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Tour d’horizon autour des attentes de l’EBA sur le dispositif clé de stress tests au sein des banques

 

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1.  Les Stress tests : au cœur du dispositif de la gestion stratégique de la banque.

Les stress tests consistent en l’évaluation de la résilience de la banque face aux crises. Ils supposent  l’évaluation de la capacité d’une banque à absorber des chocs importants mais plausibles, tout en garantissant des niveaux de solvabilité, de liquidité  satisfaisants ainsi que la continuité d’activité. Ces stress tests se traduisent par des simulations de différents scénarios adverses qui peuvent être soit idiosyncratiques, spécifiques à la banque, soit à l’échelle du marché, soit une combinaison des deux aspects, individuels et généraux.

Il est donc important pour le régulateur de préciser ses attentes et ses exigences en termes d’organisation, de méthodologie et de qualité des processus de réalisation des stress tests au sein des banques. Cette production de stress tests devra absolument être inscrite dans le processus interne d’évaluation de l’adéquation du capital (ICAAP), le processus interne d’évaluation de l’adéquation de la liquidité (ILAAP), le processus de définition du dispositif d’appétit aux risques et du cadre de limites.

Ainsi, l’EBA a publié le 19 juillet 2018, une nouvelle guideline EBA/GL/2018/04 sur les stress tests au sein des banques qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

2.  Exigences sur le contenu minimal du dispositif de calcul de stress tests des banques.

Les banques doivent mettre en place un dispositif de stress tests qui couvre à minima les points suivants :

  1. Les types de stress tests, leurs principaux objectifs et applications.
  2. La fréquence des différents exercices de simulation de crise.
  3. Les modalités de gouvernance interne : les chaines de responsabilité doivent être bien définies, transparentes, cohérentes et documentées.
  4. Le périmètre de couverture des stress tests et leur granularité.
  5. L’infrastructure de données et le système d’information associé pertinents.
  6. Les détails méthodologiques, y compris les modèles utilisés et les liens possibles entre les stress tests sur la liquidité et ceux sur la solvabilité, à savoir l’ampleur de ces interactions dynamiques et la capture des effets de rétroaction et de second tour.
  7. L’éventail des hypothèses, y compris les mesures commerciales et de gestion, et les mesures correctives prévues pour chaque stress test.
  8. L’inclusion des reverse stress tests .
  9. L’évaluation (quantitative et qualitative) et la mise à jour au moins une fois par an du dispositif de stress tests afin de s’assurer de leur efficacité, de leur robustesse et leur pertinence.

3.  Les reverse Stress tests : outils clés de risk management

Un reverse stress test prend le contrepied de la réflexion classique sur la détermination des scenarios de stress tests. Au lieu de déterminer le scénario en premier et le simuler pour obtenir le résultat final, il s’agit plutôt de commencer par l’identification du résultat prédéfini correspondant en général à un point de non viabilité de la banque, puis d’explorer les scénarios et les circonstances susceptibles de provoquer ce point de non viabilité. En d’autres termes, il s’agit de partir du résultat pour arriver au scénario provocateur au lieu de partir du scénario pour arriver au résultat.

Les reverse stress tests sont utilisés comme un outil de gestion des risques afin d’accroître la sensibilisation de la banque à ses vulnérabilités actuelles et potentielles. Ils servent notamment à apprécier la viabilité et la durabilité des modèles et stratégies business, ainsi qu’à l’identification des circonstances dans lesquelles la banque pourrait faire ou être sur le point de faire faillite. Il est donc important que les banques définissent des indicateurs d’alertes afin d’identifier rapidement un scénario qui serait sur le point de devenir réalité. Les reverse stress tests doivent être déployés au même niveau de granularité que l’ICAAP et l’ILAAP et leur être totalement intégrés.

4.  Cohérence entre les dispositifs de stress tests et les ppr

Les banques doivent élaborer des scénarios de grave détresse macroéconomique et financière, variant dans leur gravité et utiliser des reverse stress tests spécifiques pour développer des scénarios de faillite ou quasi faillite. Ceci permettra de tester l’efficacité et l’efficience de leurs actions de leurs plans de rétablissement, et analyser les sensibilités autour des hypothèses correspondantes. Les scénarios doivent permettre l’estimation des résultats et l’adéquation de toutes les options de rétablissement disponibles.

5.  Un cadre de gouvernance renforcé avec une forte implication managériale à tous les niveaux.

L’organe de direction doit être fortement impliqué dans le dispositif de stress tests. Ses membres doivent disposer à tout moment de connaissances, de compétences et d’expérience dans l’évaluation de la prise de risque. L’organe de direction doit notamment :

  • Approuver le dispositif de stress tests de la banque.
  • Superviser sa mise en œuvre et ses performances.
  • Garantir la clarté de la chaîne de responsabilités.
  • Garantir la disponibilité des ressources suffisantes pour le déploiement des stress tests.
  • Challenger les hypothèses de modélisation clés.
  • Challenger la sélection des scénarios et les hypothèses sous-tendant les stress tests en général.
  • Garantir la documentation des procédures relatives aux stress tests.

6.  Un besoin de renforcement de l’infrastructure de données en cohérence avec BCBS 239

Les banques doivent veiller à ce que le dispositif de stress tests soit étayé par des Infrastructures données appropriées, selon les principes d’agrégation efficace des données sur les risques et de communication des risques édictés par le BCBS 239. Le dispositif d’agrégation de données sur les risques doit à minima garantir leur intégrité, exhaustivité, actualité et adaptabilité ; Ceci en s’appuyant sur une base largement automatisée afin de minimiser la probabilité d’erreur. En particulier, un système de rapprochement et de contrôle approfondi doit être en place. Cette base permettra également de répondre à un large éventail de demandes émanant à la fois de besoins internes et externes à la banque.

Il s’agira à minima de veiller à ce que leur infrastructure de données ait la capacité de :

  • Saisir les besoins importants en données de leur dispositif de stress tests.
  • Permettre à la fois flexibilité et niveaux appropriés de qualité et de contrôle, de manière proportionnelle à leur taille, à la complexité et au profil des risques et des activités.
  • Permettre une intégration parfaite dans les systèmes d’information de la banque, avec une attention suffisante aux planifications de la continuité d’activité, l’identification des investissements à long terme et autres processus informatiques.

Les banques doivent donc consacrer des ressources humaines, financières et matérielles suffisantes pour garantir développement et maintenance efficaces de leur infrastructure de données.

En conséquence,  les banques doivent veiller à ce que leur processus de reporting de stress tests soit entièrement alimenté par un dispositif d’agrégation de données efficient.

7.  Un large périmètre de risques couverts par le dispositif de stress tests.

7.1. Le risque de crédit et de contrepartie

Les banques doivent analyser au moins :

  1. La capacité d’un emprunteur à rembourser ses obligations.
  2. Le taux de recouvrement en cas de défaillance d’un emprunteur, y compris la détérioration de la valeur des garanties ou la solvabilité du fournisseur de garantie.
  3. La taille et la dynamique de l’exposition au crédit, y compris l’effet des engagements non tirés des emprunteurs.
  4. Les scénarios de choc à l’échelle du marché (par exemple, un fort ralentissement de l’économie qui affecte le portefeuille qualité pour tous les créanciers).
  5. Les scénarios de choc spécifiques à la banque et idiosyncratiques (par exemple, faillite du plus grand créancier de la banque).
  6. Les scénarios de choc spécifiques au secteur et à la région.
  7. Une combinaison de ce qui précède.

7.2. Le Risque de Titrisation

Les banques doivent tenir compte des risques de titrisation résultant des crédits structurés en tenant compte des différentes positions que les banques peuvent avoir dans le processus de titrisation, selon qu’elles agissent comme initiateur, sponsor ou investisseur.

Les banques doivent veiller à ce que les stress tests des actifs titrisés tiennent compte du risque de crédit du pool sous-jacent d’actifs, y compris le risque de défaut ainsi que l’évolution des valeurs reçues en collatéral.

Les banques doivent tenir compte des informations pertinentes telles que l’ancienneté de la tranche, l’épaisseur de la tranche, les atténuateurs de risque de crédit, la granularité, exprimés en termes de nombre effectif d’expositions. De plus, l’effet des risques d’atteinte à la réputation, entraînant, par exemple, des difficultés de financement doit être évalué.

7.3. Le Risque du marché

Les banques doivent effectuer une série de scénarios graves mais plausibles de stress tests sur leurs positions sur les instruments financiers valorisés à la juste valeur, en tenant compte de variations exceptionnelles des prix du marché, pénurie de liquidités sur les marchés et la défaillance de grands acteurs du marché, les dépendances et corrélations entre les différents marchés.

Les impacts sur la CVA et sur les réserves liées aux portefeuilles des banques doivent être également pris en compte.

7.4. Le Risque opérationnel

Afin de souligner les paramètres de risque pertinents, les banques doivent utiliser les effets des pertes opérationnelles sur le résultat (P&L) comme mesure principale. Ceci inclut les impacts des coûts d’opportunité, ou les coûts internes tels que les heures supplémentaires / les primes, etc.,. En outre, et uniquement à des fins de stress tests, toute perte de résultat des événements liés au risque opérationnel doit être intégrée. Les pertes opérationnelles pouvant induire des effets de second tour (c’est-à-dire un risque de réputation) devront être prises en compte.

Les banques doivent analyser au moins :

  1. L’exposition de l’établissement à ses activités et à sa culture du risque associée et à ses antécédents de pertes opérationnelles, en mettant l’accent sur le niveau et l’évolution des pertes et des revenus bruts des dernières années.
  2. L’environnement commercial, y compris les emplacements géographiques, dans lequel la banque fonctionne, et les conditions macroéconomiques.
  3. L’évolution des effectifs, de la taille et de la complexité du bilan au cours des dernières années, y compris les changements structurels dus à des événements corporatifs tels que les acquisitions.
  4. Les modifications apportées à des éléments importants de l’infrastructure des technologies de l’information.
  5. Le degré et l’orientation des incitations dans les régimes d’indemnisation.
  6. La complexité des processus et procédures, des produits et des systèmes de technologie de l’information.
  7. L’ampleur de l’externalisation, eu égard au risque de concentration en prenant en compte tous les accords d’externalisation et les infrastructures des marchés extérieurs.
  8. Et la vulnérabilité de la modélisation du risque, en particulier dans les domaines liés au négoce des instruments, la mesure et la gestion des risques et la répartition du capital.

7.5. Le Risque lié à la conduite et frais de contentieux associés

Les banques doivent tenir compte du risque lié au comportement, résultant des pertes liées à la fourniture inappropriée de services financiers et les frais de contentieux associés, y compris les cas de faute intentionnelle ou négligente. Il s’agit par exemple, de la vente inappropriée de produits, en particulier aux  clients de détail, les conflits d’intérêts dans la conduite du business, la manipulation des taux d’intérêt de référence, des taux de change ou de tout autre instrument financier pour accroître les bénéfices d’une banque.

7.6. Le Risque de liquidité

Les banques doivent appliquer les trois types de scénarios de stress suivants :

  1. Un scénario idiosyncratique (des événements propres à la banque tels qu’une dégradation de la notation, le défaut de la plus grande contrepartie source de financement, une perte d’accès au marché, une perte de convertibilité des devises, le défaut de contrepartie fournissant les entrées les plus importantes).
  2. Un scénario à l’échelle du marché simulant un impact sur un groupe de banques ou sur le secteur financier dans son ensemble découlant par exemple de la détérioration des conditions du marché de financement ou de l’environnement macroéconomique, ou d’une dégradation du rating des pays dans lesquels la banque opère.
  3. Une combinaison des deux.

Les banques doivent concevoir différents horizons temporels dans leurs stress tests : les horizons temporels doivent aller du jour le jour (overnight) à au moins 12 mois ; Il doit également y avoir des stress tests distincts liés aux risques de liquidité intra-journaliers.

Les banques doivent concevoir un ensemble d’hypothèses comportementales défavorables pour les déposants, les autres fournisseurs de fonds et les contreparties pour chaque scénario et selon différents horizons temporels.

7.7. Le Risque de taux d’intérêt lié aux activités non commerciales (IRRBB en anglais)

Les banques doivent tenir compte du risque de spread, qui découle de l’inadéquation des taux de référence entre les financements et investissements et les risques de résiliation anticipée inclus dans les contrats avec option intégrée, qui pourraient forcer la banque à effectuer une nouvelle transaction à des conditions moins favorables.

Les banques doivent être conscientes des effets indirects potentiels des taux d’intérêt qui pourraient entraîner des pertes ailleurs (par exemple, une répercussion sur les taux débiteurs pourrait entraîner de nouvelles pertes pour risque de crédit en raison d’une détérioration de la capacité de paiement des clients).

7.8. Le Risque de concentration

Les stress tests doivent être un outil clé pour l’identification du risque de concentration, des interdépendances entre les expositions, qui n’apparaissent pas nécessairement dans des conditions de stress, ainsi que des concentrations cachées.

Outre le risque de crédit, les sources de risque analysées doivent couvrir, sans s’y limiter, les éléments suivants : les concentrations sur un client ou un groupe de clients liés, les concentrations sectorielles, les concentrations géographiques, les concentrations de produits et les concentrations de garanties.

7.9. Le Risque de prêt sur devises

Les banques doivent élaborer des scénarios de crise en modifiant différents paramètres pour leur permettre de prévoir les performances des portefeuilles de crédit en devises selon différentes hypothèses : une appréciation du taux de change de la monnaie hôte ou une variation du taux d’intérêt de la devise du prêt selon un pourcentage prédéterminé ; ou une combinaison des deux éléments précédents.

8.  Coût de mise en œuvre

La date d’application de la nouvelle guideline était le 1er janvier 2019.  L’EBA et la BCE inscrivent l’ICAAP et l’ILAAP dans leurs principales orientations des prochaines années, ce qui accentue la pression sur  la qualité du dispositif de stress tests.

Cette mise en œuvre aura un impact très important tant sur le plan organisationnel  que sur les systèmes informatiques, car certaines informations demandées dans la guideline ne sont pas présentes dans les systèmes d’information actuels et requièrent des développements spécifiques pour être disponibles selon les standards actuels de qualité de données. De même, le cadre de gouvernance actuel doit encore significativement évoluer pour atteindre le niveau d’exigence requis. Enfin, l’industrialisation de processus de production de stress tests représentera un véritable défi pour les banques de taille intermédiaire ou modeste.

Références

Abbréviations

  • EBA: European Banking Authority.
  • IRRBB: Interest Rate in the Banking Book.
  • PPR : Plans Préventifs de Rétablissement

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