 1%. Son ratio de levier minimum sera alors égal à 4% au lieu de 3%. Le parlement européen se réserve, de surcroit, la possibilité d’étendre de manière adaptée ce coussin de sécurité sur le ratio de levier aux institutions financières de taille plus modeste.

2.3. Les modalités de convergence entre les nouveaux ratios TLAC et MREL sont définies (référence) (référence)
Proposé par le FSB en novembre 2015, la TLAC est un ratio permettant de s’assurer que les banques d’importance systémique internationales possèdent un niveau de fonds propres suffisant qui permette d’absorber les pertes et faciliter la mise en résolution sans recourir aux fonds publics pour des besoins de recapitalisation (bail out).
Le MREL poursuit le même objectif au niveau européen sauf qu’il inclut toutes les banques européennes, quelle que soit leur taille. L’enjeu de la réforme est donc de s’assurer que l’implémentation de ces deux ratios reste cohérente et n’entraine pas de double comptage. Une attention particulière sera donc portée à la constitution du CET 1, AT1 et T2 dont les compositions devront être validées par le superviseur. Dans ce travail de convergence entre la TLAC et MREL, les EBIS et les non EBIS seront traités différemment. Pour la TLAC et le MREL pour les EBIS, le niveau minimum harmonisé doit devenir une exigence du pilier 1 à partir de janvier 2019. Les EBIS devront maintenir une TLAC correspondant à 16% des RWA et 6% du ratio de levier de Bâle III. Ces ratios atteindront respectivement 18% et 6,75% à partir de 2022. Pour les non-EBIS, le niveau du MREL, plus adaptable, relève du pilier 2 et est fixé au cas par cas.

2.4. Une nouvelle méthode (SA-CCR) devient l’unique référence pour la mesure du risque de contrepartie avec toutefois des dispositions simplifiées pour les institutions avec une activité modeste sur le marché des dérivés (référence)
Les trois méthodes actuelles de mesure de risque de contrepartie à savoir méthode standard (SM), méthode de l’exposition courante (MtM) et méthode de l’exposition initiale ont montré de nombreuses limites pendant la crise. Elles ne prenaient pas suffisamment en compte les garanties incluses dans les expositions, les calibrations étaient mal adaptées et ne prenaient pas suffisamment compte la grande volatilité pendant la crise. La méthode SA-CCR, en remplacement des trois méthodes précédentes est donc conçue pour mieux refléter le risque auquel sont soumises les institutions opérant sur le marché des dérivés.
La méthode SA-CCR est aussi plus complexe dans sa mise en œuvre. Ainsi, dans la logique du principe de proportionnalité, une approche SA-CCR simplifiée pourra être envisagée pour les établissements qui utilisent la méthode de l’exposition courante. Si, néanmoins, cette approche SA-CCR simplifiée s’avérait toujours complexe, la méthode de l’exposition initiale pourra être conservée après approbation du superviseur.

2.5. Le cadre de gestion et de mesure du risque de marché sera profondément modifié par la FRTB avec in fine un impact en capital très significatif  (référence) (référence)
L’un des objectifs principaux de la FRTB est de réduire l’arbitrage réglementaire conduisant à des exigences en capital au titre du risque de marché très inférieures à celles au titre du risque de crédit, et de clarifier la frontière entre le trading book et le banking book.
La FRTB passe aussi par une refonte complète des méthodes de calcul de l’exigence en capital au titre du risque de marché, à savoir la méthode standard et la méthode modèle interne (utilisation de l’Expected Shortfall en replacement de la VaR et SVaR) avec un calendrier modifié qui va désormais jusqu’en 2022, avec un début du reporting à partir de 2020.
La consultation de mars 2018 donne des résultats très mitigés. Le QIS révèle que l’exigence en capital au titre de risque de marché s’avère très supérieure aux hypothèses approuvées par les membres permanents du comité de Bâle en janvier 2016. Par ailleurs, les associations bancaires remontent le fait que l’approche standard surestimerait le risque de marché effectif et que l’augmentation des exigences en capital rendrait, dans la majorité des cas, l’utilisation des modèles internes non pertinente.

2.6. Les exigences associées aux grands risques pour les EBIS sont renforcées (référence) (référence)
Des réglementations ont été mises en place dans le domaine des grands risques pour garantir qu’une banque confrontée au défaut soudain d’une de ses contreparties ne puisse pas dépasser un certain niveau de pertes qui risquerait de compromettre sa solvabilité. L’objectif est d’améliorer la capacité des institutions financières d’absorber des pertes importantes et de réduire le risque systémique. Pour les établissements financiers d’importance systémique internationale, la limite grands risques des expositions aux autres EBIS sera abaissée à 15% des fonds propres de base éligibles au lieu de 25% pour éviter le risque systémique.

2.7. Les modalités d’entrée en vigueur du NSFR sont clarifiées (référence) (référence)
Le comité de Bâle définit le NSFR comme le montant du financement stable disponible rapporté à celui du financement stable exigé. Ce ratio devrait, en permanence, être au moins égal à 100%. La définition du NSFR retenue au niveau de l’UE se veut la plus roche possible de la définition du comité de Bâle. Elle traduit une exigence de financement stable et contraignante, qui doit être respectée à tout moment dans le but de prévenir les asymétries d’échéances entre les actifs et les passifs et la dépendance excessive vis-à-vis du financement court terme.
Toutefois, afin que la mise en œuvre du NSFR ne freine pas le financement de l’économie au niveau européen, des ajustements marginaux, préconisés par EBA dans son rapport du 15 décembre 2015, seront effectués dans le calcul du NSFR européen. Il s’agit notamment du traitement spécifique des prêts résidentiels garantis, des caisses populaires ou encore des contreparties centrales ne faisant pas de transformations d’échéances.

3. …qui sera néanmoins bientôt suivie de plusieurs textes européens dont la CRR3 afin de transposer l’accord final sur Bâle III (référence)

Ce nouveau texte prudentiel dit CRD V/CRR2 prend en compte les reformes internationales portant sur la stabilité financière, notamment plusieurs éléments déjà approuvés par le comité de Bâle et le conseil de stabilité financière (FSB) tout en prenant en compte les spécificités de l’UE.
Toutefois, il ne prend pas en compte les éléments spécifiques de l’accord final de Bâle 3 conclu le 7 décembre 2017. Il est donc à prévoir par la suite un texte CRR3 visant à transposer cet accord.
La transposition de ce dernier accord de finalisation de Bâle III, prévu pour 2022, repose sur des enjeux importants de faisabilité au niveau des banques, couplés aux différentes discussions parlementaires européennes. C’est pourquoi des études d’impacts tant au niveau du comité de Bâle que de l’autorité bancaire européenne (ABE) sont prévues afin d’évaluer les coûts et les bénéfices sur le système bancaire européen. La collecte des données s’est effectuée en 2017 et le rapport ABE est attendu en juin 2019.

Abbréviations
• CET1 : Common Equity Tier 1
• AT1 : Additional Tier 1
• T2 : Tier 2
• FSB : Financial Stability Board
• CRR : Capital Requirement Regulation
• NSFR : Net Stable Funding Ratio
• TLAC : Total Loss Absorbing Capacity
• MREL : Minimum Requirement for Own funds and Eligible Liabilities
• EBIS : Établissement bancaire d’importance systémique
• FRTB : Fundamental Review of trading Book
• SA-CCR : Standard Approach Counterparty and credit Risk
• QIS : Quantitative Impact Study
• EBA: European Banking Authority

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